J'avais été séduite par le documentaire scénique Vrais mondel y a deux ans. Sans aucune réserve. Alors que je vois un nombre certain de spectacles chaque année et que, forcément, certains me laissent une impression plus floue, je me rappelas avec précision de plusieurs de ces rencontres plus grandes que nature, de cette complicité indéniable entre Anaïs Barbeau-Lavalette et ces « sujets » qui n'avaient rien d'ordinaire, de l'accompagnement musical en direct d'Émile Proulx-Cloutier.
La mouture proposée cette fois-ci, liée directement au quartier Centre-Sud (belle initiative d'ailleurs de l'Espace libre de chercher à s'ancrer de cette façon dans son quartier, notamment en offrant un tarif réduit aux résidents pour tous les spectacles de la saison) n'est étrangement pas de la même eau. La formule semble identique pourtant (l'idée d'intégrer des images du quartier de jadis, avant la construction de Radio-Canada, se révèle par exemple une brillante idée) et certaines tranches de vie poussent à la réflexion.
Ainsi, Jaqueline, l'effeuilleuse qui était l'un des premiers transsexuels du quartier, peut être perçu comme un écho de Jean-Guy, qui s'habille maintenant en femme (sauf quand il voit ses petits-enfants), croisé après le spectacle alors qu'il troquait les talons hauts pour des souliers plus confortables. On est fasciné par le travail de François qui a passé des années à traquer aux quatre coins du pays des taches de sang, charmé par le libraire du Chasseur de trésors, touché par le regard unique que pose Cybelle sur la vie malgré un passé que plusieurs qualifieraient de lourd.
Malgré cela, il y a quelque chose qui semble enrayé. Le lieu se révèle pourtant plus propice que la Cinquième salle aux confidences. On se sent au cœur même d'une communauté, indéniablement. Alors, d'où provient le malaise? Du regard posé lui-même? Du montage qui aurait eu avantage à être resserré? De l'impression de devenir voyeur? Pourtant, pas une seconde je n'ai ressenti cette impression il y a deux ans.
J'ai quitté les lieux avec une impression de rendez-vous manqué, alors que je ne demandait qu'à changer le regard que trop souvent nous posons sur notre monde.
La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
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jeudi 12 mai 2016
samedi 28 février 2015
Ennemi public: dialogues de sourds
Avons-nous perdu toute habilité à dialoguer? Oui, assurément, du moins si on en croit Ennemi public, plus récente proposition d'Olivier Choinière, Le trait est-il volontairement grossi? Peut-être un peu. Il faut néanmoins admettre que quiconque a vécu un souper de famille lors du printemps érable (celui qui vient risque d'être de la même eau) a indéniablement été témoin de cette polarisation des propos, de cette intransigeance face aux questions politiques ou sociales. On arborait carré rouge ou vert et aucun terrain d'entente ou zone intermédiaire n'était envisageable. Les échanges sur les réseaux sociaux, aujourd'hui en 2015, sont-ils plus nuancés? Bien sûr que non.
Ce qui se révèle particulièrement intéressant dans la pièce de Choinière est la façon dont il a choisi de traiter cette incommunicabilité, les voix se superposant littéralement, en une fascinante polyphonie, chaque discussion parallèle demeurant à la fois cohérente et perdant une partie de son sens considérée dans l'ensemble.
Une mère (Murielle Dutil, superbe comme toujours) et ses trois enfants (Brigitte Lafleur, Steve Laplante et Frédéric Blanchette) discutent après le repas. On abordera tous les sujets chauds de l'heure, de la tragédie du Lac Mégantic à l'affaire Magnota, de la libération de Guy Turcotte à l'intégration des immigrants ou à la théorie du complot. Chacun a son point de vue duquel il ne dérogera pas, cherche à parler plus fort que l'autre. Le spectateur doit faire un choix conscient, décider quelle voix lui semble plus pertinente, celle qu'il accompagnera - jusqu'au bout ou non -, comme il l'aurait fait dans un tel repas. Les comédiens se transforment ici en chanteurs, chaque partition étant travaillée à la fois de façon horizontale et verticale, certains légers silences permettant à l'édifice sonore de ne pas s'écrouler. L'oreille est désengorgée par des interventions auprès des deux adolescents, qui se chamaillent dans la pièce à côté pour la télécommande, souhaitant être ailleurs.
La scène sera reprise, dans l'intégralité, mais présentée autrement, grâce à un astucieux plateau tournant de Jean Bard, qui sectionne l'espace scénique en salle à manger, salon et balcon extérieur (où nous serons plus tard d'une troublante scène d'assassinat d'écureuil). Les adultes relancent à l'identique la discussion (on pourra alors choisir d'écouter une autre ligne mélodique), tandis que le garçon tente d'effrayer sa cousine, en lui racontant des extraits des films Jackass ou en lui faisant croire qu'un rat dort sous le coussin du canapé.
