vendredi 30 août 2013

Musique pour un appartement et six percussionnistes

Parce que c'est le weekend, que ce sera le dernier avant la rentrée (au secours!), qu'il faut sourire quand même et que ce petit film est drôlement bien fait...

Music For One Apartment And Six Drummers from Mister Magnus on Vimeo.

jeudi 29 août 2013

À petites pierres: ouvrir une brèche

Un village reculé, une jeune fille, fiancée à quelqu’un qu’elle connaît à peine, qui ne rêve que de s’évader, un jeune homme rentrant de France qui a envie de s’amuser. Une histoire qui aurait pu se révéler banale, simple marivaudage : aventure d’un soir pour l’un, déception peut-être plus tenace pour l’autre. Mais le père du futur époux dispose d’espions, exige réparation : le jeune homme paiera une amende symbolique, la jeune fille sera lapidée. 


Révolté par le verdict, l’amoureux d’un soir entreprend de sauver la belle, se déguise en femme pour la retrouver, séduit le prétendant éconduit et tente de lui faire entendre raison. Ce faisant, il croise la route de la sœur de la condamnée, amour d’adolescence qu’il croyait oublié, qui elle aussi a décidé, par le truchement d’un déguisement d’intervenir. Le sujet reste d’une rare gravité (comment peut-on  rire de la lapidation?), mais Gustave Akakpo réussit à en tirer une pièce à tiroirs, hommage aux classiques de Molière et de Beaumarchais (impossible de ne pas penser ici au Mariage de Figaro), au rythme effréné, sans failles apparentes.

Pour lire le reste de ma critique, allez sur le site de Jeu...

mardi 27 août 2013

Une cinquième édition inspirante

La Zone Homa a clos sa 5e édition sur un doublé cherchant à repousser les limites des genres, donnés dans la ruelle adjacente à la Maison de la culture Hochelaga-Maisonneuve samedi soir. Dans In vitraux, chorégraphié par Audrey Rochette, quatre comédiens devenaient danseurs, dans cinq tableaux qui jumelaient langage corporel et répliques. Un théâtre physique nouveau genre, les corps devenant sous-texte, les mots devenant trame sonore plutôt que simples vecteurs de sens.

Le sacre du printemps (tout ce que je contiens) d'une certaine façon prenait le contrepied, la trame narrative inhérente au ballet de Stravinski, créé il y a 100 ans cette année, devenant prétexte à détournement de sens. Ceux qui connaissent intimement l’œuvre originale, le synopsis  fourni par le compositeur, le contexte sulfureux entourant sa première, qui réagissent de façon instinctive à la partition, auront sans doute pu saisir la plupart des deuxième et troisièmes lectures qu'en a tirées Félix-Antoine Boutin: le côté bacchanale, l'aspect sacrificiel, les rituels de passage, l'antagonisme entre éros et thanatos. Les autres ont paru complètement largués par cet étrange objet scénique, qui ressemblait par moments à du délire concerté et qui pouvait se lire comme un détournement de ces films d'adolescents, en vacances sur les plages de Floride pendant le traditionnel « spring break »: consommation d'alcool effrénée, concours de vomissements, couples se formant et se déformant au gré des heures, dérapages pouvant devenir irréversibles (représentés notamment par cette violence gratuite envers des effigies de bois détruites à coup de pieds-de-biche jaunes). On a l'impression d'être devant une performance essentiellement ludique, pour l'instant pas entièrement peaufinée, mais néanmoins intéressante.

Une fête était ensuite proposée aux festivaliers, lancée par une visite surprise de Marjo. Nous avons préféré découvrir dans la nuit naissante la Rue de la poésie (avenue Desjardins, entre Ontario et La Fontaine), éclairés par le cellulaire d'un copain. Un plaisir presque diffus à découvrir ainsi les mots de poètes d'ici, sur des écriteaux accrochés aux branches des arbres, plantés dans la terre ou encore sur des tissus enroulés autour des troncs. (Presque étourdis par notre lecture, nous avons bien fait rigoler un homme qui attendait dans sa voiture.) N'empêche... le lendemain, je faisais un détour par la bibliothèque de mon quartier, histoire de récupérer des recueils de plusieurs des poètes lus la veille. Qui a dit que la poésie ne pouvait s'inscrire dans le quotidien?

lundi 26 août 2013

Les larmes du ciel d’août / Et si je les tuais tous madame?

Né au Burkina Faso en 1983, auteur jusqu’ici d’une dizaine de pièces, Aristide Tarnagda puise son inspiration dans les réalités de son pays, mais réussit, grâce à une langue riche, particulièrement évocatrice, à transcender les frontières de celui-ci. S’il inscrit ses récits dans une intimité certaine, parfois presque impudique, sa parole atypique permet de mettre en lumière les grands enjeux contemporains. Dans le diptyque présenté en ouverture de la cinquième édition de Dramaturgies en dialogue, il aborde le fossé toujours grandissant entre riches et pauvres (« Capitaliser le capital dans toutes les capitales du monde capitaliste »), mais aussi les questions d’identité, de maternité et de paternité, en plus de proposer une réflexion sur la violence (« La rue peut tout. ») et le rôle de l’artiste (« Les artistes, c’est des gens qui sont dans la boue. »)


