Quand on fréquente depuis un certain nombre d'années un milieu à titre de critique et de journaliste, on a parfois l'impression d'être devenu blasé. Rien de tel alors pour remettre les pendules à l'heure que d'assiste à un concert ou à une représentation théâtrale avec un néophyte qui ignorera avec aplomb les scories ou les faiblesses d'un spectacle pour se concentrer sur le pur plaisir de prendre part à une manifestation d'arts vivants.
Parfois aussi, il y a de ces rencontres, avec une oeuvre, un artiste, qui altèrent irrévocablement nos perceptions, que ces rencontres se fassent en un ou plusieurs temps. Celle avec Raoul Sosa est de celle-là. Enfant, je l'ai entendu à plus d'une reprise - notamment dans le cadre des concerts gratuits qu'offrait alors Radio-Canada tous les vendredis Salle Claude-Champagne. J'avais alors été soufflée par sa virtuosité, mais surtout la profondeur de ses interprétations. Et puis, un jour de malchance, un accident bête le privera de l'usage d'une de ses mains. Il aurait pu se replier sur lui-même, attenter à ses jours. Il est plutôt devenu compositeur, chef d'orchestre, arrangeur, en plus de poursuivre sa démarche pédagogique.
Je me rappelle encore très bien ce samedi matin de février 2008 quand je l'ai rencontré dans son studio du Conservatoire pour un portrait. De prime abord, j'avais noté sa réserve naturelle - compréhensible - qui au fil de l'entretien s'était muée en un réel partage, intime, mais sans rien de racoleur. Je me souviens surtout combien j'avais été bouleversée quand que je lui avais demandé quoi lui souhaiter pour sa cinquième décennie de carrière et qu'il m'avait répondu: « J'ai toujours l'espoir que ma main droite revienne. » Elle est revenue il y a quelques années et Raoul Sosa a alors choisi, à l'heure où d'autres envisagent une retraite méritée, de retrouver le répertoire auquel il ne pouvait plus se frotter depuis des années et de remonter sur les planches, tant ici qu'à l'étranger. Cette histoire de résilience continuera de m'inspirer.
Ce soir, 19 h 30, il interprétera le Concerto no 22 de Mozart avec l'Ensemble Sinfonia sous la direction de Louis Lavigueur à la Salle Pollack.
2 commentaires:
Merveilleuse leçon de vie !
Note à moi-même : me souvenir de Raoul Sosa lorsque je serai sur le point de me plaindre de mon prochain « petit bobo » élevé au rang de catastrophe nationale par moi seule.
Merci Lucie ! :-)
C'est une façon de relativiser les choses, c'est vrai! :)
Bonne journée!
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