« Je trouve ça fou à quel point la jouissance, pourtant réelle et belle, s'appauvrit de son émotion initiale. Ainsi, il m'est arrivé parfois en embrassant Louise un peu mécaniquement par la suite de repenser à ce premier souvenir. Et je le voyais non pas comme un vestige, mais comme une cachette où je pourrais me réfugier pour me protéger de la lassitude. »Si, bien sûr, on retrouve, glissés entre les lignes, les célèbres Polonais et cette imperturbable Suisse qui hantent tous les romans de Foenkinos, on sent que l'auteur a atteint une certaine maturité - pour ne pas dire une maturité certaine - et qu'il a enfin accepté de se détacher de certains de ses tics d'écriture. Certains commentateurs ont émis des réserves par rapport à ce titre, je n'en ai que très peu. Je retiendrai la délicatesse (et j'attendrai patiemment jusqu'au printemps pour voir le film du même nom) qui se dégage des pages, la nécessité du devoir de mémoire, mais aussi celui de s'en émanciper et de nous offrir un véritable objet littéraire. Merci Caroline pour cet exemplaire signé par ce cher David!
Et puis, j'ai enchaîné avec Une année étrangère de Brigitte Giraud, découvert par hasard lors d'un périple à la bibliothèque. Laura, jeune fille au pair, part vivre six mois dans l'Allemagne d'avant la chute du mur, encore zébrée en son sein par cette frontière encore aujourd'hui impossible à oublier. L'auteure nous raconte cette histoire à mi-voix, par petites bribes, comme lorsque l'on ose enfin émettre une première phrase, une première réflexion, dans une langue étrangère. Que celle-ci soit l'allemand, langue qui me malmène (et que je malmène) depuis un peu plus d'un an maintenant n'est certes pas un hasard.
« Je ne dispose pas des adverbes qui me permettraient de nuancer mon refus, tous ces petits mots qui enrobent la langue et son comme des béquilles, qui colmatent ici, amortissent là. savoir parler une langue étrangère, c'est bien cela: être dans le confort de la demi-teinte, dans le doigté de la nuance. Et je suis loin d'être capable de parler, je m'en rends compte avec douleur chaque jour. »Mais au-delà du prétexte, j'ai surtout aimé la façon dont la jeune fille devient femme, qu'elle se déleste du poids des souvenirs, de la culpabilité qui mine ses parents, pour se forger doucement une identité bien à elle, accepter qui elle deviendra, oser sortir de sa chrysalide en lisant La montagne magique de Mann et en acceptant le rythme autre de ses six mois qui changeront irrévocablement sa vie. Déjà, les nouvelles de Brigitte Giraud m'avaient plu, mais là, chapeau!
À vous tous, que 2012 vous soit clément. Qu'il vous apporte lectures, musique, manifestations culturelles qui vous transformeront sans que vous ne vous compreniez entièrement pourquoi, qui vous permettront de grandir et de vous indigner... dignement!