On peut lire la suite de ma critique sur le site de la revue Jeu...
Dramaturgies en dialogue se déroulent jusqu'au 29 août. Pour consulter la programmation...

vendredi 23 août 2013

Trop jeunes pour le mariage

© Tehani et Ghada mariées à l’âge de 6 ans. Trop jeunes pour le mariage, exposition de photos de Stephanie Sinclair, Agence VII
Chaque année, on estime que  67 millions de jeunes filles sont privées de leur enfance car elles doivent se soumettre à un mariage forcé, la transaction financière permettant parfois de nourrir les autres enfants de la famille ou d'éponger une dette. Conséquence directe de cet état de fait? Les filles abandonnent bien sûr leurs études, doivent faire face aux risques liés aux grossesses précoces (une mère de moins de 15 ans a 5 fois plus de chances de mourir lors de l'accouchement) et vivent dans un isolement important. D'ici 2020, on évalue à 142 millions le nombre de jeunes filles qui seront mariées de gré ou de force.

Qu'elles aient 6 ou 15 ans ne change rien à la donne. Que l'on invoque le respect des traditions non plus. Il faut ouvrir les yeux sur ce phénomène troublant et initier un mouvement de changement. Samia Shariff, auteure de Le voile de la peur et Les femmes de la honte, qui a réussi à fuir au Canada en 2001, après avoir été mariée de force à 15 ans à un homme plus âgé, a livré un témoignage poignant lors de la conférence de presse tenue en ouverture de l'exposition Trop jeunes pour le mariage, présentée gratuitement jusqu'au 29 septembre au Gesù.  
« Je l'ai haï dès le premier soir, je voulais m'enfuir, mourir. On reste blessée à vie. Je voudrais qu'il y ait une loi internationale et que quiconque marie un enfant, avec ou sans son consentement, soit puni. »

© Nujood 12 ans (Yémen). Trop jeunes pour le mariage, exposition de photos de Stephanie Sinclair, Agence VII/tooyoungtowed.org
La photojournaliste Stephanie Sinclair  a sillonné pendant neuf ans l'Afghanistan, le Yémen, l'Éthiopie, le Népal et l'Inde, à la rencontre de ces oubliées, et en a tiré une série de photos bouleversantes, d'un grand esthétisme, non dépourvues de lumière malgré tout, qui raconte l'histoire de ces filles qui porteront en elles jusqu'à leur mort les séquelles de ces mariages forcés. Le comédien Paul Ahmarani, porte-parole de l'exposition, espère que ces photos réussiront à ouvrir une petite porte, « à mettre des décors, des ambiances sur des chiffres », mais surtout à toucher le public, qui pourra s'abreuver aux sources de l'art et de la connaissance. « J'ai beaucoup d'admiration pour ces jeunes filles qui s'en tirent », a-t-il souligné.


Deux films seront également projetés gratuitement au Gesù dans le cadre de l'exposition: 475: Quand le mariage devient un châtiment du Marocain Nadir Bouhmouch (11 septembre) et La source des femmes de Radu Mihaileanu (28 septembre).

On peut consulter le site web de l'exposition ici...


mercredi 21 août 2013

Retour d'outre-mer

« Parfois, Maria écrit. L’espace de la littérature est le seul qui lui permet d’inventer suffisamment pour avoir l’impression de toucher au vrai. »

Certains livres vous balaient d’un seul coup et vous déposent sur la rive, pantelants. D’autres ne s’apprivoisent qu’à rebrousse-poil, mais continuent néanmoins de vous interroger, des semaines après la lecture. Retour d’outre-mer entre indéniablement dans cette deuxième catégorie. Maria a perdu son père et sent la nécessité de faire un bilan du lien affectif qui l’unissait à lui. Elle en profitera pour laisser place aux souvenirs de son enfance passée en partie en Algérie, accepter les blessures infligées par sa mère, chercher à renouveler la perception qu’elle a de son frère, raviver la morsure de son grand amour. On se serait attendu à ce que la narratrice plonge dans la douleur, crie sa colère, nie ses cicatrices. Elle privilégie plutôt une réserve certaine, comme si la douleur ne pouvait s’appréhender que bridée, que cette circonspection se révèle la seule façon d’offrir une vie parallèle à ces êtres chers disparus : « L’espace qui fait naître les fantômes, c’est l’espace de leur récit. »

Le lecteur butera d’abord sur cette distance que l’auteure installe. Ayant connu un parcours semblable à celui de son héroïne, Julia Pawlovicz a-t-elle eu peur de franchir la frontière toujours floue de l’autofiction? A-t-elle souhaité, consciemment ou non, se dissocier de son passé en le transformant en geste littéraire? On peine par moments à adopter le rythme si particulier, à la ponctuation travaillée, presque trop balisé, instillé au récit. Pourtant, dans « Chuck », la section traitant du grand amour perdu, on se laisse emporter par un lyrisme certain.
« Chuck et Maria ne se sont pas oubliés. Ils ont envie de se salir, de se marquer l’un l’autre avec les doigts et la salive, avec l’odeur du sexe qu’ils vont porter comme une eau de toilette. Chaque parcelle de leur corps est une zone sinistrée. Ils jouent, se débattent, et font l’amour ensuite. Usés l’un par l’autre, pour se retrouver. Dans une sorte de quiétude presque. »
Si, sur le moment, j’ai eu l’impression d’un rendez-vous en partie manqué, quelques semaines après, je réalise que cette voix exige néanmoins que je lui donne une seconde chance. Le feu ne peut-il pas gronder sous la glace?