Aux deux-tiers de la pièce, le point de non-retour semble atteint et la scission possible au sein de la fratrie. Pourtant, on retrouve tout le monde un an plus tard, la nouvelle copine de Daniel (Amélie Grenier, truculente), une Québécoise d'ascendance polonaise particulièrement intransigeante faisant indéniablement basculer le délicat équilibre et renvoyant chaque spectateur à la notion même d'identité (nationale et personnelle), particulièrement lors de la dernière scène, aussi douloureusement nostalgique que le « Notturno » tiré des Mikrokosmos de Bartók que l'on entend.
Certains y verront une lecture cynique de notre monde. D'autres entendront l'appel à l'éveil.
Jusqu'au 21 mars au Théâtre d'Aujourd'hui.
Ce qui se révèle particulièrement intéressant dans la pièce de Choinière est la façon dont il a choisi de traiter cette incommunicabilité, les voix se superposant littéralement, en une fascinante polyphonie, chaque discussion parallèle demeurant à la fois cohérente et perdant une partie de son sens considérée dans l'ensemble.
La scène sera reprise, dans l'intégralité, mais présentée autrement, grâce à un astucieux plateau tournant de Jean Bard, qui sectionne l'espace scénique en salle à manger, salon et balcon extérieur (où nous serons plus tard d'une troublante scène d'assassinat d'écureuil). Les adultes relancent à l'identique la discussion (on pourra alors choisir d'écouter une autre ligne mélodique), tandis que le garçon tente d'effrayer sa cousine, en lui racontant des extraits des films Jackass ou en lui faisant croire qu'un rat dort sous le coussin du canapé.
Aux deux-tiers de la pièce, le point de non-retour semble atteint et la scission possible au sein de la fratrie. Pourtant, on retrouve tout le monde un an plus tard, la nouvelle copine de Daniel (Amélie Grenier, truculente), une Québécoise d'ascendance polonaise particulièrement intransigeante faisant indéniablement basculer le délicat équilibre et renvoyant chaque spectateur à la notion même d'identité (nationale et personnelle), particulièrement lors de la dernière scène, aussi douloureusement nostalgique que le « Notturno » tiré des Mikrokosmos de Bartók que l'on entend.
Certains y verront une lecture cynique de notre monde. D'autres entendront l'appel à l'éveil.
Jusqu'au 21 mars au Théâtre d'Aujourd'hui.
vendredi 9 janvier 2015
Aller au-delà...
« La peur me gaine, c’est grâce à elle que je me tiens droite. »
Marie-Christine Arbour, SchizoLa chasse à l'homme est terminée, les assassins ont eux aussi été tués. Une onde de choc secoue les médias sociaux depuis l'attentat de Charlie Hebdo. Avec raison. On incrimine, on s'insurge, on condamne. La blessure est encore trop fraîche, trop douloureuse. Il faudra prendre une certaine distance, faire très attention au prochain geste qui sera posé, par nos gouvernements, mais aussi par chacun d'entre nous. Le durcissement unilatéral des positions n'a jamais été une réponse adéquate à la folie. Prenons le temps de nous interroger.
« Il ne restait que l’amour. Que cet ineffable mystère qu’on appelle Amour – avec un grand A pour dire combien il nous dépasse – et qui ne se trouve nulle part ailleurs qu’en soi. Lorsque tout s’en vas, il reste cet Amour. Ce tronc ne casse pas sous les vents, n’est pas emporté par le temps, plutôt, il reconstitue inlassablement ses branches. »
Hélène Dorion, Recommencements
jeudi 1 janvier 2015
Une très belle année 2015!
Une très belle année 2015 à vous tous!
N'ayez pas peur d'aller au devant de la rencontre, qu'elle soit avec l'autre, avec vous-même ou une oeuvre artistique. Surtout, ne cessez pas de rêver, de voir au-delà des cases qu'on assigne trop souvent, de vouloir changer le monde... Un geste à la fois, nous y arriverons!
N'ayez pas peur d'aller au devant de la rencontre, qu'elle soit avec l'autre, avec vous-même ou une oeuvre artistique. Surtout, ne cessez pas de rêver, de voir au-delà des cases qu'on assigne trop souvent, de vouloir changer le monde... Un geste à la fois, nous y arriverons!
dimanche 26 octobre 2014
Le BusOpéra transformé en salon de barbier demain
J'aime beaucoup ces initiatives inusitées que l'Opéra de Montréal a choisi de développer autour de ses productions. Demain, Movember et l’hôtel W vous invitent à vivre « une expérience tout sauf rasante » en soutien à Movember, alors que des barbiers tailleront les moustaches des hommes se présentant au busOpéra stationné au Square Victoria, devant l’hôtel W, entre 11 h 30 à 13 h 30.
On y retrouvera aussi des chanteurs de la production Le barbier de Séville dont Étienne Dupuis qui tiendra le rôle de Figaro présentée du 8 au 17 novembre prochain et Charles Hamelin, médaillé d'or à Sotchi.
On y retrouvera aussi des chanteurs de la production Le barbier de Séville dont Étienne Dupuis qui tiendra le rôle de Figaro présentée du 8 au 17 novembre prochain et Charles Hamelin, médaillé d'or à Sotchi.
dimanche 28 septembre 2014
Changer le monde
Oui, c'est une pub, mais on l'oublie volontiers si on se laisse porter...
