J'avais déjà vu la pièce au théâtre, ai pu apprécier une ou deux versions filmées, mais parfois, malgré tout, on se sent le besoin de se réapproprier ses classiques. C'est pourquoi je résiste rarement à un Molière ou un Shakespeare, même si j'aime bien l'effervescence de la création théâtrale.
Que dire de cette nouvelle production de Hamlet, mise en scène par Marc Béland qui, lui-même, avait offert il y a 20 ans déjà une interprétation renversante du jeune prince du Danemark? Benoît McGinnis y campe un Hamlet multiple, au début presque détaché, qui devient de plus en plus troublé - et troublant -, invitant le spectateur à basculer avec lui du côté de la folie assumée (bien plus qu'Émilie Bibeau, entièrement désincarnée en Ophélie, qui a tout de même réussi à offrir une dernière scène d'une belle intensité, tantôt dite, tantôt chantée, un choix astucieux ici).
Si la distribution se veut exemplaire (on peut difficilement trouver plus désagréable qu'Alain Zouvi en Claudius ou plus délicieusement verbeux que Jean Marchand en Polonius), je retiendrai essentiellement de cette production le travail sur la langue du traducteur - et dramaturge - Jean Marc Dalpé. Ce dernier réussit à créer l'illusion, sans aucunement dénaturer le texte de Shakespeare ou en occulter la charge poétique, que le texte a été écrit l'année dernière, tout en tenant compte des contraintes du texte original (certains passages en prose, d'autres en vers non rimés, ceux dits par la troupe de comédiens invitée au royaume en vers rimés) et en refusant de « fixer » la traduction dans une finalité. « Comme la langue de Shakespeare était immédiatement saisissable pour ses contemporains, notre traduction visera la même qualité, tout en respectant les images poétiques de l'auteur », explique-t-il d'ailleurs en entrevue, soulignant qu'il a ici réalisé une traduction de Hamlet, adaptée à cette production spécifique, et non l'ultime traduction.
Je m'en voudrais de ne pas mentionner l'astucieuse scénographie de Richard Lacroix, scène ouverte qui permet d'étonnantes superpositions de volumes et découpages d'espace, et les éclairages absolument saisissants de Martin Labrecque, qui continueront de me hanter.
(Jusqu'au 6 avril, au TNM)
2 commentaires:
J'ai failli aller à Montréal pour voir ça... Je résiste rarement à Hamlet, en fait ;) Mais bon, des fois, habiter le bout du monde... c'est heu... contraignant!
Des fois, ils refont certaines pièces en tournée, mais généralement des productions moins imposantes. Une production passablement meilleure que la dernière montée par le TNM, je dois dire!
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