lundi 19 août 2013

Dans la cage

Un chasseur. Une proie. Dans le ventre de la nuit, le premier s’avance, le corps et le sexe bandés. Il reste d’abord en périphérie, jauge l’offre, prévoit les paroles et les gestes qui précipiteront le butin du jour dans ses rets. Un trait de Jameson, une ligne de coke, pour se donner une contenance, et puis, implacable, on resserre l’étau.
Envie de le mordre.
Envie de lui faire mal tellement il est beau.
Apprivoiser le gibier, lentement.
Coller le nez dans le cou de la proie, juste sous l’oreille gauche.
Fermer les yeux et inspirer profondément.
La course contre la montre, contre la mort, est amorcée. La violence fera partie de l’équation, afin d’exacerber les pulsions, mais aussi les douleurs enfouies.
Érection.
Dégoût.
Larmes qui se mélangent au sang sur les joues.
Respirer.
Gémir.
Respirer, lentement.
Toucher le fond.
Dans ce premier roman explosif, tout est question de rythme. Mathieu Leroux vient du monde du théâtre (il a notamment signé la pièce Scrap en 2012 et collaboré à la magnifique production des Atrides, présentée au printemps dernier) et cela se sent – s’entend – dès les premières phrases coup de poing. Comprenant bien l’inutilité de hurler son propos du début à la fin, il fait alterner avec brio les scènes en « Extérieur » (certaines « XXXtérieur ») et celles en « Intérieur ». Chaque geste du narrateur semble mesuré, analysé, maîtrisé. Seule façon peut-être de tenir à distance le souvenir de l’abandon de l’être aimé, les larmes d’Hedda Gabbler, la mère, le dégoût qu’il ressent pour son frère, l’autre-fils, incapable de résister aux attaques du VIH, « Virus Infiniment Homosexuel  »,« trois petites lettres qui prennent une ampleur fulgurante quand elles sont jumelées ». En écho, chaque phrase de l’auteur se révèle précisément calibrée, bombe à fragmentation qui éclate en mille parcelles dans l’esprit du lecteur, le force à contempler, les yeux grands ouverts, un univers trop souvent considéré tabou. Une lecture dont on ne sortira pas entièrement indemne… et c’est tant mieux.


samedi 17 août 2013

Menahem Pressler: l'intelligence du texte

La Virée classique de l'OSM s'est amorcée hier soir. Déjà, on peut parler d'un autre immense succès, presque tous les billets ayant été vendus avant même que la première note ait été entendue. Le grand Menahem Pressler, 90 ans le 16 décembre prochain, en a profité pour offrir à une 5e Salle bondée une leçon de musique, un peu comme celles qu'il donne à ses étudiants de Bloomington en Indiana depuis bientôt 60 ans ou aux chanceux qui ont l'occasion de jouer pour lui dans le cadre d'un cours de maître ou d'une académie estivale. (J'en suis.)

Bien sûr, à un âge si avancé, les doigts ne suivent pas toujours absolument parfaitement et quelques bafouilles se sont glissées ici et là. Aucune importance, l'essentiel est ailleurs: l'articulation toujours impeccable, l'ampleur du phrasé, la cohérence de l'architecture musicale, un toucher riche et texturé, et surtout, le bonheur pur, absolument contagieux, de faire de la musique, de partager, aujourd'hui comme hier, les beautés du répertoire. S'il a consacré la plus grande partie de sa vie au travail de chambriste en tant que membre fondateur de l'exceptionnel Trio Beaux-Arts, depuis quelques années, il se fait plaisir et retrouve le répertoire concertant ou soliste, joue en quatuor. Doté d'une santé de fer, le petit homme, que l'on a envie de serrer dans ses bras dès qu'on le voit s'avancer vers le piano, maintient un agenda que plusieurs trouveraient exagéré. Mais pour lui, inutile de songer prendre quelques semaines de vacances en Floride quand on peut arpenter le monde et jouer dans les plus grandes salles!

Ses choix d'interprète (particulièrement au niveau de l'articulation de la main gauche) ne m'ont pas toujours convaincue dans le Rondo K. 511 de Mozart, mais ils m'ont fait réfléchir, envisager autrement une pièce que je connais pourtant bien (avec laquelle d'ailleurs j'ai inauguré mon piano à queue, il y a quelques années déjà), que j'aurais beaucoup de difficulté à jouer en public tant je la considère impudente, Mozart s'y révélant homme faillible et l'interprète ne disposant de nulle part où se cacher. Le concert était ensuite consacré à l'ultime sonate de Schubert, en si bémol, dans les méandres de laquelle plusieurs se sont perdus avant lui. Il l'a traversée avec une intelligence rare, polissant ici et là certaines modulations extraordinaires, travaillant le geste pour produire un son toujours plein, respirant à l'occasion avec sa main libre, comme il le fait souvent quand il joue avec d'autres.

