La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
dimanche 29 mars 2009
Adieu, vert paradis
Je ne propose pas ici de commentaire de lecture objectif de ce premier roman. Mais est-on jamais réellement objectif face à la lecture d'un auteur ou à l'écoute d'une œuvre musicale? Poser la question, c'est bien sûr y répondre. Si l'on aime un auteur, l'on connaît bien un compositeur, on acceptera avec certes beaucoup plus de grâce les petites faiblesses qui pourraient se glisser entre les pages. Il m'arrive assez souvent d'échanger là-dessus avec des élèves avancés, alors que nous trouvons par exemple un mouvement de sonate de Beethoven lumineux mais que nous avons l'impression que, pendant quatre ou six mesures, tout à coup, la voix semble moins convaincante. Devrait-on abolir ce passage? Bien sûr que non, tout n'est que question de perception et d'interprétation.
Après cette digression, je reviens donc à Adieu, vert paradis d'Alexandre Lazaridès, premier roman commis par un auteur mûr néanmoins, qui a déjà publié un ouvrage de référence sur Valéry et signé de multiples contributions pour la revue Jeu et de nombreuses recensions de disques classiques pour La Scena Musicale. Je suis ici incapable d'opter pour un tant soit peu d'objectivité puisque l'auteur est l'un des mes amis et que je me suis déjà penchée sur deux versions précédentes du manuscrit, tant au point de vue de certains choix de termes que de la structure narrative. Néanmoins, n'ayant plus touché aux ébauches depuis environ deux ans et m'étant contentée de suivre le travail de réécriture et les différentes étapes menant à la publication du titre en amie, j'avais donc eu le temps d'« oublier » certains éléments de ce texte puissant, doté d'un rythme unique, férocement en marge des textes publiés ces jours-ci et j'ai donc pu le réaborder d'une certaine façon sans a priori.
Le narrateur nous amène dans un curieux voyage, vers le passé, vers une enfance troublée par les secrets, les questionnements, mais aussi vers le rêve, l'épopée, la musique, tant classique - traitée avec une tendresse remarquable - que la petite musique des vies qui se déchirent puis tentent de se renouer autrement. Dans une langue riche, particulièrement travaillée, portée autant par un français parfaitement maîtrisé que par le souffle inhérent à la narration des contes orientaux, l'auteur nous mène au plus profond de la psyché des personnages. Quand la violence est abordée (certains éléments de l'intrigue sont particulièrement troublants), elle ne l'est jamais de façon gratuite (et nous restons toujours à des lieues des débauches de détails scabreux qu'on pourrait retrouver dans d'autres pages). En restant volontairement sur la ligne très fine entre le dicible et l'indicible, Alexandre Lazaridès nous force à assumer nos interrogations et tend le fil à son maximum entre fiction et réalité, là-bas et ici, passé suranné et présent assumé.
Pour apprécier le roman, il faut accepter de s'investir, de se couler dans une respiration bien particulière, d'abaisser d'une certaine façon notre pulsation cardiaque, de lire en marge de l'effervescence du monde contemporain afin de retrouver le bouillonnement d'une vie intérieure. Alors, on en ressortira grandi.
jeudi 26 mars 2009
Envoyé spécial
Parfois, les rencontres avec des auteurs sont planifiées (dans le cas de lectures recommandées fortement par des proches ou, bien sûr, lors d'entrevues) et parfois elles sont tout simplement fortuites. Dans cette deuxième catégorie, je dois inclure celle avec Michel Jean, croisé au stand de Stanké lors du dernier Salon du livre. J'avais bien sûr remarqué les affiches format géant de la frimousse de l'auteur mais mon cerveau n'avait pas encore eu le temps de superposer l'image aux reportages internationaux vus au Téléjournal il y a quelques années que, alors que j'étais en conversation avec Véronique, la charmante relationniste du groupe Librex, Michel Jean se joignait à la conversation. (Il a sans doute dû trouver que j'étais la moins groupie de toutes les lectrices présentes au salon puisque je n'ai complété l'association envoyé spécial - auteur devant moi que le lendemain.)
