Il y a un peu plus de deux semaines, j'étais au théâtre avec une copine et j'ai été assez troublée par son commentaire post-spectacle, alors que nous avions tout juste vu Toxique. Je paraphrase, mais elle m'a expliqué qu'elle avait hâte à un moment que l'auteur change de registre, car elle commençait à avoir de la difficulté à respirer. Cette sensation d'étouffement était un geste conscient de Greg MacArthur, magnifié en une scène saisissante dans laquelle Élise Guilbault se lève d'un seul bond de son lit, le souffle bloqué, le regard exorbité, sa constante relecture de l'événement (ou du non-événement) minant entièrement son existence.
Pour moi, c'était une force du texte. Pour celle qui m'accompagnait ce soir-là, c'était « trop ». Elle m'a ensuite expliqué qu'elle considérait impossible que je puisse affirmer aimer Incendies (j'ai vu la pièce, lu le texte et vu le film, une fois au cinéma et tout récemment sur DVD), qu'elle avait trouvé « insupportable ». (Elle n'a vu que le film.) Oui, c'est vrai, une terrible violence était au cœur même du propos, mais sublimée d'une brillante façon tant dans le texte que dans le traitement qu'en a fait Denis Villeneuve, complémentaire.
J'ai réalisé ce soir-là de façon limpide que nous n'avions évidemment pas la même perception d'une œuvre théâtrale ou même musicale et que, oui, sans doute, les goûts ne se discutent pas. En même temps, cette volonté consciente de fuir l'intensité m'a laissée perplexe. « Je ne suis plus capable, a-t-elle avancé, j'ai déjà pu, mais plus maintenant », proposant même d'aller voir une pièce « plus légère » la prochaine fois. Peut-on choisir délibérément de se fermer les yeux quand nous vivons dans un monde qui à tout moment menace d'exploser? Une question aux multiples réponses sans aucun doute.
3 commentaires:
cette fois-ci je suis plus proche de ton amie que de toi ;-)
il y a des choses qui font si mal... même mises en de jolis mots ou dans une belle musique... si mal qu'elles ne te lâchent plus et t'emplissent de souffrance...
alors oui, comme ton amie, je demanderais d'aller voir quelque chose de plus léger...
pour moi, ce n'est pas une question de "goûts et de couleurs"
j'espère que je me suis bien fait comprendre, l'espace ici est petit - et le temps court - pour de longues explications :-)
bonne journée, Lucie!
Je comprends bien ton amie (comme je comprends aussi tes questions)... Il y a maintenant (cela n'a pas toujours été le cas) des oeuvres que j'évite, surtout au cinéma, car je sais que cela va être une "épreuve". Et puis, notre monde en manque tant, de légèreté ;-)
Adrienne: oui, il est vrai que certaines choses font peut-être trop mal pour qu'on veuille s'y frotter. En même temps, ici, on ne parlait pas de quelque chose de très violent (Incendies, par contre, est passablement dérangeant, car la guerre, c'est toujours d'actualité, malheureusement). Je reste persuadée que les choses que l'on peut nommer font toujours moins mal, mais il faut être prêt à les écouter ce jour-là, effectivement.
Margotte: moi aussi j'évite les bains de sang au cinéma car, en général, ils sont gratuits, et ne mènent aucunement à la réflexion. Notre monde manque peut-être un peu de légèreté (et surtout l'homme n'apprend pas de ses erreurs, semble-t-il), c'est vrai. En même temps,je connais trop de gens qui préfèrent dormir toute leur vie que de se questionner et cela continue de me déranger.
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