Bien sûr, je n'ai pas noté uniquement des films musicaux à mon agenda FIFA, mais quand même, ce serait dommage de se priver quand l'offre est si intéressante. Voici un tour d'horizon des six films musicaux vus au cours des derniers jours.
Les Quatre Saisons d'Antoine
Peut-on encore réinventer les Quatre Saisons de Vivaldi, de façon pédagogique en plus? Il semblerait que oui. Un grand-père luthier (Pierre Richard) offre un livre blanc magique à son petit-fils pour son anniversaire. Dans ce dernier, il peut dessiner ce qu'il veut, y coller fleurs ou feuilles, autant d'éléments qui s'animent sous nos yeux et servent fort habilement de toile de fond aux musiciens du Concerto italiano dirigés par Rinaldo Alessandrini. Ici, l'encre devient eau, les rognures de bois flocons de neige, un point à point révèle de monstre du givre, un œuf s'ouvre à coups de marteau au printemps... Surtout, on voit les musiciens, brillants interprètes, et sent le plaisir manifeste qu'ils ont de participer à ce dialogue entre musique et images. Poétique.
Music in the Air: A History of Classical Music on Television
Le film débute par une interprétation des plus pompiers de la célébrissime Marche Radetzky, scandée à qui mieux-mieux par un public visiblement ravi lors d'un concert viennois du Nouvel An. Une seconde, on craint le pire et puis non, travelling arrière, le film nous plonge dans des documents d'archive, notamment le premier concert télévisé, de New York, avec Toscanini au pupitre. Aucun doute, le genre du concert filmé a beaucoup évolué au fil des ans. Dommage que, de ce côté-ci de l'Atlantique, notre télévision d'état ne considère plus la cohabitation avec les grandes œuvres du répertoire chose essentielle. N'empêche. On apprend par exemple avec fascination que Karajan était un maniaque de l'image, que les concerts filmés du Philharmonique de Berlin ont pris des heures à être montés, histoire de proposer la prise de vue idéale à tout moment, que chaque geste musical soit magnifié. On est loin ici du gros plan sur les mains du pianiste ou sur les cheveux qui s'ébouriffent lors d'un mouvement intempestif. Et que dire de ces foules qui se massent maintenant au cinéma pour voir les émissions retransmises du Met ou cette Traviata suisse, tournée comme un flashmob dans une gare ferroviaire? Réconfortant.
Set the Piano Stool on Fire
Celui-là, je l'attendais avec une impatience presque fervente. Ceux qui me connaissent savent combien je vénère Alfred Brendel, ayant même considéré faire le voyage à Berlin exprès pour assister aux célébrations entourant son 80e anniversaire de naissance il y a deux ans. On le découvre ici dans un nouveau rôle, celui de pédagogue, de mentor du jeune pianiste américain Kit Armstrong, véritable génie qui, à cinq ans avait déjà terminé l'étude des programmes de mathématiques du secondaire et à neuf ans, suivait des cours à l'université dans le domaine!
Sa mère, troublée par ses habilités mathématiques, a décidé de lui offrir une « distraction » en lui proposant des leçons de piano. Quelques cours d'initiation dans une école « pour tous » ont réussi à convaincre tout le monde que, là aussi, on avait affaire à un potentiel exceptionnel. Des heures durant (sa mère lui donnait même à manger pendant qu'il continuait à jouer!), il a travaillé son instrument, s'est mis à composer. Avec lui, tout va dix fois plus vite que chez tout le monde (comme pour Mozart et Mendelssohn, sans doute), sauf peut-être la maturité émotive. Difficile sans doute de se lier avec des amis, un ou une petit(e) ami(e) quand on passe sa vie devant un instrument, à programmer un jeu vidéo ou à résoudre des équations mathématiques de haut niveau. (Le jeune homme a complété une maîtrise en mathématiques à l'âge de 17 ans.)
Brendel ici se révèle d'une chaleur extraordinaire, ouvrant avec une visible joie sa demeure (et son cœur) au jeune homme, ravi quand il lui apporte un gâteau à déguster avec le thé. On le sent fasciné par le phénomène, mais il ne baissera pas la garde, s'attardant à décortiquer tel motif, telle intention, à vouloir porter la musique toujours plus loin. Quand il met la main sur le piano pour démontrer, on entend tout de suite le maître, celui qui a réfléchi aux œuvres depuis si longtemps, celui qui comprend les pièges qu'elles comportent. Filmé l'année où Brendel faisait ses adieux à la scène, le documentaire nous offre en prime un Lac de Wallendstadt poétique, troublant de fragilité (on croit même un instant que le pianiste s'effondrera en larmes avant la fin de la pièce), joué au Plush Festival, dans le Dorset. Inspirant.
Le mystère musical coréen
Depuis quelques années, on retrouve musiciens et chanteurs coréens dans les grands concours internationaux, dont ils dominent souvent les palmarès. Comment et pourquoi sont-ils devenus une force? Ce documentaire belge décortique le phénomène dès les premières leçons. Par exemple, depuis 2008, la KNIGA permet aux enfants doués de suivre des leçons, de jouer dans des ensembles, d'être encadrés par les meilleurs professeurs. Certains feront ensuite tout naturellement le saut vers la K-ARTS, une université multi-arts de plus de 3000 étudiants, dans laquelle enseignent 130 professeurs, qui offrent aux musiciens 92 studios occupés jusqu'aux petites heures du matin, souvent par plus d'un musicien à la fois! D'autres préféreront un programme plus large et s'inscriront à l'Université nationale de Séoul (28 000 étudiants).
Peu importe le parcours, il est clair que les Coréens ont développé un véritable culte de l'excellence. Ici, on n'exporte pas vraiment de ressources naturelles (présentes en trop petites quantités), mais le talent et l'intelligence. Le pays compte pas moins de 170 000 musiciens professionnels et 88 % de la population possède un diplôme universitaire. Bien sûr, ces choix de société deviennent synonymes de compétition. Dès l'enfance, les jeunes artistes doivent se battre pour être solistes, être choisis pour représenter leur pays sur la scène nationale ou internationale. Plus vieux, plusieurs étudieront en Europe, histoire d'obtenir un diplôme qui vaudra plus et leur permettra d'accéder aux meilleurs postes de pédagogues, mais surtout d'assimiler la culture occidentale. Il devient aussi plus facile pour eux de se déplacer d'un concours à l'autre, de devenir des « touristes de concours » comme un jeune chanteur l'explique en rigolant, heureux de retrouver « la mafia coréenne » en finale! Plus expansifs de nature que d'autres musiciens asiatiques (conséquence de leur choix de s'inspirer du modèle américain probablement), les Coréens semblent maintenant au sommet et pourraient bien y rester. Éclairant.
Il reste une représentation, le 20 mars à 18 h 30, au Musée McCord.
3 commentaires:
Merci pour ces présentations. Le documentaire sur Brendel / Armstrong est passé l'autre jour à la TV et je l'ai regardé et apprécié. Quant à Fischer-Dieskau, je suis fan et lors de son décès, la même chaine télé avait diffusé 2 documentaires, mais je ne pense pas que c'était celui dont tu parles. Je vais voir si j'arrive à la trouver auprès de ma bibliothèque.
Si tu as l'occasion de voir le film de Monsaingeon (je pense que si tu l'avais vu, tu t'en serais rappelé, car il est très intense côté musical), n'hésite pas!
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