On mentionne souvent combien la forme de l'opéra est devenue
poussiéreuse parce que trop engoncée dans ses codes. Difficile en effet de
choisir le moindre mal entre des lectures hyper traditionnelles – forcément périmées
– et des ego trips de metteurs en scène qui ont une
fâcheuse tendance à dénaturer une œuvre. Il faut donc saluer toute initiative
qui sort de l'ordinaire, qui bouscule les attentes, qui déstabilise le
spectateur et Notre Damn,
présenté jusqu'au 4 octobre à La Chapelle, est de celles-là.
En fondant sa compagnie Opéra FOE (Free
Opera Ensemble) en 2011, la compositrice et violoncelliste Rachel Burman (qui a
d’ailleurs été retenue pour l'édition 2015 d'Opér'actuel de Chants libres)
souhaitait rendre plus perméable la frontière entre danse et musique
contemporaines. Si certaines scènes de Notre
Damn démontrent le naturel
d'une telle juxtaposition, il faut admettre que, d'abord et avant tout, c'est
la partition de Burman qui séduit plutôt que la chorégraphie de Sarah Williams,
parfois envahissante. (Avait-on vraiment besoin de faire chanter les
interprètes couchées, la tête en bas derrière un rideau de cheveux, l'une dans
les bras de l'autre, ses jambes enserrant sa taille?) Souvent modale, presque
tribale par moments, l’œuvre pour voix, violoncelle, instruments inventés
(particulièrement inventifs et organiques) d'André Pappathomas et bande (certains motifs sont notamment traités en boucles) reste d'une réelle beauté. À plusieurs moments du
spectacle, on se dit qu'elle pourrait sans problème passer de la scène au
concert, même si les éclairages oniriques de Lucie Bazzo jouent ici un rôle essentiel à
la compréhension du propos.
Entre latin, anglais et langue inventée, le
livret est souvent trop touffu pour que l'on puisse en extraire une narration
linéaire. Qu’importe au fond que le texte de présentation évoque « une
bande de sœurs-renégates, parties de l’Angleterre à la fin du 19e
siècle, sous prétexte de fonder une mission dans un pays lointain » qui
finiront par opter pour une vie d’indépendance. Il faudra plutôt se contenter
de strates plus ou moins définies, qui nous parviennent en autant d'images
d'une plastie envoûtante (comme cet attrapé du papillon) : réflexions sur
la maternité, la féminité, l’indépendance et l’interdépendance, les legs d'une génération à une autre.
Absolument irréprochables, Marie-Annick
Béliveau, Anne Julien et Janet Warrington transmettent toutes les subtilités de
la partition, articulée principalement comme une succession de solos, laissant
à chacune l'occasion de briller et de déposer dans notre inconscient quelques
moments d'une bouleversante profondeur.
On peut entendre un extrait ici...
On peut entendre un extrait ici...
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