dimanche 21 décembre 2008

Écrire le réel


Parfois, je cède de façon impulsive à des livres que je croise en bibliothèque. Ce fut le cas du dernier ouvrage de Naïm Kattan, Écrire le réel, une collection d'essais qui prolonge sa réflexion amorcée en 1970 par Le réel et le théâtral. Le livre s'ouvre sur quelques pages littéraires (souvenirs, amorce de romans, bribes de nouvelles, tous ces qualificatifs à la fois?), déposées en marge, en partage, véritables bijoux d'écriture. Après quelques paragraphes à peine, je me semonçais de ne pas avoir lu avant cet auteur québécois, véritable légende vivante.

Dans les textes présentés ici, il aborde son périple d'écrivain arabe (juif de Bagdad), étudiant à Paris, devenu Montréalais entièrement assumé il y a déjà plus de cinq décennies. « Montréal ne sera pas une simple halte, un jalon sur une route, ni non plus un lieu fixe, mais un point de départ tout autant que d'arrivée, car tout mouvement implique un départ et un retour. » (p. 50) Il trace des parallèles fascinants entre l'Orient et l'Occident, entre les littératures, les esthétiques, les façons d'aborder la religion, de s'approprier le sacré, s'interroge au passage sur la place de la lecture, de la culture, de l'art dans notre société. « L’art est né en partie d’un besoin de comprendre en même temps que d’une recherche de cohérence. Il donne naissance à un environnement, pour ne pas parler d’une totalité où le sensible rejoint le raisonné et l’enchantement, la réflexion, ce qui ouvre la voie à l’individuel, au personnel, autrement dit à l’unique. Enlever à la personne sa capacité d’approcher le monde par le sensible, c’est lui bloquer le chemin du réel, l’accabler d’une incertitude dans la saisie de ce qui l’entoure, dans sa réflexion et sa recherche de sens. C’est, en d’autres termes, la priver de sa liberté. Or, celle-ci pourrait lui être assurée par un recours à l’image, mais à condition de préserver, de réhabiliter le pouvoir de la langue. » (p. 123)

Il présente, évoque, questionne, sans jamais tomber dans le piège du dogmatique. Il s'arrête, se pose, regarde en arrière mais sans jamais oublier de se tourner vers l'avenir. Il nous force à demeurer alerte, sensible, à accepter le mouvement. On ne peut que l'en remercier.

Une présentation de son oeuvre, alors qu'on lui remettait il y a quelques années Le Prix du Québec est à lire ici...

2 commentaires:

Venise a dit…

Cet écrivain était à un Café rencontre des Correspondances d'Eastman, un homme extrêmement intéressant à entendre. Un conteur né !

Lucie a dit…

J'imagine très bien... Il est un conteur né quand il écrit en tout cas.