Vous fréquentez l’opéra pour les grands airs, les amours condamnées, les
morts qui s’éternisent? Falstaff ne
vous séduira sans doute pas. Vous aimez le théâtre, les mises en scène huilées
au quart de tour, les distributions sans faiblesse? Courez voir le Falstaff présenté par l’Opéra de
Montréal ces jours-ci.
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Oleg Brujak et Marie-Nicole Lemieux Photo: Yves Renaud |
Dans ses comédies, Shakespeare reste un maître des rebondissements et l’adaptation
qu’ont tirée Verdi et Boito des Joyeuses
commères de Windsor et d’Henry IV magnifie
cette force. D'entrée de jeu, on éprouve un certain mépris pour ce grotesque
Falstaff, à la panse plus que remplie, fêtard notoire, persuadé de disposer encore
de tous les atouts nécessaires pour séduire deux belles du village en même
temps, Alice Ford et Meg Page. Avec arrogance, il leur envoie une même lettre,
sans se douter qu’elles se confieront l’une à l’autre et qu’il deviendra bientôt
le dindon de la farce – et deux fois plutôt qu’une – et se retrouvera littéralement
le bec à l’eau.
Si Oleg Brujak campe un Falstaff efficace, à la voix puissante, fat sans
être entièrement sot, il faut admettre que Marie-Nicole Lemieux en Ms. Quickly
l’éclipse sans peine dans cette scène où elle joue les entremetteuses – jusque dans son lit! – en tant qu'ambassadrice des deux dames enamourées. Elle a joué le rôle sur
les grandes scènes internationales et son expérience est apparente dès le
moment où elle met le pied sur la scène, son panier sous le bras. Il aurait été
très facile ici de sur-jouer le rôle, mais elle n’en fait rien, misant sur un
humour ironique, sardonique, plutôt que sur la bouffonnerie.
Aline Kutan se révèle impeccable en Nannetta, la fille des Ford, et
Antonio Figueroa un complice idéal dans le rôle de son amoureux. Gianna
Corbisiero et Lauren Segal convainquent aussi dans les rôles d’Alice et Meg.
Dans les rôles de soutien, Jean-Michel Richer en Bardolfo démontre un réel don d’acteur
et n’hésite pas à privilégier un jeu physique.
La mise en scène de David Gately est rodée au quart de tour et il réussit
à tirer une belle cohérence des numéros d’ensemble. Soulignons la maîtrise avec
laquelle il découpe l’espace scénique, se servant notamment habilement des
paravents, qu’ils soient réels (deuxième acte) ou suggérés (premier acte, ce
qui permet un tableau d’ombres chinoises derrière les draps accrochés à la
corde). Sous la direction subtile de Daniele Callegari, l’Orchestre
métropolitain réalise un sans-faute.
Une soirée bonbon, qui ne laisse aucun arrière-goût de succédané en
bouche.
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