Quand j'ai repris le cours de journalisme en janvier, j'ai aussitôt pensé qu'il serait un invité exceptionnel pour la classe. Lauréat du Prix Judith-Jasmin en 2006 pour ses reportages (assez troublants) sur la guerre au Liban, il a dans sa besace de grand voyageur nombre d'histoires incroyables, qui se déroulent tour à tour aux Éboulements, à New York au lendemain du 11 septembre, en Thïlande (capitale du tourisme sexuel), en Irak, en Haïti (lors de la chute d'Aristide), au Sri Lanka... Dans son livre de souvenirs, Envoyé spécial, comme lors de son passage dans ma classe il y a deux semaines, il s'exprime sans esbrouffe. Deux jours après, mes élèves étaient encore sous le charme du personnage (ils s'attendaient à un monsieur sérieux en veston-cravate « comme à la télévision » mais il s'est présenté en tenue sport et lunettes soleil hip) mais aussi sous le choc des événements rapportés (un état d'esprit idéal pour les faire plonger dans le volet « international » du cours).
Michel Jean ne se targue pas de proposer un manuel de journalisme de terrain pour apprentis journalistes. Exit les termes techniques, les tournures pompeuses. Plutôt, il choisit de partager ses expériences, en termes clairs, accessibles pour n'importe quel téléspectateur qui s'interrogerait sur les dessous du métier, qui permettent de le suivre pas à pas lors de ses recherches, de ses reportages, réagissant à la couleur locale, lors des moments passés à la mince frontière entre la vie et la mort aussi. Je me tiens généralement assez loin des biographies et des livres de « souvenirs » mais là, je dois admettre que j'ai tourné les pages avec une certaine fébrilité.
En passant, après avoir complété l'écriture de ce livre, comme il avait intégré le tout à son horaire (en se levant aux aurores), il a continué à écrire... un roman cette fois qui (chut!, c'est un secret!) se passe en partie dans le monde du journalisme d'enquête. Une chose est certaine: la prochaine fois, au salon du livre, je le reconnaîtrai sans peine!
lundi 23 mars 2009
C'est bien meilleur avec orchestre
Un orchestre, un chef, trois commentateurs radio assis à une table, les écouteurs de studio sur les oreilles, un compositeur sans doute un peu nerveux et un public attentif. Comme je vous l'expliquais avant-hier, j'avais hâte d'entendre ce Concerto pour animateur de radio et orchestre. Étant devenu légèrement blasée - ce sont les risques du métier -, j'avais volontairement décidé d'arriver pour la seconde partie du concert, ne jugeant pas nécessaire d'écouter un nième interprétation du (néanmoins fort beau) Concerto pour violon de Beethoven.
Alors, la question qui vous brûle les lèvres: pari réussi? En tant qu'œuvre hybride et de surcroît, multimédia, oui. Le dialogue entre les voix et l'orchestre restait fluide et l'intégration des commentateurs virtuels (qui évoquaient la circulation, la météo et le sport) au contenu, tant au point de vue musical que visuel (leurs propos défilaient sur l'écran géant) était même brillante par moments. On regrettera que, parfois, on n'avait pas le temps de terminer la lecture du texte (question peut-être de choix de sièges) mais ce détail aurait pu être ajusté si une deuxième représentation avait été prévue ce soir par exemple.
J'aime l'univers de la radio, l'intimité que cela suggère et, depuis que j'ai à me rendre quelques fois par semaine au Collège pour mon cours de journalisme, j'ai écouté plusieurs fois l'émission de René Homier-Roy (une façon efficace de faire un tour rapide de l'actualité avant de la partager avec les élèves). Je pouvais donc entendre les intonations des absents comme reconnaître les particularités langagières de ceux présents dans le traitement musical adroit de Simon Leclerc: la façon si particulière qu'a Homier-Roy de terminer ses phrases par une question, la voix grimpant toujours un peu dans les dernières syllabes, la voix riche et profonde mais toujours amicale de Claude Quenneville (qui « racontait » notamment une autre défaite du Canadien grâce à une orchestration aux cuivres polytonale d'une rare efficacité), le côté effervescent de Catherine Perrin (qui nous a livré un très joli texte sur la peintre Madeleine Ferron), le sérieux de Marc Laurendeau quand il épluche la revue de presse, la façon qu'a Yves Desautels de nous transmettre les informations essentielles sans jamais être dépassé par les événements (les mots qui défilaient à l'écran exprimant habilement et par moments loufoquement l'heure de pointe), le côté doux et presque aérien de Véronique Mayrand, la miss Météo...
