De la grande visite hier soir au Festival MNM avec l'Ensemble Musikfabrik, un des plus réputés en Allemagne qui, non seulement a démontré l'excellence indéniable de ses membres, mais une façon autre, presque organique, de penser le concert.
Choix des plus intéressants d'amorcer le programme avec Stèle de Gérard Grisey (compositeur à l'affiche un peu plus tard cette semaine également), duo - mais jamais duel - de percussionnistes. La pièce est suffisamment intéressante pour séduire sans aucun artifice, surtout interprétée avec une telle rigueur, mais il faut admettre que le choix de plonger salle et scène dans le noir (surtout un soir de Nuit blanche!) et de n'offrir que des lumières ponctuelles (sur l'un ou l'autre des musiciens, sur les mobiles miroitant qui seraient intégrés à la pièce de Vivier) permettait une écoute autre, plus concentrée, rythme et volume (du presque chuchotement à énergie tribale) émergeant tout naturellement.
Einklang freier Wesen (Harmonie d'êtres libres) de Georg Friedrich Haas a été présenté ici en version pour trois cuivres (trompette, trombone et tuba). Ces solos qui deviennent à certains moments duos ou trios se veulent une métaphore intéressante de nos destinées parallèles, mais qui devraient s'unir ici et là dans un but commun. Comme les trois parties sont reliées de façon harmonique et que la forme présente des césures claires, les points d'ancrage se font tout naturellement, chaque instrumentiste participant à l'érection d'un édifice sonore cohérent, sans pour autant perdre un iota de son individualité. Une façon certes autre de penser la musique de chambre.
La pièce de résistance était indéniablement la première montréalaise d'Hiérophanie de Claude Vivier, pour soprano et ensemble, une oeuvre de jeunesse présentée dans le cadre de son Concours au Conservatoire de musique de Montréal, alors qu'il n'avait que 22 ans. La proposition est assez fascinante - et par moments déstabilisante diront certains - en ce qu'elle contient indéniablement tous les germes de ce qui distinguera Vivier plus tard: un détournement de certaines musiques dites orientales, un travail concerté sur les timbres, un amour authentique pour la voix (Rebecca Woodmass s'est révélée magistrale ici), une manipulation de l'arc dramatique indéniable et ce regard tourné vers le monde de l'enfance.
Le rendu volontiers théâtral des membres de Musikfabrik (tous en pyjamas) qui se promènent sur scène ou dans la salle réveille l'enfant intérieur plus ou moins oublié, qui réagit aux histoires (dont celle d'Alice aux pays des merveilles), s'attarde aux incongruités (difficile de ne pas sourire quand les musiciens échangent leurs instruments) et se laisse bercer par mélodies folkloriques. Comment résister à l'interprétation à mi-voix d'une chanson enfantine allemande par un des trompettistes quand celle-ci se fait à quelques centimètres à peine de votre siège? Si chaque spectateur a forcément ressenti la pièce de façon unique, j'ai eu l'impression à plusieurs instants de me retrouver dans le Neverland de Peter Pan et de perdre jusqu'à un certain point la notion même de temps (la pièce ne m'a certes pas paru durer 40 minutes).
Un moment qu'il fallait vivre en salle et qui, je le pense, ne rejoindra pas de façon aussi directe les auditeurs qui le découvriront lors d'une diffusion ultérieure dans les cadre des Soirées classiques d'ICI Musique.
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