Demain, première heure, je me dirige avec la plus petite valise possible de vêtements - et peut-être l'équivalent en livres - vers le sud... 850 km plus au sud, histoire de tremper mes pieds dans le sable et mon corps dans l'océan. Déjà, la semaine dernière, un collègue me demandait ce que j'apportais comme livres dans ma valise, lui qui partait pour une semaine dans un tout-inclus avec sa petite famille. (Aurais-je une si « mauvaise » réputation?) Je lui ai expliqué alors qu'il était beaucoup trop tôt pour répondre à cette épineuse question, mais que j'avais l'intention de piocher dans ma PAL, sauf que... Depuis, j'ai acheté un ou deux nouveaux livres à cette vente-trottoir et suis aussi passée par la Bibliothèque nationale. (C'est grave, docteur?)
Comme toujours, j'en apporterai plus que pas assez, rien d'aussi pénible en vacances que de ne pas trouver « le » livre qui convienne au feeling du moment. Mais encore? Qu'y aura-t-il dans ce sac? J'ai opté pour une technique un peu différente cette année, en privilégiant les livres offerts par des amis proches lors de mon dernier anniversaire ou juste pour le plaisir et/ou des livres « signifiants » empruntés à mon double. Pêle-mêle, il y aura donc Olivier Adam (Des vents contraires), Kafka (La lettre au père, en édition bilingue), Céline (Voyage au bout de la nuit), Christian Bobin (Autoportrait au radiateur), Hesse (ses écrits sur la musique) et, achat récent, Les déferlantes de Claudie Gallay (un thème maritime, quand même). Pour les autres titres, je déciderai un peu plus tard aujourd'hui en examinant ma PAL (je risque d'y retrouver des « amis » presque inconnus).
Je vous retrouve début août. Surtout, ne soyez pas trop sages en mon absence!
La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
mercredi 21 juillet 2010
mardi 20 juillet 2010
Neige
Comment peut-on lire un livre qui s'appelle Neige quand il fait aussi chaud, vous direz-vous? Un ami m'avait parlé de ce livre il y a plusieurs années et j'avais vaguement retenu la chose, mais sans plus. Un autre, un peu plus récemment, m'avait affirmé que c'était un de ses livres préférés. Alors, quand je l'ai vu à un prix ridicule (2 $) lors de la vente-trottoir rue Sainte-Catherine samedi dernier, je n'ai pas hésité longtemps, je me suis dit que c'était un signe, que je devais saisir l'occasion et que, peu importe ce que j'en penserais, je ne me sentirais aucunement lésée par cet achat, pas si impulsif que cela au fond.
Alors? Un véritable coup de cœur, tout simplement. Je l'ai dévoré en très peu de temps certes (le livre est tout petit) mais je sens que cette histoire et cette écriture continueront de me hanter pendant de longues semaines. Il y a une magie, une musicalité, dans cette histoire de poète de 17 ans qui n'écrit que des haïkus sur la neige et qui décide d'aller ajouter des couleurs à sa palette en allant consulter le maître du genre.
Alors? Un véritable coup de cœur, tout simplement. Je l'ai dévoré en très peu de temps certes (le livre est tout petit) mais je sens que cette histoire et cette écriture continueront de me hanter pendant de longues semaines. Il y a une magie, une musicalité, dans cette histoire de poète de 17 ans qui n'écrit que des haïkus sur la neige et qui décide d'aller ajouter des couleurs à sa palette en allant consulter le maître du genre.
« La poésie est avant tout la peinture, la chorégraphie, la musique et la calligraphie de l’âme. Un poème est un tableau, une danse, une musique et l’écriture de la beauté tout à la fois. Si tu désires devenir un maître, il te faudra posséder le don d’artiste absolu. » (p. 33-34)Je ne vous révélerai rien des péripéties mais Maxence Fermine tisse une bien jolie histoire, en apparence aussi dénudée que les 17 pieds des poèmes auxquels s'astreint Yuko, le personnage principal. Après chaque court chapitre, on s'extasie sur une tournure, une image, la dextérité et la subtilité avec laquelle il maîtrise ce premier roman. (Je lirai d'autres titres de l'auteur, c'est certain.) Une fois la dernière page tournée, je n'ai eu qu'une envie: relire ce petit bijou et l'offrir à ceux qui me sont le plus chers.
samedi 17 juillet 2010
S'inspirer
J'aime être inspirée par un artiste, que ce soit au niveau de la recherche musicale, de son travail d'interprète, de ses dons de compositeur mais aussi comment il ou elle a su transformer une douleur en geste créateur. Cette semaine, j'ai vu deux documentaires, nullement liés, mais qui m'ont également interpellée. Le premier, Charisma X, consacré au compositeur Xenakis, présenté cette semaine au CCA, permet de découvrir l'homme grâce à des témoignages de spécialistes, de musiciens et de proches. (Les remarques de sa veuve, Françoise, particulièrement exubérants, sont absolument savoureux.)