Reparlera-t-on de l'oeuvre dans dix ans? Est-elle « exportable »? J'en doute un peu. Si on voulait présenter par exemple ce concerto à Chicago, il faudrait adapter la structure narrative et musicale aux particularités des morning men locaux. Par contre, dans une ville francophone près de chez vous, peut-être bien... Certaines qualités indéniables de l'écriture de Simon Leclerc doivent néanmoins être soulignées. En réécoutant quelques extraits ce matin (on a pu entendre le concerto à C'est bien meilleur le matin et dès demain, on pourra le retrouver sur le site Internet de Radio-Canada), j'ai pu constaté que, sans la « distraction » visuelle (i.e. les textes défilant à l'écran ou la présence physique des trois animateurs), la musique se tenait assez bien toute seule. Grand arrangeur et surtout brillant orchestrateur, Simon Leclerc, qui a d'abord cru à une blague quand l'OSM lui a proposé ce projet inusité, admet en être encore à ses premières armes en tant que compositeur. Il me confiait en entrevue: « Depuis deux ans, j'ai de plus en plus la chance de m'exprimer, moi, musicalement, alors qu'en tant qu'orchestrateur, je devais être au service des idées des autres. Ce projet m'offre une belle occasion d'utiliser un langage, de le paufiner, de me définir en tant que compositeur. » Je suivrai ses prochains essais avec attention.
samedi 21 mars 2009
Concerto pour animateur de radio et orchestre
Lors d’un passage à l’émission matinale C’est bien meilleur le matin sur les ondes de Radio-Canada, Kent Nagano s’était révélé séduit par la « virtuosité » de l’animateur René Homier-Roy, sautant avec une adresse consommée et une rapidité foudroyante d’un sujet à l’autre, relançant ses chroniqueurs avec une fièvre jamais feinte. Souhaitant reproduire cet étonnant « ballet vocal », il soumet alors à Simon Leclerc – à qui l’on doit la musique de Dracula et les trames sonores de nombreux films dont, plus récemment, Le Dernier Continent – l’idée inusitée d’écrire une œuvre qui marierait les univers symphonique et radiophonique qui sera créée demain après-midi par l'OSM.
Le compositeur, qui connaît parfaitement les forces de l’Orchestre pour l’avoir dirigé dans plusieurs programmes pop au fil des ans, conçoit donc un concerto dont le soliste invité serait Homier-Roy, dont il exploite les talents, comme s’il devenait instrumentiste. Il sera rejoint sur scène par Catherine Perrin et Marc Laurendeau, de même que trois chroniqueurs « virtuels » qui s'exprimeront par le biais de textes défilant sur grand écran. On assistera notamment à un étonnant entretien avec le maestro, qui ne répondra pas en paroles, mais bien… en musique!
L’œuvre, d’un seul tenant, laisse la part belle à l’improvisation, les textes n’étant que partiellement esquissés. Pour éviter les débordements, des symboles ont été intégrés à la partition pour permettre à Kent Nagano d’indiquer aux chroniqueurs quand amorcer leurs échanges, mais aussi quand les conclure rapidement. Ces habitués du direct et de la répartie rapide se retrouveront sans nul doute en pays de connaissance, le décompte de l’horloge étant ici remplacé par les gestes du chef d’orchestre. « Malgré le côté à la fois amusant et fragmenté de cette mutation d'un médium à un autre, j'ai tenté d'en faire quelque chose de captivant, d'intrigant, mais aussi de touchant », soutient le compositeur.
J'ai hâte de découvrir l'œuvre hybride demain et vous en reparle...
Le compositeur, qui connaît parfaitement les forces de l’Orchestre pour l’avoir dirigé dans plusieurs programmes pop au fil des ans, conçoit donc un concerto dont le soliste invité serait Homier-Roy, dont il exploite les talents, comme s’il devenait instrumentiste. Il sera rejoint sur scène par Catherine Perrin et Marc Laurendeau, de même que trois chroniqueurs « virtuels » qui s'exprimeront par le biais de textes défilant sur grand écran. On assistera notamment à un étonnant entretien avec le maestro, qui ne répondra pas en paroles, mais bien… en musique!
L’œuvre, d’un seul tenant, laisse la part belle à l’improvisation, les textes n’étant que partiellement esquissés. Pour éviter les débordements, des symboles ont été intégrés à la partition pour permettre à Kent Nagano d’indiquer aux chroniqueurs quand amorcer leurs échanges, mais aussi quand les conclure rapidement. Ces habitués du direct et de la répartie rapide se retrouveront sans nul doute en pays de connaissance, le décompte de l’horloge étant ici remplacé par les gestes du chef d’orchestre. « Malgré le côté à la fois amusant et fragmenté de cette mutation d'un médium à un autre, j'ai tenté d'en faire quelque chose de captivant, d'intrigant, mais aussi de touchant », soutient le compositeur.
