Rien ne remplace l'expérience acquise en processus de création, quand un petit groupe d'étudiants peut mener un spectacle des premières esquisses à la complétion, surtout quand ces artistes sont encadrés par des professeurs et un metteur en piste de talent, dans ce cas-ci le chorégraphe Edgar Zendejas. Présenté les 12 et 13 septembre, Méandre se voulait la consécration de 300 heures de travail de la part de cette cohorte de sept circassiens aux habiletés complémentaires.
Inspiré du film Le labyrinthe de Pan, le spectacle joue la juxtaposition des univers: l'un réel, l'autre imaginaire. Il se veut aussi une réflexion sur la violence, qu'elle soit dirigée vers les autres ou soi-même. « C'est la peur qui vous fait avancer », rappelle d'ailleurs un des interprètes, qui interpelle les spectateurs en leur renvoyant au visage cette propension à contempler avec une joie perverse - la Schattenfreude - les explosions de violence et les malheurs faits à autrui.
Le spectacle fait preuve d'une belle cohérence, pour quiconque acceptera de redéfinir le pacte entre interprètes de cirque et spectateur. Ici, pas de moment « wow » (même si plusieurs prouesses sont à saluer) ou de rires francs, très peu d'instants où déposer des applaudissements. (On sentait d'ailleurs l'inconfort de certains spectateurs, pas nécessairement prêts à lâcher prise.) Edgar Zendejas a tissé une trame de numéros s’intégrant les uns aux autres, unis par un fil narratif cohérent, même pour ceux qui n'ont pas vu le film (dont je suis). On côtoie faunes et divinités de la forêt, les hommes se battent pour l'amour d'une femme, le groupe s'allie ou se ligue contre un individu, on réfléchit à la guerre et à la violence, les numéros de cirque remplaçant les trois épreuves que la protagoniste du film doit vaincre. On a droit ici à un véritable Gesamtkunstwerk, la musique plus atmosphérique que narrative soutenant le propos de bout en bout sans s'insurger en récit parallèle.
On saluera l'inventivité du numéro de main à main sur monocycle (Ronan Duée et Dorian Lechaux), la créativité de transposer un trapèze en carillon, l'intelligence de se servir des sangles aériennes pour transformer un des protagonistes en marionnette et le magnétisme absolument renversant de Guillaume Paquin qui offre un numéro inoubliable de corde lisse et brûle la scène même quand il agit comme rôle de soutien, à travers une corporalité particulièrement expressive.
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