Le second trace le portrait d'une jeune artiste de jazz remarquable, Melody Gardot qui, au début de la vingtaine, a dû tout réapprendre, après un accident presque fatal dans les rues de Philadelphie. C'est la musique qui, littéralement, lui a permis de réapprendre à marcher, à vivre, à retrouver une certaine « normalité ». Dans le documentaire, il était intéressant de l'entendre raconter qu'elle ne considérait la création possible que comme sublimation de la douleur (physique ou morale), qu'une journée « parfaite » ne peut mener à une œuvre musicale pertinente. On peut débattre de la chose mais, oui, il est vrai qu'en tant qu'artiste, la douleur fait partie du quotidien, que ce soit dans la répétition du geste, dans l'apprentissage de nouveaux réflexes, la nécessité de plonger dans certaines zones d'ombre pour en extraire l'essence d'une œuvre musicale. Bien sûr, un soir de concert magique, quand les axes compositeur-interprète-public sont idéalement alignés, toute cette douleur est transcendée en beauté ou à tout le moins en art. (Xenakis refusait d'ailleurs de considérer la musique comme « belle » ou « laide », poussant d'ailleurs souvent les instruments dans leurs derniers retranchements.) Mais ce n'est certes pas tous les soirs...
Je partage ici la chanson que l'accident a inspiré à Melody Gardot (qu'elle ne fait pas en spectacle habituellement, parce que cela vient remuer trop de souvenirs)
et une de mes - sinon ma - préférées, Love me like a river does
Le second trace le portrait d'une jeune artiste de jazz remarquable, Melody Gardot qui, au début de la vingtaine, a dû tout réapprendre, après un accident presque fatal dans les rues de Philadelphie. C'est la musique qui, littéralement, lui a permis de réapprendre à marcher, à vivre, à retrouver une certaine « normalité ». Dans le documentaire, il était intéressant de l'entendre raconter qu'elle ne considérait la création possible que comme sublimation de la douleur (physique ou morale), qu'une journée « parfaite » ne peut mener à une œuvre musicale pertinente. On peut débattre de la chose mais, oui, il est vrai qu'en tant qu'artiste, la douleur fait partie du quotidien, que ce soit dans la répétition du geste, dans l'apprentissage de nouveaux réflexes, la nécessité de plonger dans certaines zones d'ombre pour en extraire l'essence d'une œuvre musicale. Bien sûr, un soir de concert magique, quand les axes compositeur-interprète-public sont idéalement alignés, toute cette douleur est transcendée en beauté ou à tout le moins en art. (Xenakis refusait d'ailleurs de considérer la musique comme « belle » ou « laide », poussant d'ailleurs souvent les instruments dans leurs derniers retranchements.) Mais ce n'est certes pas tous les soirs...
Je partage ici la chanson que l'accident a inspiré à Melody Gardot (qu'elle ne fait pas en spectacle habituellement, parce que cela vient remuer trop de souvenirs)
et une de mes - sinon ma - préférées, Love me like a river does
jeudi 15 juillet 2010
Comme si de rien n'était
Pour son premier opus publié, Maxime Collins a opté pour une forme hybride entre recueil de nouvelles, novella et roman. Quatre parcours distincts mais liés, quatre voies, quatre voix bien définies, qui nous permettent de saisir chaque destin très rapidement. En quête de sens, d’identité (notamment sexuelle), les personnages sont captés à un moment charnière de leur existence quand des choix doivent être posés, acceptés, assumés.
Maxime Collins possède une plume alerte, fluide, qui révèle très peu des maladresses associées aux premiers ouvrages. Même quand il aborde des sujets plus crus, il le fait toujours avec finesse. L’ajout du cinquième personnage, invisible, qui permet de « justifier » la narration de ces destins parallèles, m’a semblé par contre bien inutile et à certains moments rompait carrément le flot narratif. Je ressentais une certaine irritation quant à cette intrusion, à cette voix dissonante, qui n’ajoutait rien à la texture du discours. Un narrateur omniscient aurait selon moi été beaucoup plus efficace. Quand, à la toute fin, les quatre amis finissent par se retrouver, j’ai eu l’impression d’avoir été vaguement flouée par le vieux truc du deus ex machina.
L’auteur possède-t-il le souffle nécessaire pour nous offrir un roman en bonne et due forme? J’ai été suffisamment séduite par son écriture mature pour attendre avec plaisir son prochain livre.