J'ai hâte de découvrir l'œuvre hybride demain et vous en reparle...
vendredi 20 mars 2009
Juxtapositions cocasses
mercredi 18 mars 2009
Regards d'acier
J'étais de passage dans la capitale nationale le week-end dernier pour des raisons professionnelles mais ai pu ensuite y rejoindre une amie, avec laquelle nous avons arpenté pendant un peu plus d'une heure (heure de fermeture du musée oblige) certaines des salles du superbe Musée des beaux-arts du Canada. Je l'ai convaincue d'aller jeter un coup d'œil à Regards d'acier, une exposition photo consacrée aux artistes autochtones. Tirée des collections du Musée canadien de la photographie contemporaine et du Musée des beaux-arts du Canada, l'exposition explore (pour encore quelques jours à peine) la représentation du peuple aborigène par 12 artistes autochtones importants (et dont j'ignorais tout jusqu'ici, je vous l'avoue humblement): KC Adams, Carl Beam, Dana Claxton, Thirza Cuthand, Rosalie Favell, Kent Monkman, David Neel, Shelley Niro, Arthur Renwick, Greg Staats, Jeff Thomas et Bear Witness.
Décidés à tourner leurs critiques vers l'art du portrait et surtout ses abus gênants dans la représentation des peuples amérindiens (combien d'images du « bon sauvage » doit-on encore accepter avant d'admettre que la réalité est autre?), ces artistes ont plutôt décidé de revisiter le genre plutôt que de lui tourner le dos. Le « regard d'acier » du titre fait ici référence au regard gris et en apparence imperturbable qu'on a trop souvent associé aux représentations occidentales ou coloniales. En détournant le cliché, les artistes s'interrogent - et nous interpellent - sur les rôles qu'occupent l'image, les médias et les choix politiques qui les touchent de près.
Dana Claxton (photo du haut) transpose ainsi ses racines ancestrales à travers des images en apparence ludiques mais qui poussent à la relecture.
Jeff Thomas, qui se surnomme lui-même « l'Iroquois urbain », propose quant à lui des fascinants diptyques dans lesquels il jumelle le portrait stéréotypé de l'Indien et des portraits de membres de son entourage (ou lui-même) dans une composition au parallélisme inspiré. Il choisit d'élaborer une série « d'images de [son] expérience d'Iroquois urbain, ainsi que la recontextualisation des images historiques des premières Nations pour un public contemporain ».
Décidés à tourner leurs critiques vers l'art du portrait et surtout ses abus gênants dans la représentation des peuples amérindiens (combien d'images du « bon sauvage » doit-on encore accepter avant d'admettre que la réalité est autre?), ces artistes ont plutôt décidé de revisiter le genre plutôt que de lui tourner le dos. Le « regard d'acier » du titre fait ici référence au regard gris et en apparence imperturbable qu'on a trop souvent associé aux représentations occidentales ou coloniales. En détournant le cliché, les artistes s'interrogent - et nous interpellent - sur les rôles qu'occupent l'image, les médias et les choix politiques qui les touchent de près.
Dana Claxton (photo du haut) transpose ainsi ses racines ancestrales à travers des images en apparence ludiques mais qui poussent à la relecture.
Jeff Thomas, qui se surnomme lui-même « l'Iroquois urbain », propose quant à lui des fascinants diptyques dans lesquels il jumelle le portrait stéréotypé de l'Indien et des portraits de membres de son entourage (ou lui-même) dans une composition au parallélisme inspiré. Il choisit d'élaborer une série « d'images de [son] expérience d'Iroquois urbain, ainsi que la recontextualisation des images historiques des premières Nations pour un public contemporain ».
J'ai été également séduite par les portraits de KC Adams qui dénoncent les étiquettes que la société choisit d'apposer aux individus, choix qui vient ébranler plusieurs convictions que certains pourraient entretenir face aux « conventions ». Et si, au fond, le regard d'acier n'était qu'un masque?
