mardi 7 juillet 2015

Ruelle: vies parallèles

Photo: Rolline Lapointe
La ruelle... lieu mythique qui permet aux enfants de se retrouver entre eux, de jouer au hockey, à la marelle, à la corde à sauter, aux plus vieux de créer des liens. Lieu intermédiaire aussi, entre l'être et le paraître, entre celui que nous sommes dans le confort de notre appartement et celui que nous devenons, une fois notre armure revêtue. Lieu parfois louche, les petits truands y faisant la loi ou y cherchant quelque sensation forte. Si la scénographie de Ruelle rappelle d'une certaine façon les balcons arrières des romans de Michel Tremblay, il faut plutôt penser au film Rear Window, juxtaposition de la légèreté amoureuse et de violence latente ou assumée.

Cela donne lieu à de très belles images (la folie du déménagement en début de spectacle), les regards échangés entre la chanteuse Marie-Élaine Thibert (qui se révèle à la hauteur, aussi bien vocalement que dans les numéros d'acrobatie) et son voisin victime d'un accident (alter ego du metteur en scène Jeffrey Hall, qui a vu se dessiner ce spectacle alors qu'il était immobilisé après une chute), les amoureux qui se courtisent sur les cordes à linge, les escaliers que deux artistes enveloppent de draps blancs... Impossible d'oublier le numéro de tissu de Nadine Louis, le drap qui l'enveloppe donnant l'impression d'être une chrysalide (on peut ici y lire une métaphore de l'adolescente prenant son envol) ou ceux de sangles d'Ugo Laffolay, force et poésie s'y juxtaposant adroitement.

Souhaitant offrir une proposition entre théâtre physique et cirque, soutenue par une trame sonore essentielle, Jeffrey Hall a peut-être voulu nous en mettre trop plein la vue. Ainsi, quand il superpose trois groupes de fildeféristes à des mouvements au mât chinois, l’œil ne sait plus où se fixer, perd fatalement un mouvement ou l'autre, parfois spectaculaire. Il faudrait revoir le spectacle plus d'une fois pour en extraire toutes les strates. Si le fil narratif, même si lâchement noué, soutient assez bien le propos au départ (apprivoisement des diverses personnalités, dualité entre intérieur et extérieur des appartements, perceptions erronées que l'on peut entretenir par rapport à l'un ou l'autre), on se perd ensuite entre la projection d'extraits de Rear Window des draps suspendus, celle des photos de participants sur les murs de côté et la montée très rapide, presque explosive, vers la violence brute. (Tel qu'indiqué sur le site du festival, le spectacle est pour un public de 15 ans et plus.) Celle-ci se résout un peu trop facilement en une scène de tai chi collective printanière menée par Bailey Eng sur fond des Béatitudes de Martynov. Le spectacle s'épurera vraisemblablement au fil des représentations, rendant le propos plus intelligible et permettant à la beauté de l'objet de se révéler entièrement.

Jusqu'au 9 juillet à l'Usine C

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

le numéro de sangle est exécuté par Ugo Laffolay et non pas Jonathan Fortin.

Lucie a dit…

Ajustement apporté, merci! Je suis partie de la liste en ligne, n'ayant pas eu de programme imprimé en main.