jeudi 11 juin 2009

La puissance des mots

J'ai vu la semaine dernière La déraison d'amour, collage de textes de Marie de l'Incarnation réalisé par Jean-Daniel Lafond, en collaboration avec la comédienne Marie Tifo, qui incarne le rôle. Si j'ai de nombreuses réserves, tant face au choix des lettres mises en lumière (ou plutôt du rythme qui en découle) que de la mise en scène (parfois télégraphiée), la musique (d'un anachronisme qui m'a laissée perplexe à l'occasion) ou certains gestes interprétatifs, je n'en ai aucune face à la puissance des mots de cette religieuse au style travaillé, imagé, parfois violemment poétique.

Avec une plume particulièrement acérée, dans ses quelque 13 000 lettres rédigées sur une période de 33 ans (dont plusieurs furent retravaillées trois ou quatre fois), Marie de l'Incarnation (née Marie Guyard) raconte aussi bien le quotidien de la colonie - l'apprentissage d'un climat plus que rébarbatif, l'appropriation d'un territoire, le dénuement dans lequel les habitants vivent, leur volonté de combattre aussi - que ses interrogations, son amour pour son divin époux, son mysticisme profondément incarné. Elle y transmet aussi l'amour qu'elle porte à son fils, laissé derrière alors qu'il sortait à peine de l'enfance, qui finira par embrasser lui aussi une carrière religieuse. Elle y partage surtout une volonté d'ouverture sur l'autre (elle rédigera les premiers dictionnaires indien-français), d'accepter d'où il vient, ce qu'il a vécu, comme faisant partie intrinsèque de l'être qu'il est devenu. Un parcours de battante (certains spécialistes n'hésitent pas à la qualifier de première féministe du pays), bien avant que le terme se glisse dans notre vocabulaire courant...

On peut consulter certaines de ses lettres ici (en vieux français)...

2 commentaires:

Venise a dit…

Si tu aimes la correspondance, tu sais ce qu'il te reste à faire cette année ... venir aux Correspondances d'Eastman ! Surtout qu'il y a justement une lecture d'une correspondance qui promet avec Daniel Gadouas et Pascale Buissières.

P.S : J'apprécie l'absence d'étoiles pour "Je jette mes ongles par la fenêtre" jusqu'à lundi, le 15 :-D

Lucie a dit…

Pour une fois que je serai au pays cette semaine-là, tu parles! :)