RIP Père Lindsay
Le (très) petit monde de la musique classique québécoise est en deuil aujourd'hui, suite à l'annonce du départ du Père Lindsay, décédé hier soir, à l'âge de 80 ans. La nouvelle a surpris d'autant plus que lors d'une fête en son honneur, il y a quelques jours à peine, il semblait en bonne forme.
Le père Lindsay laisse une empreinte profonde dans le monde de la musique classique en tant que fondateur du Festival de Lanaudière (organisation à laquelle il était toujours attaché à titre de directeur artistique) et du Camp musical de Lanaudière à Saint-Côme. Fernand Lindsay avait été décoré à titre de membre de l'Ordre du Canada et comme chevalier de l'Ordre national du Québec. Son absence et sa bonne humeur contagieuse seront cruellement ressenties.
Le père Lindsay laisse une empreinte profonde dans le monde de la musique classique en tant que fondateur du Festival de Lanaudière (organisation à laquelle il était toujours attaché à titre de directeur artistique) et du Camp musical de Lanaudière à Saint-Côme. Fernand Lindsay avait été décoré à titre de membre de l'Ordre du Canada et comme chevalier de l'Ordre national du Québec. Son absence et sa bonne humeur contagieuse seront cruellement ressenties.
dimanche 15 mars 2009
Deux ans
Eh oui, le temps file sans qu'on s'en rende trop compte et cela fait deux ans que j'ai déposé un premier billet ici. Merci de votre présence, de vos commentaires et pour les découvertes partagées au fil des semaines. Santé!
Le chapeau de Kafka
Dès les premières lignes de roman qui ne ressemble à aucun autre, on plonge dans les dédales de la bureaucratie et des incohérences alors que P. se lance sur la piste du mystérieux chapeau de Kafka. À cette histoire à l’absurdité rapidement évidente, mais racontée avec un ton parfaitement décalé, Patrice Martin greffe des hommages fort réussis à Paul Auster (la tendresse avec laquelle Martin évoque New York est remarquable), à Italo Calvino (en choisissant un fil narratif à trois trames, en apparence parallèles mais qu’on découvre complémentaires) et à Borges (et ses univers situés à la quasi invisible frontière entre réalité et perception altérée).
Si le lecteur a suffisamment fréquenté les écrivains cités, il se révèlera comme moi séduit par les nombreux clins d’œil aux divers styles, habilement unifiés par la plume alerte de Patrice Martin – qui s’intègre même à l’une des courtes nouvelles du roman. On regrettera peut-être une légère précipitation à conclure le troisième chapitre de ce court mais dense roman qui, par rapport aux deux premiers, semble s’essouffler quelque peu.
Tour de force, texte à partager entre « initiés », esbroufe? Il faudra attendre le deuxième roman de l’auteur pour se prononcer mais, d’ici là, inutile de bouder son plaisir.
Pour lire les autres commentaires de lecture, c'est ici...
Si le lecteur a suffisamment fréquenté les écrivains cités, il se révèlera comme moi séduit par les nombreux clins d’œil aux divers styles, habilement unifiés par la plume alerte de Patrice Martin – qui s’intègre même à l’une des courtes nouvelles du roman. On regrettera peut-être une légère précipitation à conclure le troisième chapitre de ce court mais dense roman qui, par rapport aux deux premiers, semble s’essouffler quelque peu.
Tour de force, texte à partager entre « initiés », esbroufe? Il faudra attendre le deuxième roman de l’auteur pour se prononcer mais, d’ici là, inutile de bouder son plaisir.
Pour lire les autres commentaires de lecture, c'est ici...
jeudi 12 mars 2009
Le charme de la mélodie
Hier soir, Théâtre Maisonneuve, devant une salle malheureusement à demi-pleine, moment de partage et de pur bonheur musical. Lors du deuxième de quatre concerts présentés en une semaine par la Société Pro Musica, Marc-André Hamelin se faisait plaisir et avait invité Karina Gauvin. Pour moi, ce rendez-vous était presque incontournable car je suis liée d'une certaine façon à ce duo qui se rencontre trop rarement, agendas chargés obligent. En effet, il y a presque dix ans (comme le temps file!), je les rencontrais pour un premier article qui se retrouverait en couverture de La Scena Musicale. On dit toujours qu'on n'oublie pas sa première fois... Je me souviens aussi d'avoir écouté l'enregistrement Fête Galante en boucle pendant un certain nombre de semaines. Si j'avais été renversée par le timbre extraordinaire de la soprano et la finesse du traitement pianistique, j'avais surtout été séduite par la complicité musicale évidente entre les deux interprètes, l'un et l'autre se coulant dans les pas de l'autre, toujours parfaitement à l'écoute des échanges musicaux.
