Hier soir, j'entendais l'OUM (Orchestre de l'Université de Montréal) pour la première fois et ne savais trop à quoi m'attendre. Bien sûr, les instrumentistes sont triés sur le volet et sont encadrés par des chefs enthousiastes. Mais, quand même, on parle de jeunes musiciens en tout début de carrière, peut-être un peu moins aguerris que leurs aînés. J'avais tout faux et c'est tant mieux. Devant une salle comble, bondée en majorité de jeunes, l'OUM a démontré qu'il n'avait rien à envier aux orchestres professionnels côté excellence. Oui, bien sûr, je pourrais chipoter sur certaines fins de phrases un peu sous la note dans la section des cordes, quelques attaques plus ou moins nettes des cors (mais la section de l'OSM me fait régulièrement grincer des dents et j'ai pu constater il y a quelques semaines que le premier cor du Mariinsky n'était pas infaillible non plus), un vibrato qui aurait pu être plus prononcé ici ou là. Au fond, on parle de très légères imperfections, qui ne méritent même pas l'épithète d'irritants. J'ai surtout été séduite par la remarquable cohésion de l'ensemble, par l'énergie qui se dégageait des pupitres, par la façon dont on sentait les jeunes musiciens inspirés par la direction alerte d'Alain Trudel.
En première partie, le pianiste Serhiy Salov, premier prix du Concours de concertos de la faculté en 2009, reprenait l'œuvre qui l'avait sacré grand vainqueur du Concours Musical International de Montréal en 2004, le Deuxième Concerto de Brahms. Il y a presque six ans, j'avais été séduite par l'assurance de son jeu et sa façon de se projeter à travers la musique sans jamais s'imposer. Je l'avais entendu de nouveau l'année suivante avec I Musici dans le programme Autour de Chostakovitch et puis, plus rien, ou de loin en loin. Il y a quelques semaines, nos routes se sont recroisées alors que j'ai travaillé aux notes de programme de son prochain enregistrement, qui sera lancé dans moins de dix jours. En échangeant avec lui au sujet de son arrangement du mythique Sacre du printemps, j'avais découvert une nouvelle profondeur dans la façon dont il s'appropriait l'œuvre. J'avais donc très hâte de voir comment le Brahms s'était transformé depuis six ans.
Hier soir, Serhiy Salov a su se tenir loin de la pyrotechnie. Assuré, impérial, il a insufflé une ampleur à la sonorité mais surtout au phrasé. Jamais, je n'ai senti qu'il précipitait le geste, qu'il prenait un raccourci, qu'il contournait un obstacle. La partition respirait, inspirait. La sonorité était recherchée, pleine, à aucun moment métallique, malgré le côté brillant de l'instrument choisi. Dans le mouvement lent, cela a donné quelques pages magnifiques. Dans les trois autres, cela a permis de mieux saisir l'architecture de cet édifice imposant, d'en apprécier chaque angle.
Après avoir entendu une telle interprétation, on reste néanmoins perplexe. Comment se fait-il que que la carrière de cet artiste n'ait pas encore vraiment décollé et que, en lieu et place, soir après soir, on doive se taper des interprétations bruyantes ou mal assurées, dépouillées de toute substance? Le mélomane moyen manque-t-il vraiment à ce point de repères (historiques, discographiques, esthétiques) pour continuer de privilégier le bruit à la poésie? Je ne suis même pas certaine de vouloir répondre à mes propres questions...
1 commentaire:
Ravie que cela ait été pour toi une bonne surprise !
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