J'avais rendez-vous cet après-midi avec les participants d'un atelier offert par Au Coup de pouce Centre-Sud, un organisme d'éducation populaire qui a pignon sur rue depuis 1973, rue Ontario Est et dont la mission est d'aider les gens du quartier, de briser l'isolement, de susciter l'entraide et d'éduquer. Noble mission, n'est-ce pas? J'y donnais un cours d'initiation au répertoire classique, un « Musique classique pour les nuls » si vous voulez. En fait, plusieurs des participants connaissaient le répertoire, sinon de façon encyclopédique, du moins avec le cœur.
Pendant plus de deux heures (j'ai beaucoup de difficulté à me limiter quand on me lance sur le sujet de la musique classique), j'ai tracé les grandes lignes des périodes musicales, ai évoqué les styles de certains compositeurs, les changements stylistiques, ai expliqué ce qu'était un concerto, l'inéluctabilité de la dissolution de la tonalité telle qu'on la connaissait au milieu du 20e siècle... Bien sûr, et plus important encore, j'ai fait écouter des extraits musicaux de Bach, Vivaldi, Mozart, Beethoven, Chopin, Smetana, Chostakovitch, Estacio, etc. parce que parler de musique sans pouvoir l'apprécier viscéralement me paraît complètement incohérent.
À la fin des dites deux heures, personne ne semblait vouloir décoller. L'une a commencé à évoquer le sampling et m'a demandé ce que j'en pensais. (Quand c'est bien fait, pourquoi pas?). Un autre nous a raconté une histoire absolument délicieuse sur l'achat de son premier disque Tchaïkovski à l'adolescence. (Il avait rapporté le disque au magasin car il ne savait pas que l'Ouverture 1812 comprenait des coups de canon et pensait que le disque sautait!) Une troisième a parlé avec fierté de sa petite-fille qui complétait un baccalauréat en musique à Waterloo. (J'aime voir les grands-mères rayonner de fierté.)
Cette rencontre, prévue depuis plusieurs mois, était entièrement bénévole. Je ne vous dis pas cela pour que vous applaudissiez mon sens civique. Je le mentionne seulement parce que, un instant, j'ai rêvé. Imaginons que tous les musiciens professionnels de la ville offrent un atelier du même genre dans l'année, un seul. Combien de vies seraient changées?
Oui, bien sûr, tous n'ont pas la fièvre nécessaire pour transmettre, c'est vrai. Nous ne sommes pas tous, comme Obélix, tombés dans la potion magique enfant. Changeons donc la donne. Imaginons qu'un dixième des musiciens professionnels offrent un tel atelier dans leur année. Déjà, l'impact serait troublant. Bien sûr, certains le font déjà. Par exemple, il faut saluer la constance du pianiste Alain Lefèvre, pourtant une « star », qui continue de rencontrer les jeunes dans les écoles et de visiter des délinquants pour leur parler de musique classique. Mais les autres? Combien oseraient, comme Pollini le faisait il y a quelques dizaines d'années, offrir un récital pour des employés d'usine par exemple? Et si la musique pouvait vraiment changer la monde?
Une chose est certaine. La prochaine fois qu'on m'invite, je n'hésiterai pas une seconde. L'amour de la musique croît quand on le partage.
2 commentaires:
c'est tellement vrai tout ça!
et non, en effet, il ne faut pas sous-estimer les gens, quand on offre de la qualité, chacun est capable d'apprécier, quelle que soit sa formation
je dis bravo et j'applaudis quand même ;-)
Merci :)
Et, non, surtout, ne pas sous-estimer les gens. Quand on leur offre la possibilité de s'élever, bien peu refusent la chance.
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