Hier soir, donc, ils proposaient un programme fort habilement monté de mélodies, qui s'est ouvert par trois canzonettas de Haydn, dont une version particulièrement envoûtante de « Hark! Hark! What I Tell to Thee » (The Spirit's Song) dont chaque chromatisme semblait magnifié et une interprétation de Dans un bois solitaire de Mozart toute en tendresse et en luminosité. Le programme basculait ensuite vers la mélodie française du tournant du XXe siècle, avec des pages aimées de Reynaldo Hahn (dont le sublime « Si mes vers avaient des ailes », magnifiquement rendu) et d'Henri Duparc.
Après l'entracte, on a pu apprécier la palette sonore exceptionnelle de pianiste de Marc-André Hamelin dans les Ariettes oubliées de Debussy mais surtout la profonde communion entre les deux artistes. La voix et le piano semblaient tissés d'une même soierie précieuse, de laquelle il semblait presque impossible de discerner l'une ou l'autre contribution des complices. Dans les six mélodies de Poulenc et les extraits des Chants populaires de Vuillermoz, Karina Gauvin a pu démontrer ses dons consommés d'actrice, ce qui a permis aux auditeurs d'apprécier les subtilités tant du texte que du traitement musical. Une Coccinelle de Bizet, toute en légèreté et en finesse, certainement non dépourvue d'humour, concluait le programme.
Généreuse, la soprano a tenu à remercier publiquement son pianiste, visiblement touché par l'intention. Les deux artistes ont ensuite offert en rappel (le pianiste ayant alors délaissé ses partitions), deux mélodies supplémentaires de Poulenc, les éternels Chemins de l'amour et le magnifique C.
lundi 9 mars 2009
Pleins yeux sur la nouvelle
L'année dernière, je n'avais pu me rendre à la remise des prix, la météo ayant décidé de ne point coopérer de façon magistrale (une soixantaine de centimètres de neige et des conditions routières dangereuses). Cette année, sous un soleil radieux et malgré le changement d'heure non prévu dans notre horaire, j'étais à Charlesbourg à l'heure. J'ai ainsi pu découvrir avec plaisir une superbe bibliothèque avant de me glisser, le cœur battant un peu la chamade quand même, dans la première rangée, celle des lauréats. À chaque résumé de texte, la pression montait, je dois l'avouer (puisqu'on a commencé la cérémonie par le 4e prix)... Et finalement, en tout dernier, après avoir entendu des compliments dont je n'ai rien retenu (ou presque), je me suis approchée du micro et ai lu Le sourire de la Joconde, qui s'est mérité le premier prix de la troisième édition du concours de nouvelles de la Société littéraire de Charlesbourg, sur le thème « Au delà du réel ».
Pour ceux qui souhaiteraient la découvrir, je l'ai lue ici, quelques jours avant le grand jour.
Sourire de la Joconde -
Pour ceux qui souhaiteraient la découvrir, je l'ai lue ici, quelques jours avant le grand jour.
Sourire de la Joconde -
samedi 7 mars 2009
Seule dans le noir... avec un livre
Quel plaisir de retrouver un contact privilégié avec les livres, enfin ceux qu'on lit pour le plaisir... Des voix différentes, mais toutes fort pertinentes, ont accompagné ma semaine.
Tout d'abord, j'ai plongé avec un réel bonheur dans Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra, fresque qui s'étale sur plus d'une cinquantaine d'années et qui nous trace le portrait de l'intérieur de l'Algérie à travers le regard de Younes (ou Jonas), jeune Arabe élevé par son oncle dans un milieu chrétien mais qui devra éventuellement accepter puis prendre sa place dans un pays en mutation. Dans une langue limpide, qui suscite des images vives mais qui n'est jamais dénuée d'une certaine tendresse, Khadra signe un grand livre ici, de la même trempe que L'Attentat, livre-choc qui m'avait initiée au style de l'auteur. En complément, un texte intéressant qui traite du sens de son oeuvre, à lire sur son site officiel.