Pour la première fois de ma vie, j'ai non seulement eu l'impression de comprendre chaque épisode de cette partition monumentale, mais d'en ressentir viscéralement la grande forme, d'enfin apercevoir clairement le fil conducteur qui lie les quatre mouvements. Après l'avoir entendue des dizaines de fois, y avoir plus d'une fois laissé voguer mon esprit sans pouvoir le retenir, j'ai eu envie de me procurer la partition et de me l'approprier. Bien peu de pianistes auraient pu me convaincre d'une telle chose.

Généreux jusqu'au bout des ongles, le maître a offert en souriant deux rappels: un Nocturne en do dièse mineur (posthume) de Chopin d'une rare tendresse et, clin d’œil à l'heure qui passait, un arrangement de la célèbre Berceuse de Brahms.

jeudi 15 août 2013

Notre Recrue d'août en lice pour le Prix des cinq continents

« Mon professeur et directeur de mémoire de maîtrise, Yvon Rivard, m’a dit un jour que quand on tient un bon personnage, on tient un roman. J’ai aimé cette idée. Le point de départ de mon écriture est peut-être celui-là : trouver un personnage riche, qui sera intéressant à suivre, dont on aura envie de comprendre les motivations et les contradictions  », souligne Julia Pawlovicz, notre Recrue ce mois-ci, l’une des dix finalistes du Prix des cinq continents de la Francophonie 2013.

Cerner un personnage : cela ne demeure-t-il pas le défi le plus important auquel doive se frotter un auteur? Quelle densité doit-on lui offrir? Combien d’interstices faut-il laisser au lecteur pour s’y glisser? Est-il essentiel de s’attacher à un être fictif dès les premières pages pour avoir envie de poursuivre notre lecture?

Les titres que nous vous proposons ce mois-ci répondent tous, plus ou moins directement, à ces questions épineuses, vitales, en mettant en scène des personnages que certains pourraient qualifier d’antihéros. Dans Retour d’outre-mer, Maria doit apprendre à composer avec l’absence laissée par la mort de son père, mais aussi l’abandon presque inexplicable de sa mère, mais ne peut le faire qu’à demi-mot. À l’opposé, le narrateur de Dans la cage, rongé par une colère en apparence indomptable, la hurle ou l’anesthésie avec un mélange whiskey et cocaïne. Chacun à sa façon, ils tentent d’oublier un amour jamais oublié. Dans Du cœur à l’établi, Manu Camacho, jeune réparateur de guitares sans ambition,  voit sa vie basculer, le temps d’un été, quand il fait la rencontre de Paré, cowboy urbain, qu’il suit sur la route, en compagnie de Lou, sa meilleure amie. Difficile ici de parler de personnages « attachants », mais pourtant, nous acceptons, quelques heures ou quelques jours, que ces parcours atypiques puissent trouver une résonance en nous, nous questionner, nous habiter, comme a su le faire le peintre du Pavillon des miroirs de Sergio Kokis, personnage de l’inoubliable premier roman paru en 1994 de cet auteur maintenant essentiel du paysage littéraire québécois, devenu un classique de l’écriture migrante au Québec.

Juste avant que la rentrée ne pointe définitivement son nez, nous vous invitons aussi à découvrir le très beau premier recueil de l’ancienne danseuse Rosalie Trudel, L’ondée, là où « entre tes jointures / s’efface le bruit /de nos élans /tes paysages/me raccompagnent ». Au fond, nous avons toujours envie – besoin – de nous laisser par le souffle d’un autre.

Pour lire le numéro courant...

mercredi 14 août 2013

Athéna Blast: la vie, la vie!

 Une jeune femme vient de perdre une proche: sœur, amie, amante? Peu importe. Chaque deuil se veut à la fois unique et universel, mais surtout doit être transcendé, afin que de la douleur naisse un jour l'apaisement, que corps et cœur retrouvent un certain enthousiasme. Athéna Blast, présenté à la Zone Homa lundi soir, se lit comme un objet protéiforme, inclassable, entre danse, déambulatoire (le public se déplaçant sur les praticables au fil des tableaux) et performance participative.

On passe fort habilement par toute la gamme des émotions, de l'empathie quand on devient témoin de l'annonce à la douleur intense partagée, chacun des spectateurs (sauf peut-être les quelques enfants présents) ayant sans nul doute superposé à ce qu'ils voyaient le souvenir d'un ou plusieurs êtres chers disparus. L'expressivité des visages de la vingtaine de participantes traversait sans effort les barrières qui auraient pu être érigées, chacune proposant une déclinaison différente de la douleur mêlée d'incompréhension ressentie lorsque quelqu'une personne aimée meurt.

Difficile également d'oublier ce moment où les spectateurs ont traversé la salle en lignes assurées, l'éplorée touchant ici et là le visage, l'épaule de l'un ou l'autre, ou encore cette représentation des heures passées au salon funéraire, alors que parents et connaissances (ici, des membres du public) serrent ceux qui restent dans leurs bras. Sandwichs pas de croûte et verres de vin servis dans des coupelles en plastique complétaient le tableau d'un troublant réalisme, alors que certains étaient invités à écrire sur l'une des faces du « cercueil » (une boîte dans laquelle baignait littéralement la morte) recouvertes d'ardoise de tableau noir ce qu'ils souhaitaient réaliser avant de mourir. Si plusieurs rêvaient de voyager, un a mentionné la publication d'un livre, un autre inscrit un message à portée philosophique.