Les avis des autres collaborateurs de La Recrue...
Maxime Collins possède une plume alerte, fluide, qui révèle très peu des maladresses associées aux premiers ouvrages. Même quand il aborde des sujets plus crus, il le fait toujours avec finesse. L’ajout du cinquième personnage, invisible, qui permet de « justifier » la narration de ces destins parallèles, m’a semblé par contre bien inutile et à certains moments rompait carrément le flot narratif. Je ressentais une certaine irritation quant à cette intrusion, à cette voix dissonante, qui n’ajoutait rien à la texture du discours. Un narrateur omniscient aurait selon moi été beaucoup plus efficace. Quand, à la toute fin, les quatre amis finissent par se retrouver, j’ai eu l’impression d’avoir été vaguement flouée par le vieux truc du deus ex machina.
L’auteur possède-t-il le souffle nécessaire pour nous offrir un roman en bonne et due forme? J’ai été suffisamment séduite par son écriture mature pour attendre avec plaisir son prochain livre.
Les avis des autres collaborateurs de La Recrue...
mardi 13 juillet 2010
Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates
Y a-t-il une date de péremption sur les bestsellers? Aurais-je dû éviter de lire deux romans épistolaires de suite? Toujours est-il que de lire enfin (je l'ai reçu en cadeau de Noël) Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates fut agréable mais sans plus. Je me suis attachée aux personnages, à cette île perdue (mais je ne considèrerais pas en faire ma prochaine destination vacances, comme plusieurs semble-t-il qui veulent retrouver tous les lieux de l'histoire). J'ai aimé ce cercle littéraire improbable, né de la pure nécessité (en temps de guerre, on fait ce qu'on peut!), j'ai adoré détester l'imbuvable soupirant américain de la narratrice, j'ai souri quand il était question de Kit mais, comme le gâteau de Juliet, je crois que la recette n'a pas parfaitement levé ou qu'elle comportait un ingrédient mystère auquel je suis vaguement allergique. Question de rythme, peut-être, de souffle? Peut-être est-ce simplement le style des auteures, un peu trop bricolé.
Vous remarquerez peut-être que je n'ai pas pris de chance cette fois et suis passée à Le toucher des philosophes, un livre dense mais déjà fascinant, qui trace le portrait de trois philosophes en... pianistes. Entendre mentalement Sartre jouer du Chopin de façon mièvre, il faut quand même faire tout un effort d'imagination.
Vous remarquerez peut-être que je n'ai pas pris de chance cette fois et suis passée à Le toucher des philosophes, un livre dense mais déjà fascinant, qui trace le portrait de trois philosophes en... pianistes. Entendre mentalement Sartre jouer du Chopin de façon mièvre, il faut quand même faire tout un effort d'imagination.
lundi 12 juillet 2010
Journalisme 101
Parfois, même quand on pratique un métier depuis plusieurs années, on a besoin de se faire ramener sur terre et oublier les réflexes pour vraiment considérer certains gestes posés. Parfois, ces « leçons » nous sont livrées dans les endroits les plus improbables, par exemple dans un recueil d'instants volés signés Éléonore Clovis...
Le grand homme
Dans l’œil journalistique, le grand homme se contemple, immense et admirable. Plongeant au fond de lui-même, son miroir intérieur lui renvoie un reflet légèrement tassé, lassé. L’un des deux doit déformer. La journaliste a bien appris son grand homme, elle pose des questions qu’il pourrait se dispenser de traiter, laissant son image répondre à sa place des réponses de grand homme, des phrases d’auteur, citations classiques avant même d’être dites. Mais le grand homme répond, jouant son rôle jusqu’au bout, avec conscience, sans hauteur ni condescendance. Lui aussi a joué au journaliste jadis, joué à ne pas connaître les réponses. Il aimerait le dire à la journaliste. Le grand homme ne dit rien, il répond avec conscience et résignation.
Éléonore Clovis, Échantillons
vendredi 9 juillet 2010
Livre voyageur: Quand souffle le vent du Nord
Il y a quelques mois, ce titre avait été lu par des dizaines de blogueuses et, à chaque fois, j'étais drôlement tentée. La question ne se posait pas trop, sauf de façon théorique, puisque le livre n'était pas encore disponible au Québec. (C'est maintenant chose faite depuis la semaine dernière je crois.) Mais cette idée d'un roman épistolaire moderne, à coup de courriels, me plaisait bien. Et puis, la donne était un peu différente puisque, contrairement à ces histoires d'amours impossibles ou les messages finissent par tout brûler sur leur passage et/ou les protagonistes se rencontrent et que rien ne va plus, ici, on comprend dès le début que le lien ne sera pas « consommé ».
