jeudi 23 septembre 2010

Trilogia della villeggiatura

Vous aimez le théâtre italien et n'avez pas peur d'attraper un torticolis à tenter de suivre surtitres et jeu d'acteurs? Courez voir la Trilogia della villeggiatura de Carlo Goldoni au Théâtre Maisonneuve d'ici dimanche, coproduction du Teatri Uniti de Naples et du Piccolo Teatro de Milan. Dans une adaptation fluide et une mise en scène de Toni Servillo d'une grande subtilité qui n'exclut pas quelques délicieux cabotinages (notamment de Servillo qui habite avec une remarquable aisance le rôle de Ferdinando, parasite qui séduit la tante veuve et fait rigoler la galerie), on plonge sans hésiter dans ce triptyque qui trace le portrait d'une certaine société oisive, qui n'hésite pas à s'endetter de façon démesurée pour s'accorder des vacances « reposantes » à la campagne, comprenant soupers interminables, jeux de cartes, sorties au café, conversations vides et amourettes sans conséquence, portrait de société remarquablement achevé d'un Goldoni au sommet de ses moyens.

Anna della Rosa offre une Giacinta sobre et convaincante, dévorée par son amour pour le beau Guglielmo (Tommaso Ragno, qui magnifie la profondeur de sa voix et accentue le côté mélancolique du personnage avec brio) qui, pourtant, privilégiera le devoir et épousera, tel qu'entendu, un Leonardo ruiné (Andrea Renzi, qui aborde avec autant d'aisance le registre colérique que désemparé). Les rôles secondaires sont tous campés avec une maîtrise remarquable, de Tognino (l'idiot du village, jouissif, joué par Marco d'Amore) aux serviteurs affolés (part, part pas?) à la pauvre Vittoria (Eva Cambiale), moins sotte qu'il n'y parait d'abord, qui épousera un Guglielmo désabusé.

À la sortie du spectacle, outre la virtuosité de l'interprétation et la magnificence d'une scénographie dépouillée mais efficace, une chose frappe: la pertinence d'un texte écrit en 1761 et qui ne semble pas avoir pris une ride. Nous connaissons tous des gens qui misent avant tout sur le paraître et sont prêts à s'endetter pour s'offrir un voyage ou camoufler un certain vague à l'âme. Et Giacinta n'est certes pas la seule à se marier par devoir - ou pour faire taire la passion qui la ronge - alors que Leonardo n'espère au fond qu'être tiré d'embarras en profitant de sa dot. Troublant d'actualité...

Deux extraits... Le premier, au début de la deuxième des trois pièces, L'Avventure della villegiatura, qui offre une bonne idée de la présence de Toni Servillo sur scène.



Le second, juste avant le retour en ville, alors que les deux amoureux admettent leurs sentiments, en sachant très bien que ce sera peut-être bien la seule et unique fois.

2 commentaires:

Adrienne a dit…

je saute dans un avion et j'arrive ;-)
(ha si la vie pouvait être aussi simple ;-))

Lucie a dit…

Adrienne, tu débarques quand tu veux! :)
Je sais qu'ils ont présenté la pièce à Bobigny un peu plus tôt cette année et à New York. Peut-être s'arrêteront-ils en Belgique? Après tout, pour eux, c'est presque à côté!;-)