À partir de ce moment-là, le spectacle devient une célébration de la vie. Comme Jésus le troisième jour, la morte se relève, donnant le coup d'envoi à une fête endiablée, le public se mêlant aux danseuses pour sauter en chœur ou se glisser en souriant sous l'arche de bras tendus. Bâtons, bracelets et bandeaux lumineux sont alors remis dans la salle, certains se trémoussant avec une certaine réserve, d'autres se déhanchant avec une vigueur totalement assumée. On sort du spectacle l'âme lavée, le sourire aux lèvres, un bandeau Mickey dans la tignasse (pour moi) ou un bracelet lumineux à l'oreille (pour l'ami qui m'accompagnait), conscient que la vie reste précieuse et ce, même quand on peut avoir l'impression qu'elle nous crache au visage. Carpe diem!



TEASER / ATHENA BLAST / ZONE HOMA / 2013 from Le Monstre Sacré on Vimeo.

lundi 12 août 2013

Mes premières Correspondances

Les Correspondances d'Eastman en étaient à leur 11e édition cette année. J'en avais beaucoup entendu parler, notamment à travers Venise, ambassadrice hors pair de l'événement, mais le calendrier de vacances m'avait empêchée jusqu'à samedi de découvrir l'événement.

Topinambulle et moi n'avons pas fréquenté les chambres d'écriture installées un peu partout sur le site, mais nous avons néanmoins pu tâter le pouls des différents ancrages du festival. Première surprise: l'événement respire encore. J'avais craint que sa popularité donne l'impression d'un troupeau se déplaçant d'un point à l'autre. Pas du tout! Grâce à la navette, on pouvait aussi bien participer aux Cafés littéraires à la nouvellement installée Terrasse Québécor (à côté du Cabaret d'Eastman) que fouiner à la tente Archambault, découvrir quelques performances inusitées au Chapiteau MAtv ou jeter un coup d'oeil au Salon des artisans. Nous avons malheureusement raté l'exposition « Rouge comme un printemps » du photoreporter Jacques Nadeau à la bibliothèque.

Nous avions décidé de nous offrir un triplé: trois cafés littéraires abordant tour à tour l'univers du théâtre (une passion commune), de la transmission de la parole (notamment poétique) et des blogues (un sujet que nous maîtrisions également toutes les deux).

Sébastien Diaz et Michel-Marc Bouchard (Photo: Lucie Renaud)
Le grand entretien avec Michel Marc Bouchard restera un événement qui s'inscrira dans les mémoires. En conversation avec un Sébastien Diaz particulièrement bien préparé, le dramaturge a aussi bien évoqué la genèse de son envie de dire (prolongement naturel de soirées où les conteuses captivaient les autres membres de la famille) que son rapport à la région, à l'homosexualité (« A-t-on jamais affirmé que Roméo et Juliette était une grande pièce hétérosexuelle? », a-t-il relevé avec raison) ou son processus de travail, qui s'échelonne en moyenne sur une période de deux ans.

Photo: Lucie Renaud
La comédienne Bianca Gervais a lu avec une belle intensité quatre extraits ciblés de pièces de Bouchard, portrait protéiforme de cet univers si particulier. On a ainsi pu plonger dans Les manuscrits du déluge (sur la petite mémoire, accumulation des histoires que chacun accumule), Le voyage du couronnement (un troublant pamphlet jeté à la tête du gouvernement canadien, qui nous a caché les détails du débarquement de Dieppe), Tom à la ferme (sur le vol du deuil, adapté au cinéma par Xavier Dolan, film présenté à la Mostra de Venise, dont la sortie est prévue cet automne) et Christine, la reine garçon (sa dernière pièce montée au TNM, d'une beauté à couper le souffle).

Bianca Gervais (Photo: Lucie Renaud)
Difficile ensuite de se vider entièrement la tête et le cœur pour apprécier à sa juste mesure « L'héritage de la parole », une conversation plutôt complice entre l'animateur Tristan Malavoy-Racine, la dramaturge Évelyne de la Chenelière et le chanteur Thomas Hellman (papa depuis deux semaines). Il aura été question de poésie, particulièrement de celle de Roland Giguère, décédé il y a presque 10 ans (le 17 août 2003), mais aussi du rôle des passeurs, qu'ils soient professeurs, traducteurs, parents, amis. Une professeure à la retraite a d'ailleurs livré un témoignage particulièrement émouvant, avouant qu'au cours de sa carrière, elle avait constamment mis dans les mains des enfants des romans, des bandes dessinées, mais jamais de poésie. Elle se propose d'ailleurs d'en offrir lors de la prochaine campagne « La lecture en cadeau ».

Quelques instants avant le deuxième café, les trois participants, en compagnie de la présidente Francine Grégoire (Photo: Lucie Renaud)
Nous avons ensuite oscillé entre fou rire et moments de troublante intimité avec « Bla bla blogue », qui mettait en vedette Catherine Voyer-Léger (notamment ancienne rédactrice en chef de La Recrue du mois), blogueuse assumée, particulièrement active sur les médias sociaux, et Caroline Allard, mieux connue sous le nom de Mère indigne. Les deux jeunes femmes ont notamment réfléchi sur la différence entre anecdote et expérience, sur le positionnement délicat de la frontière entre intime et extime (Caroline Allard a d'ailleurs souligné qu'à un certain moment, elle regardait sa famille vivre avec l’œil de l'entomologiste, espérant pouvoir en extraire du « matériel »), sur la reconnaissance du lectorat, mais aussi sur le danger d'y céder entièrement.

