Nous avons tous, à un moment ou un autre, inventé des existences
parallèles aux gens que nous croisons dans les transports en commun, tiré des
conclusions de leurs tenues vestimentaires, associé une musique entendue à un
style de vie, un livre à une école de pensée. Dans son premier recueil, Titre de transport, Alice Michaud-Lapointe
joue le jeu jusqu’au bout et nous offre un portrait des plus bigarrés de
Montréal, métropole multiculturelle par excellence.
Dans une écriture axée en grande partie sur l’oralité,
truffée d’anglicismes et de jurons, elle lie 21 destins à 21 stations, s’attardant
plus particulièrement aux oubliés de notre société, par exemple le sans-abri
affolant de « Côte-des-Neiges », Gloria qui ne sort jamais de chez
elle, mais découvrira quelque chose d’horrible quand elle s’y résoudra ou
encore ces jeunes de la rue qui confronteront un couple englué dans la
monotonie de son quotidien dans « Berri-UQÀM », assurément la
nouvelle la plus puissante du recueil.
Certains textes se déclinent comme de longs monologues, deux
privilégient les dialogues, misant sur un certain côté cru – volontiers cruel –
et les angles tranchants. (Cela fonctionne mieux dans « Beaudry » que
« Longueuil – Université de Sherbrooke ».) Plusieurs sèment délibérément
le lecteur en cours de route, nous forçant à aller au-delà des apparences.
La jeune auteure ratisse large. En se transformant en caméléon,
elle nous démontre sa polyvalence, mais nous empêche parfois d’extraire une
voix entièrement cohérente du recueil. Certains personnages continuent
d’habiter l’imaginaire des semaines après, plusieurs redeviennent un parmi tant
d’autres. L’acuité de la plume séduit néanmoins suffisamment pour que l’on
souhaite découvrir la vraie signature d’Alice Michaud-Lapointe dans un prochain
ouvrage.
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