Dans un geste d'altruisme total, Fashion a donc décidé de faire circuler son exemplaire au Québec. Il a donc d'abord fait un arrêt chez Kikine, puis chez aBeiLLe puis a fini par arriver chez moi lundi, après un périple moins qu'express, quoi que Postes Canada ait pu prétendre. (Ce doit être le voyage de la reine qui a dû monopoliser toute leur attention, sans doute...) J'aurais pu sagement déposer le livre dans une PAL prioritaire mais non, sa lecture était plus impérative que cela (et non pas seulement parce que, bien sûr, je souhaite le faire voyager ailleurs.) Dès le mardi, j'ai décidé d'en lire quelques pages avant de dormir (non, je n'ai pas la clim et, oui, c'était et c'est toujours insupportable), juste comme ça, histoire de... J'ai réussi à me contenir et à ne lire que... 156 pages le premier soir! Compulsif, vous dites?
Dès les premières pages, j'ai craqué pour ces échanges de courriels, entre Emmi et Leo qui, d'inconnus (Emmi envoit à Leo un courriel pour résilier un abonnement par erreur) deviennent rapidement confidents. Ils n'échangent pas tant des petits détails du quotidien qu'ils s'offrent un lieu intermédiaire de rencontre, bulle de survie pour Emmi (pourtant mariée et heureuse, comme on l'apprend dès le début) ou plage de thérapie pour Leo (qui a de la difficulté à se défaire de sa dernière conquête Marlene).
Le livre vous intéresse? Je peux le faire voyager jusqu'à vous. Vous n'avez qu'à m'envoyer un mail et le vent du Nord pourra souffler chez vous... Merci Fashion pour le partage!
Dans un geste d'altruisme total, Fashion a donc décidé de faire circuler son exemplaire au Québec. Il a donc d'abord fait un arrêt chez Kikine, puis chez aBeiLLe puis a fini par arriver chez moi lundi, après un périple moins qu'express, quoi que Postes Canada ait pu prétendre. (Ce doit être le voyage de la reine qui a dû monopoliser toute leur attention, sans doute...) J'aurais pu sagement déposer le livre dans une PAL prioritaire mais non, sa lecture était plus impérative que cela (et non pas seulement parce que, bien sûr, je souhaite le faire voyager ailleurs.) Dès le mardi, j'ai décidé d'en lire quelques pages avant de dormir (non, je n'ai pas la clim et, oui, c'était et c'est toujours insupportable), juste comme ça, histoire de... J'ai réussi à me contenir et à ne lire que... 156 pages le premier soir! Compulsif, vous dites?
Dès les premières pages, j'ai craqué pour ces échanges de courriels, entre Emmi et Leo qui, d'inconnus (Emmi envoit à Leo un courriel pour résilier un abonnement par erreur) deviennent rapidement confidents. Ils n'échangent pas tant des petits détails du quotidien qu'ils s'offrent un lieu intermédiaire de rencontre, bulle de survie pour Emmi (pourtant mariée et heureuse, comme on l'apprend dès le début) ou plage de thérapie pour Leo (qui a de la difficulté à se défaire de sa dernière conquête Marlene).
« Pour moi, vous écrire et vous lire est un « temps mort » dans ma vie familiale. Oui, c'est une petite île isolée de mon univers quotidien, une petite île sur laquelle j'aime beaucoup m'attarder seule avec vous, et j'espère que cela ne vous dérange pas », écrira Emmi (p. 133).Sous le coup de l'alcool, Leo se révèlera plus disert quelques pages plus loin:
« Et maintenant c'est à vous, écrivez-moi, Emmi. Écrire, c'est comme embrasser, mais sans les lèvres. Écrire, c'est embrasser avec l'esprit. Emmi, Emmi, Emmi. » (p. 136)Une piscine accueillante (il y a des limites à ce que je peux endurer!) m'a empêchée de le terminer dès le lendemain, mais je n'ai pas résisté longtemps à l'envie d'y replonger et de savoir, de voir, de vouloir influer sur le sort des personnages. « Emmi, réveille-toi!, s'entend-on presque lui hurler malgré soi. Accepte de le rencontrer, fais quelque chose! » Je ne vous révélerai aucunement comment l'auteur réussit assez adroitement à « conclure » la chose mais, jusqu'à la toute fin, je me suis laissée prendre au jeu. (Une suite a été complétée par l'auteur depuis, si j'ai bien saisi.) Parle-t-on d'une révélation littéraire, d'un livre qui change une vie? Non, quand même... Mais c'est terriblement efficace et, parfois, on souhaite juste se faire raconter une jolie histoire des temps modernes.