Catherine Voyer-Léger et Caroline Allard (photo: Lucie Renaud)
À la question « Y retournerons-nous? », je réponds: « Assurément!»

vendredi 9 août 2013

Serre-moi. Plus fort.

Doit-on réapprendre les codes mêmes de l'amour en cette ère de médias sociaux? Est-il devenu futile de souhaiter établir des liens véritables quand on peut tout apprendre de notre amoureux potentiel en consultant sa page Facebook ou ses comptes Instagram et Twitter?  Serre-moi. Plus fort. d'Olivier Rousseau (présentée hier en première lecture dans le cadre de Zone Homa) aborde avec efficacité et une certaine finesse cette problématique des plus contemporaines. On s'attache rapidement à Marianne, dans la trentaine, incapable de ne pas espionner les moindres goûts de Louis, rencontré dans un bar, qui frémit quand on le serre très fort, mais refuse pourtant toute tentative d'attachement. Elle comprend qu'elle va souffrir, mais ne peut néanmoins pas s'empêcher d'aller au bout de ce rêve d'instants partagés à deux.

Si l'élu manque un peu de substance (il dispose de bien peu de répliques), les interactions du personnage principal avec ses meilleurs amis se révèlent particulièrement savoureuses. Alex, en apparence frustrée par la vie, au fond ne demande qu'à céder aux affres de la passion, tandis que Max, fleur bleue comme pas possible, croit encore que le prince charmant va descendre de son nuage pour lui déclarer sa flamme. Le rythme se veut soutenu, avec une belle alternance de trios et de monologues, le tout ponctué de quelques duos « amoureux ».

La symétrie de la structure aurait peut-être avantage à être brisée, mais il faut admettre qu'après le premier monologue (un plaidoyer pour la passion, très bien rendu par Gabrielle Forcier), on attend les autres avec une certaine impatience. Si celui de Marianne fait mouche (Marie-Ève Laverdure, aussi convaincante dans le registre explosif que dans les demi-teintes), celui de Max (Alexis Gareau) force la réflexion (« On ne pourrait pas avoir comme une cyberconversation... mais en vrai »?). Celui de Louis, qui confirme son incapacité à aimer (« Les questions sans réponse, ça me fait peur ») m'a semblé superflu ou à tout le moins plaqué. Le spectateur a déjà compris ses difficultés relationnelles; il aurait peut-être espéré cependant en connaître les causes profondes.

Cette première pièce d'Olivier Rousseau nous fait passer du rire presque incontrôlable (Quelle incroyable vengeance concoctée par Alex envers l'un de ses ex grâce à Grinder!) à une réflexion réelle sur le sentiment amoureux au 21e siècle. L'amour peut-il encore se révéler « pur » quand la moindre palpitation peut être projetée, acceptée, analysée, relancée, sur les réseaux sociaux? Troublant constat.

Je m'en voudrais de ne pas revenir quelques instants sur Les têtes baissées de Mickaël Lamoureux, présenté lundi, une pièce d'une rare maîtrise déjà, tributaire des univers de Serge Boucher, qui trace un portrait nuancé des relations familiales douloureuses et aborde la notion de l'inceste et du viol avec une rare délicatesse. « Le silence, c'est désarmant (...) Il gagne toujours. » Portée par une distribution exceptionnelle en lecture, cette pièce ne demande qu'à prendre vie sur l'une de nos scènes... dans un avenir rapproché, souhaitons-le!

jeudi 8 août 2013

Sans toi, je n'aurais pas regardé si haut

« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. » (Marcel Proust)

Le parc La Fontaine, une flâneuse, les saisons qui passent. On plonge dans le recueil de Denise Desautels en espérant peut-être reconnaître des lieux, une rangée d'arbres, les Leçons singulières de Michel Goulet, le plan d'eau, mais on réalise rapidement que le propos est ailleurs, que le texte se décline plutôt comme une série d'instants non pas volés, mais plutôt conservés précieusement dans la boîte à souvenirs, que le lieu vaguement mythique, traversé tant de fois au fil des ans, reste le cœur, le poumon de la poète, qu'il lui a servi aussi bien de témoin que de confident, de miroir que de révélateur, conjuguant - conjurant - passé et présent.

Sans toi, je n'aurais pas regardé si haut se lit comme une lettre au fils, lui qui n'a pas toujours pu - ou voulu - accepter la part plus sombre des textes de sa mère.
 « Déjà, petit adverbe dangereux, forcément incompatible avec le doute indispensable à l’espoir d’un étonnement. D’un futur qui fait écrire. La part lisse du déjà dit ne laissant aucune place à l’autre, la dynamique, la vertigineuse, celle qui soulève urgence et panique, et te concerne, quoi que tu en penses, malgré le ça ne me regarde pas qui de temps en temps me fixe, surgi du fond de ton regard. » 

Il se veut surtout un hommage au lieu qui a vu grandir l'auteure, au fil des ans, des coups bas de la vie (elle revient notamment sur la départ précipité de son amie chère, évoqué dans Tombeau de Lou), ainsi qu'aux auteurs lus à l'ombre d'un arbre, avec le clapotis de l'étang dans les oreilles, en jetant un coup d’œil plus ou moins distrait à la faune. 

