Je couvre l'Opéra de Montréal pour la revue Jeu depuis la saison dernière et peux donc assister à chacune des productions, crayon en main. (Le prix à payer: lors des entractes, la personne qui m'accompagne doit néanmoins subir mes griffonnages de mots-clés, mes commentaires à chaud et mes esquisses plus ou moins habiles des décors pendant quelques minutes avant que je ne puisse échanger avec elle.) Oui, certains opéras sont des chefs-d'œuvre (il n'y a pas une seule note de trop dans La flûte enchantée de Mozart, ce qui n'est certes pas le cas de nombreux ouvrages), mais ils sont parfois servis par une scénographie maladroite, une mise en scène floue ou une distribution inégale. Il est donc assez rare que, le même soir, je puisse accorder un A symbolique autant à la musique, au livret, à la mise en scène, à la scénographie, aux voix des chanteurs qu'à la pertinence de la production. C'est pourtant le cas cette fois-ci, avec cette très belle production de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal du Consul de Menotti.
Avec un budget qui n'a rien de faramineux, ce spectacle qui met en lumière des stagiaires de l'Atelier lyrique, des « artistes invités » (jeunes professionnels en début de carrière) et des étudiants de l'École nationale de théâtre (décors, costumes, éclairages) est l'un des plus intéressants qu'il m'ait été donnés de voir au cours des dernières saisons. La musique de Menotti - décriée fort inutilement par plusieurs -, servie ici par un arrangement des plus efficaces pour septuor (quintette à cordes, piano et clarinette), dirigée avec énergie et précision par Claude Webster, continue de parler au cœur. De plus, soixante après sa création, il faut bien admettre que le livret (également signé Menotti, qui comprend plusieurs vers particulièrement ciselés) n'a pas pris une seule ride et que rien n'a changé: nous sommes encore et toujours des numéros, démunis face à la puissance de l'état.
Aucune faiblesse marquante du côté des interprètes. Si Caroline Bleau n'a semblé prendre possession entièrement du personnage de Magda Sorel qu'au deuxième acte (peut-être s'économisait-elle, le rôle étant exigeant) et, comme d'autres chanteurs de la distribution, semble avoir de la difficulté à mordre dans les syllabes finales du texte anglais, elle a certes démontré qu'elle avait toutes les qualités requises pour à la fois émouvoir et transporter le public. Étienne Dupuis en John Sorel plus grand que nature habite l'espace avant même d'ouvrir la bouche. Christiane Bélanger (la mère) possède un joli timbre de voix et a su intégrer avec fluidité les indications du metteur en scène. Saluons ici également Aidan Ferguson, en secrétaire pas si impassible, Aaron Ferguson, en magicien loufoque, et Philip Kalmanovitch, en agent de la police secrète qui donne littéralement froid dans le dos.
Il vous reste encore trois chances de vous glisser en salle (les billets sont des plus abordables, entre 31 et 40 $): ce soir, vendredi et samedi.
2 commentaires:
oui, ça a l'air fort...
mais faudra que j'attende qu'on le monte à la Monnaie ;-)
Peut-être que le texte anglais fait que ce n'est pas monté aussi souvent en Europe, mais je pense que tu apprécieras. En attendant, tu peux toujours écouter la musique sur MusicMe mais le visuel évidemment ajoute beaucoup...
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