Un ring de boxe reproduit au centre de la 5e salle. Dans deux coins opposés, assis sur une chaise, fumant tranquillement, ignorant la foule, mais jaugeant l'adversaire, deux boxeurs, l'un vêtu d'un short rouge, l'autre bleu. On s'installe autour du ring, première rangée, histoire de ne rien manquer de l'action. Une certaine fébrilité dans l'air est perceptible. Y aura-t-il véritables coups et blessures? Où les deux complices d'ICKamsterdam, Emio Greco et Pieter C. Scholten, auront-ils tracé la ligne entre danse et boxe?
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Photo: Alwin Poiana |
Dès les premières secondes du spectacle, on comprend que ce que l'on a pu imaginer n'a que peu à voir avec la réalité, que les chorégraphes n'ont pas choisi de réinterpréter le langage de la boxe, mais plutôt de repousser les limites de celui de la danse. Deux danseurs/boxeurs, portant une cagoule et des oreilles rappelant celles de Mickey, nous servent un premier tableau décalé, volontiers circassien, tout en légèreté. Le premier combat peut s'amorcer entre Romulus et Remus, Caïn et Abel, Castor et Pollux, Hypnos et Tanatos: une parade toute en retenue, volontiers amoureuse, qui magnifie les mouvements, en transcende les limites, chacun devenant le miroir de l'autre, deux parts complémentaires d'un même geste, d'un même souffle.
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Photo: Alwin Poiana |
L'énergie bascule quand l'autre duo, ayant retiré les masques, s'affronte. La sueur perle, gicle parfois, les coups se font plus précis, la tension monte d'un cran, soutenue par un collage musical des plus efficaces, qui n'a pas peur de juxtaposer musique baroque et contemporaine, clins d’œil à la pop et à la comédie musicale. À certains moments, le spectateur est renversé par la virtuosité pyrotechnique des danseurs, à d'autres moments, il fait presque malgré corps avec les interprètes, oubliant la mélodie qu'il entend pour ne plus ressentir viscéralement que la pulsation rythmique, comme si des tambours scandaient le combat. Les rounds de trois minutes se succèdent, comme dans un vrai match, chacun adoptant une couleur autre, complémentaire.
Rupture de ton; une pause est annoncée. La poupée siliconée que l'on attendrait est remplacée par un duo d'amour décalé sur
Paroles paroles de Dalida et Alain Delon (clin d’œil supplémentaire au film
Rocco et ses frères de Visconti, dans lequel joue Delon, inspiration avouée des chorégraphes) avec « caramels, bonbons et chocolats » lancés dans la foule. Un sourire, un baiser langoureux, engagé, et le feu d'artifice reprend, jusqu'à un apex qui inclut les quatre danseurs et qui nous laisse le souffle coupé.
Dans le coin gauche, la boxe. Dans le droit, la danse. Au final, un seul gagnant: l'émotion dans toute sa violence, retenue ou assumée.
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