« Je me souviens de m’être arrêtée quelque part le long de la piste cyclable pour lire les premières pages de Miniatures, balles perdues et autres désordres [de Monique Deland]; de m’être demandé si on pouvait survivre à ce qui nous hante. Tant de brasiers qui n’en finissent plus de brûler en nous. »
Le hasard - mais il n'y a pas de hasard - a voulu que je mette les pieds au Parc La Fontaine à trois reprises déjà cet été, après l'avoir négligé pendant plus d'un an, avec des amis de passage d'abord, mais aussi avec les membres du club de lecture il y a quelques jours, que j'ai retrouvés dans le très bel espace La Fontaine. J'étais encore imprégnée de ma lecture du recueil et, quand j'ai croisé les chaises de Michel Goulet, j'ai eu l'impression un instant de mêler mes pas rapides à ceux sans doute plus contemplatifs, de Denise Desautels. J'ai entendu de nouveau ce violoncelliste qui, il y a deux ans, jouait les Suites de Bach, en communion totale avec les lieux. Je me suis revue, les pieds dans l'eau, à rire avec un ami alors qu'un chien faisait la course avec les canards. Sur la terrasse, j'ai eu l'impression une seconde de l'y voir, vêtements foncés, petites lunettes rondes, avant de me laisser happer par la beauté solaire d'une femme à la chevelure rousse, en train de lire un livre de John Cage.

Les quelques photos incluses dans le recueil se sont superposées à ce que je voyais, aux espaces verts envahis par les marcheurs, les coureurs, un cours d'aérobie, à l'effervescence des conversations autour de la table sur le thème du voyage. J'ai réalisé qu'il était rare au fond qu'un recueil de poésie s'inscrive aussi naturellement dans le quotidien, le prolonge, le fasse résonner. Je sais que j'y reviendrai, que je me plongerai aussi dans les auteurs cités, que je chercherai à retrouver la voix si particulière de l'auteure ailleurs, autrement.

« Absolument rien à vider. À part mon cœur. Dont l'écriture - petit geste de survie devant le pouvoir disproportionné des monstres - s'est chargée, du moins en partie, se charge encore. Écriture que je souhaiterais tant - ça viendra peut-être - incendiaire à son tour. Dévastatrice. »

mardi 6 août 2013

Urbania: ville ouverte

Les scènes pastorales semblent, de tout temps ou presque, avoir inspiré les compositeurs. Pourtant, hormis certains essais que l’on pourrait qualifier de futuristes  signés par Prokofiev et certains de ses contemporains, la technologie naissante broyant l’humain au passage, l’agitation si particulière des villes n’aura été que très peu transmise avant que quelques Minimalistes américains ne s’y frottent, que l’on songe à City Life de Steve Reich ou Koyaanasqatsi de Philip Glass. (Au Québec, Yannick Plamondon et son Autoportrait sur Times Square s’en sont approchés.) 

Troublé autant que fasciné par l’effervescence urbaine, le compositeur Frédéric Chiasson, né en 1978 à Lamèque au Nouveau-Brunswick, Montréalais d’adoption, a souhaité sortir des sentiers battus et transmettre autrement cette multiplicité de strates sonores, non pas tant en offrant un portrait fidèle de la ville, défi plus facilement relevé par l’électroacoustique, mais en choisissant de communiquer « la sensation de la vie urbaine, ce que l’on voit, entend, sent », a-t-il expliqué en entrevue.

S’il avait d’abord considéré transmettre la folie du Quartier 10-30, avec ses manoirs construits à l’identique et la solitude inhérente aux lieux, prolongement autant que détournement de l’opéra-cabaret- BD Bungalopolis auquel il avait collaboré en 2010, qui « traitait de tout sauf de la banlieue », il s’est laissé inspirer par une aventure à vélo vécue par une amie, qui deviendrait le deuxième mouvement d’Urbania,  commande de Jean-Philippe Tremblay pour l’Orchestre de la Francophonie, créée à Mont-Laurier le 27 juillet à Mont-Laurier, reprise à Montréal (Centre Pierre-Péladeau) le lundi 12 août. « J’ai voulu parler de la ville en tant que telle, créer des ambiances connexes », résume celui qui raconte avoir multiplié lors de son installation dans la métropole pour compléter sa maîtrise et son doctorat en composition des rencontres du troisième type avec des coquerelles aussi bien qu’avec des réseaux de prostitution.

Conçu pour la soprano Pascale Beaudin et un orchestre d’une cinquantaine de musiciens, cette pièce en quatre sections fait passer l’auditeur par une riche palette d’émotions, celui-ci devenant d’abord témoin du réveil de la chanteuse qui semble improviser une série de vocalises, avant que celle-ci ne sorte affronter le macadam et les automobilistes dans « Chevauchée cycliste », des rythmes asymétriques de jeux vidéo évoquant le combat entre la jeune femme et la rue, une fanfare de cors suggérant les klaxons impatients. On bascule dans un autre univers entièrement avec « Petite pousse », intégré à la demande de la soliste, une berceuse qui, au fur et à mesure que la plante grandit, prend elle aussi des proportions plus vastes. « Crache le cash » se veut finalement un énorme clin d’œil aussi bien aux impossibles chasses aux subventions qu’à la bossa-nova, à la samba et à l’électroswing. Entre pop et be-bop, la chanteuse adoptant une voix plus nasale qui rappelle celle d’Édith Piaf, le finale se décline dans un registre volontiers postmoderne, mais surtout permet d’engager un contagieux pas de deux avec le public, qui en redemande, une fois la dernière note envolée.

