Danse Danse offre jusqu’à samedi un programme double faisant
la part belle à la relève locale qui saura convaincre l’amateur de la
multiplicité du langage chorégraphique.
Nobody Likes a
Pixelated Squid du duo Tentacle Tribe, formé d’Emmanuelle Lê Phan et Elon
Höglund se révèle une pièce des plus intéressantes qui redéfinit les codes
habituellement associés aux duos, mais surtout métisse les langages
chorégraphiques avec une grande habilité. Danse contemporaine, danses de rue
(hip-hop, breakdance, popping) et éléments de cirque (les deux artistes se sont
d’ailleurs rencontrés lors des répétitions pour le spectacle Love
du Cirque du Soleil) s’amalgament avec naturel, le mouvement se faisant
tantôt fluide, tantôt fractionné, mais toujours parfaitement contrôlé. Soutenu
par des éclairages soignés de Benoît Larivière, le dialogue entre trame
musicale (pourtant un collage) et gestuelle aura rarement paru si convaincante,
comme si elle avait été conçue de façon presque osmotique. On se demande à
plusieurs reprises qui du son ou du mouvement a précédé l’autre, tant on n’a
jamais l’impression que l’un a été plaqué sur l’autre, magnifiant ce sentiment
d’avoir été témoin d’un songe. « It could be a dream », nous rappelle
d’ailleurs la bande-son à la fin. Une pièce achevée qui nous donne envie de
retrouver très bientôt les deux complices.
En deuxième partie de spectacle, changement radical d’atmosphère
avec Chorus II de Sacha Kleinplatz.
Véritable ode à l’homme, aussi excessif dans ses prouesses que dans ses
fragilités, la pièce fait alterner joutes acrobatiques et moments de pure
tendresse. Six danseurs et un multi-instrumentiste en complets sombres et
chemises blanches se jaugent, s’épaulent, se laissent porter par la force du
groupe ou cherchent à s’en extraire violemment. Paradoxe peut-être : on a
souvent l’impression d’être devant une sculpture en mouvement plutôt qu’une œuvre
chorégraphique (même si certaines images restent d’une troublante beauté ou d’une
poétique férocité). Cela a sans doute beaucoup à voir avec le lieu qui se prête
moins aux effets de contre-plongée que le MAI (où a été créée la pièce en 2013)
et à la trame sonore qui manque parfois de densité. (On retiendra l’envoutant
solo de clarinette du début, alors que le groupe d’hommes se tient dans le
noir, donnant un instant l’illusion de faire partie d’une toile de Soulages, et
les dynamiques segments de percussion.) Néanmoins, sur le thème de la
fraternité assumée, D’après une histoire
vraie de Christian Rizzo, présentée au FTA en mai dernier, m’aura certes
paru plus convaincant.
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