Tout y est : la mère morte, le père mou, la belle-mère acariâtre, les sœurs égoïstes, la fée marraine un peu dépassée, le bal, le prince, un soulier, autant d’éléments qui s’articulent autour d’une adolescente, héroïne malgré elle. Pourtant, en articulant son propos autour du deuil et de la transmission de la parole, Joël Pommerat réussit avec brio à détourner les clichés, à retourner les attentes contre le spectateur, à instiller en lui une toute autre lecture du conte repris aussi bien par Perrault que les frères Grimm.
Trop jeune, Sandra perd sa mère. Sur son lit de mort, celle-ci lui a confié un souhait, mal décrypté. En effet, elle reste convaincue que la seule façon d'honorer son souvenir est de penser constamment à elle. Aucune chance de l’oublier d’ailleurs, sa montre tonitruant aux cinq minutes les premières notes d’Ah! vous dirais-je maman. Elle ressent le constant besoin de parler de l’absente, que ce soit à sa peut-être nouvelle belle-mère (la famille reconstituée l’est ici à l’essai) qui lui détaille la liste des corvées à accomplir ou aux filles de celle-ci, qui la surnommeront vite Cendrier. Quand elle finira par rencontrer le prince, lors d’une soirée plus transe que chic, elle n’y verra non pas une panacée à sa solitude et à son statut d’esclave ménagère (Cendrillon ayant choisi elle-même d’expier son deuil en multipliant les tâches ingrates), mais y reconnaîtra un double, l’adolescent ayant lui aussi perdu sa mère quand il avait cinq ans, même si son père lui a toujours dissimulé la vérité.
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