lundi 16 mai 2011

La dévorante


Avec son format unique et sa couverture onirique, l’objet lui-même attire, intrigue, semble exiger un rapport presque intime. En plongeant dans le texte lui-même, le lecteur réalise en quelques lignes que Lynda Dion a refusé avec ce premier roman la voie de la facilité, geste louable en cette époque de produits préformatés.

L’auteure balaie assez habilement du revers de la main signes de ponctuation et majuscules, nous forçant à adopter un autre rythme de lecture, à nous glisser dans son souffle, à jouer selon ses règles, à intégrer une certaine oralité au mouvement des yeux sur la page. « à pleine bouche j’ouvre je laisse entrer j’avale la salive la sueur le sperme les promesses parfois les miettes les mots qui traînent qui s’échappent qui se donnent pendant l’amour j’en fais des colliers qui me font plier l’échine ou des chapelets d’espérance que j’égrène en cachette avec le temps va tout s’en va même les plus chouettes souvenirs ça t’a une de ces gueules ».

La narration se veut fragmentée, crée l’illusion que l’histoire s’érige à coups d’instants volés. Le ton oscille entre journal personnel et succession de micronouvelles, la linéarité temporelle étant tantôt respectée, tantôt ignorée.

Si j’ai apprécié la puissance poétique de plusieurs passages, la précision et la fluidité de la langue, le morcellement du fil narratif, j’ai néanmoins eu l’impression d’être témoin d’un exercice de style. Je n’ai pas réussi à m’attacher à la narratrice, dépendante affective finie, qui foule, vraisemblablement depuis des décennies, les mêmes sentiers rabattus, à la recherche d’un soi meilleur qui ne semble pouvoir être atteint qu’à travers un asservissement à l’Autre. Oui, des centaines, des milliers sans doute, s’y reconnaitront. J’aurais préféré être édifiée.

Les autres collaborateurs de La Recrue sont assez enthousiastes. À lire ici...

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