« Ousque té rendu, là? » Pierre avait un léger hoquet en terminant sa deuxième bière. « J’étudie en littérature à l’université. » « Oh… qu’est ce’ tu vas faire ‘ec ça? » Je ne m’offusquais pas de ce commentaire que j’entendais souvent et qui avait fini par ne plus me heurter. J’y voyais une inquiétude bienveillante plus qu’un manque de considération pour mon choix d’études. À cette époque, j’étais moi-même encore incertain de la voie que j’avais empruntée. Rien ne m’avait destiné aux lettres sinon peut-être ma sensibilité romantique qu’au sortir de l’adolescence j’avais reconnue chez quelques poètes dont les vers m’avaient plu. Ma curiosité littéraire s’était longtemps bornée à ma mièvrerie. J’avais cherché dans leurs recueils l’amour idéalisé dont je me réclamais. […] La question de Pierre me faisait toutefois craindre la métamorphose subreptice qui semblait s’opérer depuis le début de ma formation. À mes retours à Sainte-Béatrix, je sentais combien la littérature avait creusé un fossé entre les miens et moi. Incapable de condescendance, je ne voyais aucune supériorité dans ma nouvelle condition, mais plutôt ue différence qu’il me fallait désormais assumer. […] Les livres m’arrachaient lentement à la vie que j’avais connue et à ceux qui m’avaient tant donné depuis l’enfance. Puis, comme dans les limbes, entre une vie aimée à délaisser et une vie neuve à conquérir, je cherchais encore à tâtons les assises sur lesquelles me rebâtir. (p. 96-98)
La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
mardi 13 mai 2014
Que feras-tu avec...
Je me suis reconnue dans ce passage de Chez la reine d'Alexandre Mc Cabe, notre recrue de mai (numéro en ligne dans deux jours)... La littérature et la musique sont souvent proches parentes.
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