J'ai ensuite retrouvé la poésie si particulière de Robbert Fortin. Dans son recueil posthume, Personne n'a trouvé d'angle à la beauté, Fortin nous amène en voyage avec lui, dans son Montréal tout d'abord puis dans un périple européen inoubliable au coeur des monuments incontournables (tour de Pise, Tour Eiffel, Musée Rodin, Louvre, etc.) qui prennent sous ses mots une toute autre dimension.
« les mots tirent leur arcane / de la douleur qui les chevauche / incitant imaginaire à changer de position / comme audace du cri / rayonnant dans tous les mots qui rêvent », écrit-il par exemple devant le tombeau d'Éluard. On sort de la lecture du recueil transformé, un brin nostalgique de ces lieux fréquentés, saisis dans leur quintessence par un poète magnifique, trop tôt disparu.
Il faudrait aussi mentionner, dans un registre lui aussi poétique, Geai de Chritian Bobin, autre voix unique, presque magique, qui réussit à extraire d'un quotidien en apparence banale une pureté et une beauté propres à l'autre monde.
Je ne pouvais conclure ma semaine de lecture sans avoir retrouvé un de mes auteurs fétiches, Paul Auster. J'avais été profondément déçue - ou peut-être devrais-je plutôt écrire déstablisée - par Dans le scriptorium, à tel point que, après l'avoir prêté à un ami, j'en avais de nouveau relu quelques pages, me disant que j'avais raté quelque chose, que je n'étais pas dans l'état d'esprit propice au moment de la première lecture. Dans ce cas-ci, pas d'hésitation - et ce, même si plusieurs critiques ont écorché le dernier opus du plus français des auteurs américains.
Seul dans le noir raconte l'histoire d'une nuit d'insomnie, pendant laquelle August Brill, le narrateur, critique littéraire à la retraite, cherche à tuer le temps, l'angoisse, la vague de souvenirs doux-amers, en inventant une histoire, pas si improbable qu'elle ne l'est en apparence, qui se passe en 2007 mais dans laquelle les États-Unis sont en guerre, certains états ayant choisi de déclarer leur indépendance. La violence de la guerre ne se joue plus en Irak, en Afghanistan, mais au coeur même de cette Amérique troublée, déchirée, qui se cherche, qui hésite, qui a besoin de se redéfinir. On sait combien les événements du 11 septembre ont ébranlé Auster mais il délaisse ici la polémique pour nous livrer une histoire troublante mais aussi terriblement attachante, comme il sait en signer. On regrettera peut-être à peine quelques raccourcis (l'histoire dans l'histoire se conclut de façon particulièrement abrupte!) mais l'émotion reste, palpable. On reconnaîtra aussi, clin d'oeil charmant, Hubert Nyssen, l'éditeur d'Actes Sud (dont la femme, Christine LeBoeuf, traduit les livres d'Auster), qui devient personnage de roman pendant quelques paragraphes et on souhaitera se plonger dans certains films essentiels, relus par l'oeil aiguisé du romancier.
Tout d'abord, j'ai plongé avec un réel bonheur dans Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra, fresque qui s'étale sur plus d'une cinquantaine d'années et qui nous trace le portrait de l'intérieur de l'Algérie à travers le regard de Younes (ou Jonas), jeune Arabe élevé par son oncle dans un milieu chrétien mais qui devra éventuellement accepter puis prendre sa place dans un pays en mutation. Dans une langue limpide, qui suscite des images vives mais qui n'est jamais dénuée d'une certaine tendresse, Khadra signe un grand livre ici, de la même trempe que L'Attentat, livre-choc qui m'avait initiée au style de l'auteur. En complément, un texte intéressant qui traite du sens de son oeuvre, à lire sur son site officiel.
J'ai ensuite retrouvé la poésie si particulière de Robbert Fortin. Dans son recueil posthume, Personne n'a trouvé d'angle à la beauté, Fortin nous amène en voyage avec lui, dans son Montréal tout d'abord puis dans un périple européen inoubliable au coeur des monuments incontournables (tour de Pise, Tour Eiffel, Musée Rodin, Louvre, etc.) qui prennent sous ses mots une toute autre dimension.
« les mots tirent leur arcane / de la douleur qui les chevauche / incitant imaginaire à changer de position / comme audace du cri / rayonnant dans tous les mots qui rêvent », écrit-il par exemple devant le tombeau d'Éluard. On sort de la lecture du recueil transformé, un brin nostalgique de ces lieux fréquentés, saisis dans leur quintessence par un poète magnifique, trop tôt disparu.