Le livre vous intéresse? Je peux le faire voyager jusqu'à vous. Vous n'avez qu'à m'envoyer un mail et le vent du Nord pourra souffler chez vous... Merci Fashion pour le partage!
mercredi 7 juillet 2010
Échantillons
Comment choisissez-vous vos livres? En lisant des commentaires de lectures, en bouquinant, en vous fiant aux recommandations de votre libraire? Toutes ces réponses? Eh bien, parfois aussi, j'en ramasse un ou deux à la bibliothèque, complètement au hasard (mais le hasard existe-t-il?), parce que la couverture m'interpelle ou que je lis quelques lignes qui me convainquent.
C'est le cas d'Échantillons, un ouvrage de 81 miniatures signé Éléonore Clovis. Avec un regard presque chirurgical et pourtant jamais dénué d'une certaine tendresse, la jeune auteure (née en 1982) a capté une série d'instants, de situations ou nous propose une galerie de personnages (le mendiant, l'acteur, le jeune couple, le vieux couple, le ministre, l'archiviste, etc.). J'ai été complètement happée par la minutie portée aux descriptions, la façon dont l'auteure sait aller à l'essentiel, mais surtout par la façon aussi avec laquelle elle joue avec les mots, les sonorités, les sens, en véritable poète de l'éphémère.
En partage... Le pianiste
D'autres extraits peuvent être lus ici...
C'est le cas d'Échantillons, un ouvrage de 81 miniatures signé Éléonore Clovis. Avec un regard presque chirurgical et pourtant jamais dénué d'une certaine tendresse, la jeune auteure (née en 1982) a capté une série d'instants, de situations ou nous propose une galerie de personnages (le mendiant, l'acteur, le jeune couple, le vieux couple, le ministre, l'archiviste, etc.). J'ai été complètement happée par la minutie portée aux descriptions, la façon dont l'auteure sait aller à l'essentiel, mais surtout par la façon aussi avec laquelle elle joue avec les mots, les sonorités, les sens, en véritable poète de l'éphémère.
En partage... Le pianiste
Sur la table basse, ses doigts pianotent distraitement entre les verres, un air connu d'eux seuls, tandis que son regard s'envole d'entre les convives dans un glissando dédaigneux. Le pianiste s'ennuie. Les invités l'ennuient, l'embêtent comme la pluie, surtout lorsqu'ils en parlent, de la pluie et du beau temps. Le temps, beau ou mauvais, le laisse froid. Sujet trop bas pour l'éternité du génie, sujet trop élevé pour être seulement effleuré par l'interlocuteur. Ou alors si maladroitement que mieux vaudrait encore être sourd, songe le musicien avec un quart de sourire. Du fond du coin du canapé, il soupire au nez de l'assemblée sa lassitude enfumée, et pour échapper à cette dysharmonie, improvise une fugue en si.
D'autres extraits peuvent être lus ici...
mardi 6 juillet 2010
Lire, rêver?
« Mais si c'était nos lectures qui nous rêvent? S'il fallait, en tout cas, se réveiller de certaines pour mieux comprendre la vie, et d'abord et dans son sein l'écriture, plus dialectique peut-être et plus généreuse que ces livres ne le suggèrent, qu'ils l'aient ou non usurpée? »
Yves Bonnefoy, L'Arrière-pays, p. 127
dimanche 4 juillet 2010
La leçon de musique
Parfois, trop rarement, il y a des soirées où la musique est reine, tous les éléments en place et on n'a d'autre choix que de soupirer d'aise, de ponctuer une modulation surprenante d'un oh! mental (surtout, ne pas déranger le pianiste!), de savourer le moelleux d'une batterie, de s'émerveiller devant le délié d'un solo de contrebasse. Il y a des soirs où on reste bouche bée, les oreilles si accablées de beauté qu'il est inutile de même songer à écouter la plus petite inflexion musicale signée de qui que ce soit d'autre, tant tout a été dit.
Hier soir était l'un de ces immenses instants, qui les contiennent tous, une rencontre au sommet qui n'avait rien de belliqueux. Keith Jarrett nous a offert un piano moelleux, liquide, aérien, une touche magnifique, une sonorité jamais forcée, une respiration musicale remarquable. Les 3000 spectateurs de la Salle Wilfrid-Pelletier étaient suspendus à ces doigts qui savent tout faire, appendices magiques d'un corps toujours en mouvement, tantôt sautillant, tantôt si recroquevillé sur lui-même que sa tête semble avoir été escamotée. Avec ses complices de toujours ou presque, Gary Peacock, fringant comme un jeune homme malgré ses 75 ans, et Jack DeJohnette, tantôt suave, tantôt effervescent, Jarrett a su dialoguer, énoncer, démontrer, séduire, sans qu'aucune parole ne soit jamais prononcée.
