vendredi 3 juillet 2015

Beyond: y croire

Photo:Agence QMI
Même si chacun des spectacles de la compagnie australienne Circa aborde une thématique différente, possède une couleur distincte, tous sont liés par une même signature, indéniable. Que le fil narratif soit apparent (comme dans Opus) ou se lise comme une superposition de liens en apparence plus ténus comme dans Beyond, impossible de résister aux mises en scène de Yaron Lifschitz qui n'hésitent pas à débouter les mythes. On pourra ainsi considérer Beyond comme un spectacle féministe, la femme agissant plus souvent qu'à son tour comme porteur, que grimpent sur ses épaules un puis deux hommes alors qu'elle est affairée à résoudre le Cube Rubik, qu'elle supporte le poids d'un partenaire alors qu'elle est sur pointes ou que celui-ci marche sur ses jambes alors qu'elle se trouve en position de grand écart renversé.

Beyond n'est toutefois pas une démonstration de force - même si celle des interprètes reste indéniable. On nous invite plutôt à plonger dans un entre-deux, entre réalité et rêve, à retrouver cette part d'enfant enfouie (souvent trop profondément) en nous, l'émerveillement que l'on peut ressentir quand on ouvre un coffre de jouets et que nous avons l'impression que nos peluches sont dotées d'une vie bien à eux.

Photo: Agence QMI
Que l'on tente de se réveiller d'un cauchemar traumatisant (numéro de chutes calibrées qui se transforme en moment de grande beauté quand l'artiste exécute des figures avec une simple feuille de papier), que l'on soit dans la franche rigolade (délire animal des protagonistes ou jonglerie doublée de contorsion avec balles et raquette de tennis) ou dans la magie pure (sangles aériennes doublées de contorsion ou encore numéro de ruban alors que, dans les premiers instants, l'artiste donne l'impression de grimper à une voile) importe peu ici: le rêve sert assurément de fil conducteur. Détaché de la réalité, on se laisse fasciner par ce qui se passe sur scène, en oublie même de respirer ou d'applaudir, histoire de ne pas briser la concentration de l'interprète parfois (comme dans ce numéro d'équilibre les yeux bandés, les cannes étant disposées à des hauteurs différentes), le plus souvent par peur de briser le sortilège.

Portés par une musique souvent rétro, qui accentue le côté décalé, voire surannée, de la proposition, les numéros se déploient, non pas par paliers - chaque prouesse déclassant la précédente -, mais avec une grande fluidité. Même quand ils accomplissent des choses en apparence impossibles (du moins, pour le commun des mortels), les interprètes le font avec une telle aisance que nous pouvons nous identifier à eux. Ne souhaitons-nous pas tous laisser notre animal intérieur s'exprimer, porter des têtes d'animaux plutôt que notre masque policé ou nous défaire d'un costume bien trop encombrant comme ce nounours tentant de grimper au sommet du mât chinois? Un instant, fugace, nous aurons l'impression de ne faire qu'un avec eux, de pouvoir faire fi de l'absurdité du quotidien, de
prendre avec eux notre envol.


Jusqu'au 5 juillet à la TOHU.

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