Il faudrait aussi mentionner, dans un registre lui aussi poétique, Geai de Chritian Bobin, autre voix unique, presque magique, qui réussit à extraire d'un quotidien en apparence banale une pureté et une beauté propres à l'autre monde.
Je ne pouvais conclure ma semaine de lecture sans avoir retrouvé un de mes auteurs fétiches, Paul Auster. J'avais été profondément déçue - ou peut-être devrais-je plutôt écrire déstablisée - par Dans le scriptorium, à tel point que, après l'avoir prêté à un ami, j'en avais de nouveau relu quelques pages, me disant que j'avais raté quelque chose, que je n'étais pas dans l'état d'esprit propice au moment de la première lecture. Dans ce cas-ci, pas d'hésitation - et ce, même si plusieurs critiques ont écorché le dernier opus du plus français des auteurs américains.
Seul dans le noir raconte l'histoire d'une nuit d'insomnie, pendant laquelle August Brill, le narrateur, critique littéraire à la retraite, cherche à tuer le temps, l'angoisse, la vague de souvenirs doux-amers, en inventant une histoire, pas si improbable qu'elle ne l'est en apparence, qui se passe en 2007 mais dans laquelle les États-Unis sont en guerre, certains états ayant choisi de déclarer leur indépendance. La violence de la guerre ne se joue plus en Irak, en Afghanistan, mais au coeur même de cette Amérique troublée, déchirée, qui se cherche, qui hésite, qui a besoin de se redéfinir. On sait combien les événements du 11 septembre ont ébranlé Auster mais il délaisse ici la polémique pour nous livrer une histoire troublante mais aussi terriblement attachante, comme il sait en signer. On regrettera peut-être à peine quelques raccourcis (l'histoire dans l'histoire se conclut de façon particulièrement abrupte!) mais l'émotion reste, palpable. On reconnaîtra aussi, clin d'oeil charmant, Hubert Nyssen, l'éditeur d'Actes Sud (dont la femme, Christine LeBoeuf, traduit les livres d'Auster), qui devient personnage de roman pendant quelques paragraphes et on souhaitera se plonger dans certains films essentiels, relus par l'oeil aiguisé du romancier.
jeudi 5 mars 2009
Un partage
Je quitte pour une cinquantaine d'heures mais, pour que vous ne vous ennuyiez pas trop (la modestie m'étouffe, pardonnez-moi!), je partage ici un récent coup de cœur.
Mariza
Mariza
mercredi 4 mars 2009
Kafka, Auster, Calvino, Borges... et Martin
Malgré un horaire professionnel chargé - il est membre du conseil municipal de Gatineau depuis 2005 -, Patrice Martin a fort gentiment accepté de répondre à quelques questions que je lui ai transmises par courriel. Aucun doute possible, on reconnaît bien la subtilité de l'auteur du Chapeau de Kafka (notre recrue du mois) derrière ces réponses.
Pour la lire, c'est ici...
Pour la lire, c'est ici...
mardi 3 mars 2009
Complicité volontaire
Parfois, dans la vie d'une journaliste spécialisée, il y a des moments banals où on l'impression qu'un récital entendu est inachevé ou que l'interviewé nous échappe, préférant les lieux communs, les redites et les affirmations politiquement correctes. Dans d'autres cas, la magie opère, de façon spectaculaire. C'est ce qui s'est passé quand j'ai rencontré il y a quelques semaines le baryton Marc Boucher et le pianiste Olivier Godin, fervents défenseurs d'un genre trop peu fréquenté, celui de la mélodie française. En quelques secondes à peine, le courant passait, entre eux deux (de façon aussi perceptible que quand ils se produisent ensemble) mais aussi entre eux et moi. L'heure a passé en un souffle ou presque, ponctuée par plusieurs instants de connivence et quelques fous rires.
Je vous invite à découvrir les deux artistes, qui font la couverture du numéro de mars de La Scena Musicale, ici même... Je ne vous cacherai pas que j'ai très hâte d'entendre leur prochain CD, qui sera lancé ce mois-ci et est consacrée aux mélodies inspirées par Les fleurs du mal de Baudelaire.
Je vous invite à découvrir les deux artistes, qui font la couverture du numéro de mars de La Scena Musicale, ici même... Je ne vous cacherai pas que j'ai très hâte d'entendre leur prochain CD, qui sera lancé ce mois-ci et est consacrée aux mélodies inspirées par Les fleurs du mal de Baudelaire.
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