Un peu moins de deux heures après le début du spectacle, le public fébrile espère un rappel, peut-être deux. À la place, Jarrett se l'est joué caractériel et a insulté le ou les spectateurs n'ayant pas respecté la sacrosainte consigne de l'interdiction de prendre une quelconque photo de cette « dream team ». L'émotion retombe d'un seul coup. On quitte la salle, un peu déçu quand même, se demandant ce qu'on aurait encore pu entendre si les circonstances avaient été parfaites, mais complètement inspiré par cette leçon de musique.
Hier soir était l'un de ces immenses instants, qui les contiennent tous, une rencontre au sommet qui n'avait rien de belliqueux. Keith Jarrett nous a offert un piano moelleux, liquide, aérien, une touche magnifique, une sonorité jamais forcée, une respiration musicale remarquable. Les 3000 spectateurs de la Salle Wilfrid-Pelletier étaient suspendus à ces doigts qui savent tout faire, appendices magiques d'un corps toujours en mouvement, tantôt sautillant, tantôt si recroquevillé sur lui-même que sa tête semble avoir été escamotée. Avec ses complices de toujours ou presque, Gary Peacock, fringant comme un jeune homme malgré ses 75 ans, et Jack DeJohnette, tantôt suave, tantôt effervescent, Jarrett a su dialoguer, énoncer, démontrer, séduire, sans qu'aucune parole ne soit jamais prononcée.
Un peu moins de deux heures après le début du spectacle, le public fébrile espère un rappel, peut-être deux. À la place, Jarrett se l'est joué caractériel et a insulté le ou les spectateurs n'ayant pas respecté la sacrosainte consigne de l'interdiction de prendre une quelconque photo de cette « dream team ». L'émotion retombe d'un seul coup. On quitte la salle, un peu déçu quand même, se demandant ce qu'on aurait encore pu entendre si les circonstances avaient été parfaites, mais complètement inspiré par cette leçon de musique.
En entrevue il y a quelque temps, Jarrett confiait: « Trouvez-moi un pianiste qui a une touche. Certains décident quelle touche ils devraient utiliser, mais... Je n'en ai pas encore entendu avoir cette touche qui est celle de l'acte amoureux, qui ne présuppose aucune préparation intellectuelle. La touche présuppose un flot, un ruissellement qui témoigne exactement de ce que ressent le musicien au moment où il joue. Bien sûr, certains pianistes ont des idées convaincantes voire brillantes... Pour ma part, ce n'est pas l'idée en soi qui m'intéresse. Je m'intéresse à la musique dans sa globalité. Cette touche dont je parle comprend bien sûr la maîtrise technique, mais aussi le cœur, le risque. »Quand tout a été dit...
samedi 3 juillet 2010
Expo Xenakis au CCA
Comment définir Iannis Xenakis? Certains retiendront ses dons de compositeur, d’autres d’architecte, tous de visionnaire. Le Centre Canadien d’Architecture a donc choisi d’organiser une exposition-événement qui explore le rôle fondamental joué par le dessin dans l’œuvre de l’artiste. En les mettant en lien avec la musique, les croquis deviennent jalons d’un travail préliminaire comprenant aussi calculs de probabilité, étude des densités des textures et, avant toute chose, recherche d’une continuité sonore. L’événement se veut aussi polymorphe que Xenakis, lui qui a signé plusieurs partitions particulièrement avant-gardistes, tout en participant avec l’équipe de Le Corbusier à de nombreuses réalisations architecturales, notamment celles du Pavillon Philips, premier édifice autoportant au monde ou du couvent de La Tourette, actuellement en rénovation.
Les commissaires de l’exposition, Sharon Kanach – spécialiste en musique contemporaine qui a étroitement collaboré avec Xenakis pendant une vingtaine d’années – et Carley Lovelace – critique d’art qui a suivi les cours du compositeur à l’Université de la Sorbonne de 1972 à 1989 – proposent un inspiré programme thématique. Ce dernier révèle, dans un premier temps, des compositions musicales telles les légendaires Metastasis ou Achorripsis, accompagnées de certaines esquisses préparatoires et dans un second, des polytopes (du grec poly, plusieurs et topos, lieux), environnements d’art total axés sur la musique, dont celui présenté à Montréal lors de l’Expo 67, l’une des œuvres les plus connues du genre, qui joue avec la spatialisation du son et permet au spectateur de devenir partie intégrante de l’expérience sensorielle.
