mercredi 29 octobre 2014

Le cœur animal: faire fi des tabous

Thomas et Laura s'aiment. « J'ai ouvert la porte d'elle. »  
D'un amour incommensurable.  « L'important, c'est la fossette qui se creuse dans sa joue gauche quand elle sourit. » 
Avec une passion digne des plus grandes tragédies. « Fais juste rester dans moi tout le temps. »
Ils sont complices. « De toute façon, il comprend toujours tout. » 
Ils ne peuvent vivre l'un sans l'autre. « Elle est dans chacun de mes mouvements. » 
Indissociables, car frère et sœur. 

Photo: Marc-André Goulet
Avec ce texte, poétique sans jamais devenir surchargé, s'inscrivant tout naturellement dans une oralité contemporaine qui refuse toutefois de simplifier à outrance le vocabulaire, Nadia Essadiqi frappe fort, en osant aller au-delà du tabou de l'inceste. Elle refuse tout sensationnalisme pour se pencher sur la source même de cet amour que la société conçoit comme interdit, mais qui alimente ces deux adolescents en apparence comme tant d'autres. Elle le fait tour à tour avec légèreté et intensité, faisant passer le spectateur du rire (difficile de résister ce combat tiré des séries japonaises) à la douleur. Impossible ici de poser un jugement éthique sur la nature du lien qui unit Thomas et Laura. On les suit pas à pas, la respiration bloquée, témoins silencieux, même si l'on se doute que cela ne peut que mal se terminer.


Photo: Marc-André Goulet
L'auteure - qui vient de sortir un premier album en tant que La Bronze - endosse aussi le rôle de Laura, alors que Julien Lemire campe un Thomas des plus convaincants. On aurait peut-être souhaité voir resserré le long monologue de la jeune fille au salon funéraire, qui m'a semblé par moments forcé et qui détruit de façon un peu gratuite l'atmosphère de tendresse - presque d'innocence - qui entourait jusque-là les protagonistes. Cela reste une réserve mineure.

La mise en scène d'Ariane Castellanos privilégie une esthétique volontiers année 1980 (avec références musicales directes, tant à Madonna qu'à la chanson On va s'aimer, traitée de deux façons opposées et pourtant complémentaires), les projections amusantes rappelant l'esthétique des premiers clips vidéos aussi bien que les images kitsch que l'on s'échange volontiers sur Instagram. 
Une histoire intemporelle, comme toutes les grandes histoires d'amour.

Jusqu'au 1er novembre à La Chapelle

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