L'émotion, maîtresse de la raison
Il met l'accent en premier lieu sur l'urgence de se réapproprier l'émotion : « On enseigne trop cognitivement sans faire appel à l'émotion, alors qu'on sait qu'elle est la maîtresse de la raison. On n'apprend pas à partir d'un comportement négatif, donc d'émotions négatives. Si je vous demande de jouer au piano un mouvement de sonate que vous avez appris, vous allez jouer celui que vous aimez le plus. Celui que vous n'avez pas aimé, vous l'aurez oublié. Il faut sortir de cette contrainte de tout intellectualiser sans l'apport de l'émotion. »
Pour M. Despins, le professeur a pour première mission de transmettre cette émotion: « Les enfants sont un peu comme des animaux. Ils saisissent le professeur par les yeux. Si le professeur ne transmet pas d'émotion, il aura toujours des problèmes. » En même temps, l'apprentissage n'est pas fait pour tous les enfants. Le professeur peut les aider à apprendre mais ne doit pas les forcer. Entre ici en ligne de compte la capacité de lire les comportements afin d'anticiper les réactions des élèves, plutôt que seulement y réagir.
Pas tous égaux face aux apprentissages
Un autre point essentiel à considérer reste les différenciations sexuelles dans l'apprentissage. « Il faut comprendre la base biologique, explique monsieur Despins. On affirme que tout le monde est pareil, ce qui est faux. On peut arriver au même but, mais en passant par des chemins différents. Que ce soit au cours de français, de mathématiques ou de musique, on se rend compte que les garçons apprennent différemment, davantage en trois dimensions. Ces acquis, pourtant bien établis par des chercheurs, sont, curieusement, ignorés en musique. » En insistant sur les matières qui exigent une motricité fine, on pousse les garçons à la révolte, tandis que les filles ne développent pas leur côté spatial: « Quand on hypertrophie quelque chose sans savoir, on hypotrophie autre chose. »
L'image sonore avant toute chose
L'étude des neurosciences a aussi permis d'établir que tout apprentissage musical requiert le développement de l'image sonore bien avant celui de l'image motrice. Le professeur Despins déplore le fait que les enfants fassent souvent leurs premiers pas musicaux à la flûte à bec: « On met tout de suite un instrument entre les mains des enfants, sans savoir s'ils peuvent entendre et juger correctement. Dans les années 1960, on achetait des caisses de flûtes pour les écoles. Qu'est-ce qu'on a fait ? On leur a brisé l'oreille. On sait aujourd'hui, grâce à des recherches faites chez les fœtus, que les très jeunes enfants s'adaptent très mal aux sonorités aiguës et que le circuit nerveux intègre mieux les basses et les moyennes fréquences. » C'est pourquoi monsieur Despins propose une pédagogie musicale en deux temps. Tout d'abord, les enfants chantent durant les deux premières années et doublent cette expérience d'études de mouvement basés sur l'enseignement Dalcroze. Ces deux aspects complémentaires visent à enrichir l'image sonore des enfants et à développer leur sens du rythme par l'utilisation de tout le corps. Ce n'est qu'au deuxième cycle, une fois l'image sonore bien ancrée, que les enfants se mettent à l'étude des instruments Orff. Des recherches (Alain Berthoz en France et France Simard à l'UQAM) appuient la proposition de monsieur Despins. En effet, les chercheurs ont démontré que l'apprentissage se fait plus rapidement, quel que soit l'instrument, quand l'enfant chante les mélodies avant de les jouer. « L'oreille voit plus que l'œil n'entend », conclut M. Despins.
2 commentaires:
C'Est vraiment très très intéressant comme information! Au boulot, j'utilise la musique pour faire passer les informations langagières chez les enfants (le processus inverse, quoi...) et je crois que je vais pousser davantage ma recherche avec les auteurs que tu cites! Merci!
Il avait aussi recommandé lors de sa conférence Le monde des bébés de Rochat, chez Odile Jacob, comme étant « la » référence du genre.
De plus en plus, la pédagogie s'ouvre aux neurosciences... il était temps. J'ai rencontré M. Despins pour la première fois en 2003 ou 2004, en ai alors parlé et pourtant, personne n'a jugé bon d'intégrer tout ça dans son enseignement. Peut-être les profs n'étaient-ils pas encore prêts?
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