mardi 27 octobre 2009

De l'accessibilité de la culture

Je fais un bref retour sur mon séjour en sol français, non pas pour vous narguer - là n'est pas du tout mon intention - mais, parce que, depuis que je suis revenue, je me questionne sérieusement sur l'accessibilité de la culture au Québec. Oui, je sais, l'offre est plus qu'abondante et il ne se passe une seule journée sans que ne soient offerts concerts classiques, pop, émergents, pièces de théâtre, spectacles de danse, expositions et une quantité phénoménale de spectacles d'humour. Mais combien d'entre nous peuvent se permettre d'en profiter? Voilà où le bât blesse.

Lors de mon périple, j'ai visité plusieurs musées: l'expo temporaire sur Tintoret/Véronèse/Titien et l'aile italienne du Louvre (j'ai frisé l'overdose), l'expo sur les graffitis à la fondation Cartier (à la fois frustrante et intelligente), le musée de la poupée (une requête expresse de mon accompagnatrice), l'Institut du monde arabe (deux expos diamétralement opposées mais d'une rare puissance), un musée consacrée aux artisans à Bourges (des objets magnifiques) et, mon préféré entre tous, le Centre Pompidou (dont une expo de photographes surréalistes et une consacrée aux femmes artistes, assez coup de poing). Coût moyen d'entrée? Cela variait entre gratuit (à Bourges) et 12 euros. Pas donné, certes, mais acceptable. Mais, si j'avais été demandeur d'emploi (admirez la subtilité du terme, beaucoup moins péjoratif que « chômeur »), les tarifs auraient chuté dramatiquement. (Dans certains cas, cela aurait été gratuit.) De plus, tous les musées français importants offrent non pas un tarif réduit aux étudiants, mais tout simplement la gratuité.

J'ai aussi assisté à deux concerts classiques. Je l'admets, celui de Pollini n'était pas donné (45 euros) mais l'autre, entendu à l'Église St-Merry, de grande qualité pourtant, était gratuit, comme tous les concerts offerts les samedis et dimanches par cette organisation. J'avais aussi reçu une invitation pour un récital de piano à la Salle Gaveau (prix des meilleures places: 20 euros) mais ai plutôt assisté à un spectacle de gothique et de post-punk ce soir-là. (Prix d'entrée: 3 euros) À Bourges, j'ai assisté à une pièce de théâtre, Les garçons et Guillaume, à table!, un one-man-show donné par un sociétaire de la prestigieuse Comédie-française, Guillaume Gallienne, nominé pour un Molière (quand même!) en 2009. Un mercredi soir plutôt frisquet, la salle du Théâtre municipal Jacques Coeur était bondée. Le prix des billets? Entre 11 et 15 euros! Dans la même ville de province, on offre régulièrement des soupers/spectacles à 25 euros (10 euros pour les enfants) qui font la part belle à des musiciens, danseurs, acteurs et artistes de cirque.

Quand avez-vous pu assister à un spectacle de qualité à moins de 30 $ à Montréal la dernière fois? Je vous laisse chercher... Bien sûr, vous me direz, il y a le cinéma, forme d'art à part entière et certaines salles de répertoire (notamment l'excellent Cinéma du Parc) offrent des tarifs plus que préférentiels. (Pour les mégaplex, on repassera.) Mais, comme ça, en « live »? Il y a quelques semaines, j'ai été très tentée par le spectacle de Fabrice Lucchini, dont on m'avait dit le plus grand bien. Quand j'ai vu le prix des billets (110 $!), devinez quoi? Bien sûr, j'ai changé d'idée et me suis dit que, pour le même montant, je pourrais me procurer plusieurs livres de Barthes et tenter de m'imaginer que Lucchini me les déclamait à l'oreille ou que, de façon plus réaliste, j'attendrais le DVD (en espérant que mon vidéoclub local l'aura en réserve, ce dont je doute fort) et m'offrirais alors une séance de lecture « privée ».

Un autre exemple en terminant? J'ai sous la main le numéro d'octobre du journal La Terrasse, l'équivalent parisien du Voir mais qui ne couvre pas les livres (et non!) ni la pop ni les restos, dépourvu de petites annonces, et qui m'a été remis gratuitement lors du concert Pollini. Sur 76 pages, 47 pages (je n'exagère rien) sont consacrées au théâtre, une au cirque (5 spectacles différents), 9 à la danse, 9 au classique et 7 au jazz! En couverture, cette citation de Pasolini, qui ne peut que me séduire: « La culture est une résistance à la distraction ». Je n'aurais pas pu mieux dire.

6 commentaires:

Maxime a dit…

J'ajouterais qu'en France les musées nationaux sont ouverts gratuitement à tous chaque premier dimanche du mois!

Lucie a dit…

Tu as tout à fait raison!

Lilia a dit…

réflexion à voix haute très juste et profonde
je parle en général partout dans le monde ces portes ouvertes à la culture au savoir et à l'histoire doivent être gratuit
ta réflexion m'a amené à te lire et aimer
merci

Lucie a dit…

Merci Lilia de ton passage!
J'ai découvert ton site avec plaisir.

Claudio Pinto a dit…

On n'aura jamais assez de ces billets qui disent "les vraies affaires". Je souhaite que le maximum de gens puissent te lire.

klari a dit…

oups, je reviendrai lire ton article en me fouettant le dos la prochiane fois que je me plaindrai des prix des spectacles parisiens ;-)