Chaque saison,
« ECM+ présente
» invite de jeunes solistes et ensembles de musique de chambre et cette année, vitrine exceptionnelle pour la relève certes, mais surtout occasion unique pour le public de faire des découvertes.
Images de Sappho, programme double de haut niveau faisant la part belle à la voix, se veut une rencontre avec les jeunes artistes de Ballet-Opéra-Pantomime (BOP). Celle-ci a indéniablement eu lieu, autant avec les interprètes qu'avec deux œuvres fortes du répertoire contemporain:
Five Images After Sappho d'Esa-Pekka Salonen (nouvellement nommé compositeur en résidence du New York Philharmonic pour les trois prochaines saisons) et
Orpheus on Sappho's Shore de Luna Pearl Woolf.
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Photo: Jonathan Goulet |
Également chef d'orchestre, Esa-Pekka Salonen offre avec son cycle pour soprano et orchestre de chambre une page luxuriante, à la palette d'une grande richesse, chaque instrument de l'ensemble se voyant le plus souvent confier des passages idiomatiques, l'architecture des cinq chants se révélant particulièrement cohérente. Même en première écoute, la pièce se révèle d'une intelligibilité totale, chaque phrase, chaque couleur, chaque geste œuvrant à la transmission des textes.
La voix n'est pas tant traitée comme soliste (sauf dans quelques endroits ciblés) que comme collaboratrice, complice plutôt de la texture instrumentale. Si parfois on a de la difficulté à comprendre le texte (peut-être est-ce dû au positionnement de la chanteuse, car dans la deuxième partie, la question ne se pose jamais), on est immédiatement séduit par la voix chaleureuse de Jana Miller, à aucun moment forcée, sa présence scénique indéniable et le raffinement avec lequel elle interprète la partition. On reste aussi soufflé par l'aisance avec laquelle les musiciens de BOP s'approprient le tout, aucun ne pouvant se dissimuler dans la masse sonore d'un groupe, chaque ligne restant parfaitement articulée, chaque respiration musicale concertée. Il faut saluer ici la direction jamais floue d'Hubert Tanguay-Labrosse, qui en a visiblement décortiqué les strates avec minutie.
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Photo: Jonathan Goulet |
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Photo: Jonathan Goulet |
La deuxième partie proposait une mise en scène d'
Orpheus on Sappho's Shore, opératorio pour soprano, ténor et neuf musiciens de Luna Pearl Woolf, récipiendaire de l'Opera America's 2014 Discovery Grant (qui lui a permis de travailler sur son dernier opéra,
The Pillar), oeuvre créée et enregistrée par Véronique Lacroix et l'ECM il y a une dizaine d'années. Là aussi, le rendu de la partition est d'un très haut niveau, musiciens comme chanteurs solistes. Le ténor Arthur Tanguay-Labrosse a accepté au pied levé d'endosser le rôle d'Orphée (il a reçu la partition quelques jours à peine avant la première) et, hormis le fait qu'il chante bien évidemment avec le texte, tire plus qu'adroitement son épingle du jeu. La folie du personnage est déjà bien incarnée et le timbre se révèle chaleureux, riche, complément parfait à la voix de Jana Miller, qui a eu le temps de parfaitement intérioriser le personnage et démontre ses dons d'actrice.
Si le concept même d'un opératorio évoque naturellement un traitement plus statique du propos, Emmanuelle Lussier-Martinez qui signe ici sa première mise en scène a choisi d'intégrer le mouvement en confiant le rôle des muses de la poétesse Sappho à cinq danseuses. Si parfois, la proposition convainc (par exemple dans cette très belle scène où Orphée se voit délesté de son long foulard), à d'autres, elle m'a paru plaquée, comme si on avait hésité entre pantomime et danse (l'apex tumultueux recyclé en faux
Sacre du printemps m'a ainsi paru caricatural). Peut-être a-t-elle souhaité trop en mettre, la partition de Woolf et le texte de Wilner se prêtant certes à de multiples interprétations.
Impossible ici de ne pas revenir sur la salle presque comble, particulièrement attentive, composée principalement de jeunes dans la vingtaine et la trentaine. Il aurait peut-être fallu transmettre une photo de groupe à tous ces empêcheurs de tourner en rond.
Il reste quelques places pour la représentation de ce soir, 19 h 30 Conservatoire de Montréal. N'hésitez pas!
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