Pourtant, j’ai eu de la difficulté à plusieurs moments à rester accrochée à cette histoire, ballotée entre descriptions techniques sur le métier de pilote, liens tissés entre marins, peinture du Montréal des premières années de l’industrialisation, quotidien de Delphine et évocations de ces instants marqués au fer rouge du désir. Ceux-ci, admirables à la fois d’exaltation et de retenue, m’ont entièrement captivée et je suis demeurée sensible à la vague qui balayait impitoyablement Delphine. (Ernest m’a semblé un personnage plus pâle, avant de devenir vaguement caricatural dans la jalousie.) Je déplorais néanmoins de devoir sortir de ce cocon en apparence protecteur, mais qui contient en son cœur les formants de la discorde. J’aurais voulu que l’auteure choisisse d’y creuser son sillon, joue sur les oppositions entre les deux amants, sur leurs attentes, nous fasse plonger dans le précipice de cet amour impossible à vivre au quotidien.« Tordre le cou au corps, au chant suave du plaisir, à la déferlante des nuits mauves qui rendent mes jours noirs et rouges et mon avenir maladif et insipide. D’une volonté triomphante, je vais créer le plein, le rythme, parce que… survivre. Le silence des champs me pèse. Émerger de ma folie, m’extirper de la douleur et de l’insuffisance dans laquelle je me suis placée. Vivre à cœur de jour l’émotion à fleur de peau a un prix. L’annihilation de la raison, la déroute infernale de l’esprit. Tous ces vents salés ont rendu exigu mon champ de clairvoyance, mon rayon de lucidité. » (p. 135-136)
Joanne Rochette a cependant prouvé ici qu’elle possédait une voix qu’on ne pouvait confondre avec celle de la masse. J’y prêterai sans doute attention lors de la sortie d’un prochain ouvrage, pourquoi pas un recueil de poésie?
Vous pouvez lire ici ce que les autres collaborateurs de La Recrue en ont pensé...
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