Lauréat de plusieurs prix (Société de musique des universités canadiennes, Prix de composition de l’Orchestre de l’Université de Montréal, lauréat du concours Saxotronics), Chiasson refuse pourtant de s’enfler la tête et mise essentiellement sur l’expressivité, alors que plusieurs de ses contemporains ne jurent que par la forme. « La musique est avant une sensation, considère-t-il. Il est important d’écrire une musique à laquelle l’auditeur puisse s’identifier. » Les louanges ne se sont d’ailleurs pas fait attendre lors des deux interprétations à ce jour de la pièce, une chanteuse allant jusqu’à lui demander une copie de la partition après l’avoir entendue à Ottawa. La fluidité du langage du compositeur a également permis une mise en place étonnamment facile d’Urbania en répétition. « L’orchestre a très rapidement trouvé ses marques. La musique que j’ai écrite est contemporaine aux musiciens; elle leur appartient autant qu’à moi! »

Pour entendre des extraits d’Urbania ou d’autres pièces du compositeur, on peut consulter son site Internet ici…

dimanche 4 août 2013

Premier amour

Un ami pianiste et moi nous lancions dans un après-midi shopping vendredi quand nous avons croisé une jeune fille avec un t-shirt qui a tout de suite capté mon attention. « Music was my first love. » Pas d'image, pas de contexte, une simple phrase. Éberluée, j'ai posé la question à mon ami: « Qu'est-ce que cela veut dire selon toi? » Perplexes, nous ne pouvions imaginer que cette phrase puisse se conjuguer à l'imparfait ou au passé composé. La musique était mon premier amour... Peu importe les circonstances, si on aime la musique d'amour, comment peut-on l'oublier? Si la musique était son premier amour, par quoi se sent-elle animée aujourd'hui? La littérature, le théâtre, la peinture, le tricot? Travaille-t-elle comme secrétaire et a-t-elle besoin que son t-shirt lui rappelle qu'elle n'est pas que cela?

Nous avons certes raté une belle occasion de poser la question directement à la demoiselle en question. Peut-être au fond n'a-t-elle jamais réalisé les ambiguïtés qu'une telle phrase pouvait susciter chez des professionnels musicophiles. Pour moi, la musique est et restera toujours mon premier amour, ma langue maternelle, une langue universelle. Quand on me demande combien de langues je parle, je réponds parfois que je suis parfaitement trilingue (français, anglais, musique), poursuis mon apprentissage de l'allemand et possède des bribes d'italien. Cela en fait fuir quelques-uns, il faut l'admettre...

Bien avant de savoir que les garçons pouvaient faire palpiter les cœurs des fillettes, j'ai aimé Mozart. D'abord enfant-dieu parfait à mes yeux, il est devenu par la suite entièrement l'un de  nous, un homme avec ses failles, ses doutes, ses défauts... et ses élans de génie qui transcendent tout le reste. Et puis il y a eu les autres, tous ces compositeurs que j'écoutais au quotidien, ces interprètes que je voyais en concert chaque semaine, ces découvertes d’œuvres dont je ne me remettrais pas toujours.

Aucun doute, je n'aurais jamais pu acheter un tel t-shirt, sauf peut-être si j'avais rayé le « was » et remplacé par « is and always will be »...

jeudi 1 août 2013

Spin : Quelques passages à vide

Membre de la cohorte de diplômés 2009 de l’École nationale de théâtre, Félix Monette-Dubeau proposait hier à la Zone Homa une première lecture de sa pièce Spin, charge contre les excès de la société de consommation non dépourvue d’une certaine profondeur.

Côté cour, un cycliste, dont on ne comprendra l’identité qu’à la toute fin, roule. Ce faisant, il réfléchit, à la condition humaine, au vide, aux rencontres qui bouleversent sans que l’on s’en rende immédiatement compte, aux événements du quotidien qui deviennent autant de pierres blanches. «On écoute les histoires pour partager.»

Côté jardin, dans un autre lieu, un autre espace temporel, un commis raconte, par bribes, un moment qui fera basculer la vie de ceux l’ayant vécu. Entre les deux, fil conducteur qui parfois se tend, parfois manque de ressort, une galerie de personnages attend l’ouverture d’un magasin d’électronique, pour se procurer à la première heure le dernier gadget à tout faire. Ceux-ci sont tracés à gros traits: un couple d’amoureux qui multiplie les clichés (Catherine Lavoie et Frédéric Millaire-Zouvi, plus convaincants dans les demi-teintes que dans le registre explosif), deux iFans qui ne pêchent certes pas par excès de subtilité, une journaliste qui finira par tant se déchaîner qu’elle rappellera certaines vedettes pornos et Annie, une petite secrétaire comme tant d’autres, interprétée avec une belle réserve par Véronic Rodrigue. «Il me faut des certitudes, sinon je suis étouffée par les pourquoi», expliquera-t-elle à un moment.

Vous pouvez lire le reste de ma critique sur le site de Jeu...