lundi 11 mars 2013

Dead Man Walking: à voir absolument!

Photo: Yves Renaud
Vous avez lu le livre de Sister Helen Prejent paru en 1993, vu le film mettant en vedette Susan Sarandon et William Penn en 1995 et croyez avoir fait le tour de la question? Il n'en est rien. Dead Man Walking, l'opéra de Jake Heggie, créé en 2000 par le San Francisco Opera, va encore plus loin.

Après trois productions qui ne passeront sans doute pas à l'histoire, l'Opéra de Montréal frappe ici un grand coup, qui pourrait même devenir onde de choc, selon la façon dont le public réagira et les leçons qu'en tirera la direction artistique. Oui, certains hésiteront peut-être à franchir le seuil de la Salle Wilfrid-Pelletier parce que le sujet leur paraîtra trop lourd ou qu'ils auront peur d'entendre une œuvre créée il y a moins de 15 ans. Ils auront tort.

Le livret refuse de s'engluer dans le pathos et n'hésite pas à faire quelques détours humoristiques (la confrontation entre Sister Helen et le père aumônier, le dialogue entre le policier qui arrête Sister Helen pour excès de vitesse et cette dernière, le collage Elvis, doux-amer, alors que Sister Helen devient rock n' nonne). Défendue admirablement par les deux chanteurs principaux. la partition post-moderne (dans laquelle cohabitent sans problème negro spirituals, relents de Bernstein, Gershwin ou Britten et utilisation de leitmotive) reste des plus accessibles. Étienne Dupuis semble complètement traversé par son personnage (comment peut-on reprendre pied dans la réalité après une telle performance?) et Allison McHardy dépasse les limites de sa voix et offre un portrait nuancé de Sister Helen. Dans les rôles secondaires, on retiendra Thomas Goerz en père de la victime refusant de pardonner, Kimberley Barber en mère du meurtrier livrant un poignant plaidoyer afin que son fils soit gracié, Alain Coulombe en directeur de prison caustique mais humain et John McMaster en père aumônier revenu de tout. Dans la fosse, le chef britannique Wayne Marshall (également organiste et pianiste, souvent associé à Gershwin et Bernstein) tire de l'Orchestre Métropolitain subtilité et cohésion.

La mise en scène d'Alain Gauthier, qui multiplie les mouvements de groupe habilement chorégraphiés, les glissements de barreaux et de grillages qui permettent à l'espace scénique de se redécouper au fil des scènes (dont la grande majorité, évidemment, se déroule en prison), les niveaux de lecture, frise la perfection. Le tableau final restera gravé dans les mémoires, par son côté implacable, son silence à la limite de l'intolérable (mais comment peut-on mourir autrement qu'en silence?), à peine ponctué par les larmes silencieuses et les respirations obstruées du public. Et que dire des éclairages absolument spectaculaires d'Éric W. Champoux, qui sculpte la lumière avec une maîtrise remarquable, mais surtout refuse tous les poncifs associés habituellement au langage...

Vous pouvez encore vous glisser en salle mardi, jeudi et samedi. Ne ratez pas votre chance! Info et billets...


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