Le matériel de cette exposition, organisée par le Drawing Center de New York, provient essentiellement du fonds Iannis Xenakis de la Bibliothèque nationale de France ainsi que des archives personnelles de la veuve de l’artiste et comprend plusieurs documents encore jamais partagés. « Nous avons cherché à démontrer les rapports entre musique et architecture, a expliqué Sharon Kanach lors d’une visite guidée. Pour Xenakis, les deux font partie d’une même idée. Il existe peu de créateurs aussi protéiformes que lui, pour qui connaissance et intuition sont des applications possibles d’une même idée. » Elle admet que d’extraire une soixantaine de documents qui sauraient à la fois initier et démystifier le travail du compositeur s’est avéré particulièrement difficile : « Nous avons surtout souhaité montrer le côté humain de ce génie. »
Celui qui se considérait lui-même comme le Bartók grec a toujours privilégié une approche architectonique de la musique, pourtant en opposition avec une musique graphique. Malgré ses dessins préparatoires, souvent d’une beauté plastique saisissante (par exemple ces études pour la distribution des musiciens), son but ultime reste de pouvoir parvenir à une partition « traditionnelle », déchiffrable, que les musiciens peuvent rejouer. On peut ainsi suivre le parcours d’une œuvre, d’une première arborescence à une série de calculs méticuleux, algébriques, rythmiques ou de densité, processus souvent fascinant.
Les commissaires de l’exposition, Sharon Kanach – spécialiste en musique contemporaine qui a étroitement collaboré avec Xenakis pendant une vingtaine d’années – et Carley Lovelace – critique d’art qui a suivi les cours du compositeur à l’Université de la Sorbonne de 1972 à 1989 – proposent un inspiré programme thématique. Ce dernier révèle, dans un premier temps, des compositions musicales telles les légendaires Metastasis ou Achorripsis, accompagnées de certaines esquisses préparatoires et dans un second, des polytopes (du grec poly, plusieurs et topos, lieux), environnements d’art total axés sur la musique, dont celui présenté à Montréal lors de l’Expo 67, l’une des œuvres les plus connues du genre, qui joue avec la spatialisation du son et permet au spectateur de devenir partie intégrante de l’expérience sensorielle.
Le matériel de cette exposition, organisée par le Drawing Center de New York, provient essentiellement du fonds Iannis Xenakis de la Bibliothèque nationale de France ainsi que des archives personnelles de la veuve de l’artiste et comprend plusieurs documents encore jamais partagés. « Nous avons cherché à démontrer les rapports entre musique et architecture, a expliqué Sharon Kanach lors d’une visite guidée. Pour Xenakis, les deux font partie d’une même idée. Il existe peu de créateurs aussi protéiformes que lui, pour qui connaissance et intuition sont des applications possibles d’une même idée. » Elle admet que d’extraire une soixantaine de documents qui sauraient à la fois initier et démystifier le travail du compositeur s’est avéré particulièrement difficile : « Nous avons surtout souhaité montrer le côté humain de ce génie. »
Celui qui se considérait lui-même comme le Bartók grec a toujours privilégié une approche architectonique de la musique, pourtant en opposition avec une musique graphique. Malgré ses dessins préparatoires, souvent d’une beauté plastique saisissante (par exemple ces études pour la distribution des musiciens), son but ultime reste de pouvoir parvenir à une partition « traditionnelle », déchiffrable, que les musiciens peuvent rejouer. On peut ainsi suivre le parcours d’une œuvre, d’une première arborescence à une série de calculs méticuleux, algébriques, rythmiques ou de densité, processus souvent fascinant.
jeudi 1 juillet 2010
O Canada...
Non, rassurez-vous, je ne vous propose pas un nouvel arrangement de l'hymne national (par contre, si vous souhaitez savoir son histoire, je vous invite sur le blogue Analekta par là), plutôt un constat. Au cours des dernières semaines, j'ai eu à traduire une série d'événements qui se trouveront sur des lignes du temps, des événements socio-historiques aux découvertes scientifiques sans oublier les arts et lettres. Comme ces lignes du temps se retrouveront sur le site de l'Orchestre national, celui du Centre national des arts d'Ottawa, une importance significative était dévolue aux auteurs, peintres et sculpteurs canadiens.
Je ne prétends pas être une experte dans le domaine de la littérature ou des arts visuels (en musique classique, peut-être et j'insiste sur le peut-être) mais j'ai un intérêt marqué pour la chose, fréquentant salles de spectacle, musées, galeries d'art et événements à la moindre occasion. J'ai aussi passablement lu sur le sujet - même si je considère seulement commencer à comprendre vaguement l'art contemporain. Où m'en vais-je avec mes gros sabots paysans, vous demandez-vous? Tout simplement dans le ROC, le Rest Of Canada.
Oui, j'ai lu plusieurs auteurs canadiens-anglais mais apparemment pas suffisamment. En traduisant ces milliers de données (je devrais être imbattable à Quelques arpents de piège après ça, si seulement je pouvais associer les bonnes dates à tous ces événements!), j'ai appris des dizaines de noms de « nouveaux » auteurs qui, pourtant, semblent-ils, étaient des « vedettes ». En tout cas, tous les noms francophones mentionnés (de Gabrielle Roy à Michel Tremblay) étaient des intouchables. J'imagine donc que les auteurs anglophones choisis devaient être connus « de tous ». (Plusieurs avaient connu d'immenses succès en librairie.)
Le multiculturalisme est devenu l'essence même du Canada d'aujourd'hui et pourtant, encore et toujours, chacun protège son territoire culturel, hésite à lire autre chose. Lors de la conférence prononcée par Nancy Huston il y a quelque temps, un universitaire est venu expliquer que le Canada ne devait pas être multiculturel mais bien... multicultivé. Différence syntaxique subtile, mais , ô combien essentielle. Alors, pour souligner cet état de fait, hier, j'ai acheté deux produits Canadian (à prononcer avec votre plus bel accent anglophone). Le premier est un livre, qui a remporté le prix du GG dans la catégorie non-fiction (quand même!): The Cello Suites d'Eric Siblin, dans lequel un spécialiste de la pop (si, si!) cède aux charmes des suites pour violoncelle de Bach et tente de partager son « savoir » avec les néophytes. L'autre est un magazine Geist qui, comme je viens de l'apprendre sur Internet, est le magazine littéraire le plus lu au Canada! J'ai très honte de l'admettre mais, en 20 ans (le magazine a été créé en 1990), je ne l'ai jamais eu en main.
Ai-je l'intention de déménager à Toronto ou Vancouver dans les prochains mois? Surtout pas. D'en connaître un peu plus sur l'« autre solitude »? Absolument.
Je ne prétends pas être une experte dans le domaine de la littérature ou des arts visuels (en musique classique, peut-être et j'insiste sur le peut-être) mais j'ai un intérêt marqué pour la chose, fréquentant salles de spectacle, musées, galeries d'art et événements à la moindre occasion. J'ai aussi passablement lu sur le sujet - même si je considère seulement commencer à comprendre vaguement l'art contemporain. Où m'en vais-je avec mes gros sabots paysans, vous demandez-vous? Tout simplement dans le ROC, le Rest Of Canada.
Oui, j'ai lu plusieurs auteurs canadiens-anglais mais apparemment pas suffisamment. En traduisant ces milliers de données (je devrais être imbattable à Quelques arpents de piège après ça, si seulement je pouvais associer les bonnes dates à tous ces événements!), j'ai appris des dizaines de noms de « nouveaux » auteurs qui, pourtant, semblent-ils, étaient des « vedettes ». En tout cas, tous les noms francophones mentionnés (de Gabrielle Roy à Michel Tremblay) étaient des intouchables. J'imagine donc que les auteurs anglophones choisis devaient être connus « de tous ». (Plusieurs avaient connu d'immenses succès en librairie.)
Le multiculturalisme est devenu l'essence même du Canada d'aujourd'hui et pourtant, encore et toujours, chacun protège son territoire culturel, hésite à lire autre chose. Lors de la conférence prononcée par Nancy Huston il y a quelque temps, un universitaire est venu expliquer que le Canada ne devait pas être multiculturel mais bien... multicultivé. Différence syntaxique subtile, mais , ô combien essentielle. Alors, pour souligner cet état de fait, hier, j'ai acheté deux produits Canadian (à prononcer avec votre plus bel accent anglophone). Le premier est un livre, qui a remporté le prix du GG dans la catégorie non-fiction (quand même!): The Cello Suites d'Eric Siblin, dans lequel un spécialiste de la pop (si, si!) cède aux charmes des suites pour violoncelle de Bach et tente de partager son « savoir » avec les néophytes. L'autre est un magazine Geist qui, comme je viens de l'apprendre sur Internet, est le magazine littéraire le plus lu au Canada! J'ai très honte de l'admettre mais, en 20 ans (le magazine a été créé en 1990), je ne l'ai jamais eu en main.
Ai-je l'intention de déménager à Toronto ou Vancouver dans les prochains mois? Surtout pas. D'en connaître un peu plus sur l'« autre solitude »? Absolument.
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