Changer le monde... un geste à la fois! Il faut encore y croire, non?
Changer le monde... un geste à la fois! Il faut encore y croire, non?
lundi 11 août 2014
Demain, j'achète un livre québécois
Belle initiative que celle des auteurs québécois Patrice Cazeault et Amélie Dubé. Comme ils l'expliquent dans l'énoncé de leur mission sur la page FB de l'événement,
« Une amie auteure m'a récemment fait remarquer qu'il serait facile de dynamiser le marché du livre québécois. On lit partout que la situation est précaire, que les éditeurs en arrachent et que les auteurs ne vendent plus. Facile, me confie mon amie, on n'a qu'à acheter plus de livres!
Oh, si ce n'est que ça! Réglons le problème maintenant!
Donc, le 12 août, je me déplace chez mon libraire préféré et j'achète un livre québécois. Si je ne trouve pas celui que je veux? Je le commande. S'ils ne peuvent pas me le commander? Je fais une crise. Ou je l'achète en numérique, tiens. »
Je serai assurément chez Olivieri (comme si j'avais besoin d'une raison pour y faire un tour!), ma librairie indépendante préférée. Aucune crise potentielle à craindre. Qu'en rapporterai-je? Là est la question...
Mon amie Venise parle fort bien de l'événement ici...
samedi 9 août 2014
mardi 29 juillet 2014
Communauté
Il y a ceux qui aiment les grandes villes et ceux qui préfèrent la campagne. Les rats des villes et les rats des champs. Je suis indéniablement une fleur de béton, mais j'accepterais sans peine de passer quelques mois loin de l'agitation, des spectacles, chaque été, surtout face à la mer. Certains qui habitent dans des villages aiment cette proximité avec le voisin, que l'on croise à la poste, à l'épicerie, au casse-croûte. L'impression de collaborer à une histoire collective, faite de riens qui s'accumulent, pourtant qui finissent par faire sens.
Anthony Quinn - Zorba The Greek (Short Dance... par STARDUST72
Comment faire pour retrouver ce sentiment de communauté quand on habite une métropole? Dans certains quartiers, des résidents aménageront des ruelles vertes, y organiseront périodiquement des soirées, les enfants circuleront de chez l'un à l'autre sans apparentes frontières. Un rêve difficile à réaliser pour plusieurs. On peut aussi se bâtir une communauté autour d'une cause par exemple. Elle peut aussi se définir de façon plus insidieuse, à travers une série de gestes partagés ou pratiqués côte à côte. Est-il nécessaire de connaître la vie de la dame qui fait du yoga à côté de vous chaque jeudi, de cet homme qui, chaque mardi, aligne les longueurs de piscine? Non. Avez-vous néanmoins pris conscience de son existence, y jetez-vous un regard sinon intéressé, du moins pas désabusé? Peut-être bien.
Je me suis remis à l'exercice à l'automne, par choix, par nécessité, par volonté de retrouver celle d'avant, qui pouvait courir après un ballon de soccer pendant 90 minutes, pour réaliser aussi que je ne suis plus qu'un cerveau et ce, même si je jongle avec des concepts parfois flous au quotidien, que je parle une langue que certains qualifieraient de morte (la musique classique), que j'aime être confrontée par les expériences artistiques. Je me suis inscrite à un gym de quartier, tout petit, tenu par et pensé pour des femmes. Zéro testostérone, une certaine attention aux détails, un sourire franc quand on passait la porte.
Quelques mois après, il a fait faillite. Pendant un mois, j'ai tourné en rond, avec toute cette énergie qui ne pouvait être dissipée dans le geste - ou pas assez. L'offre dans le quartier n'était pas exceptionnelle, mais il y avait ce grand centre communautaire, juif. Une ancienne copine de gym s'y était inscrit, m'avait vanté l'éventail de cours, l'horaire modulable. Je me suis dit que, oui, peut-être... La première semaine, j'étais perdue. Trop grand, trop de monde, je ne savais pas comment m'inscrire dans la masse. Mais il y avait les profs, certains exceptionnels. Pas nécessairement parce qu'ils réussissent à vous sculpter un corps en trois coups de couteau (ou de fouet). Plutôt parce qu'ils aiment sans contredit leur boulot.
J'ai été chanceuse. Le premier cours de zumba que j'ai suivi là-bas était donné par Carole: un sourire aussi lumineux que le soleil, une peau de miel, une voix qui vous encourage après chaque chanson (« Mais oui! Bravo, bravo! ») et une musicalité certaine. Facile pour moi de comprendre où s'en va le geste quand il semble couler de source, que la séquence de mouvements n'a pas besoin d'être analysée, qu'elle peut simplement être ressentie, que les pieds se calent naturellement aux temps forts. Il n'y a qu'elle pour passer dans un même cours d'Elvis à du hip-hop un brin salance, du disco bonbon à la salsa, pour réussir à me faire danser sur du country en rigolant.
Au début, je me suis concentrée sur la matière transmise, puis me suis mise à prendre conscience des gens qui m'entouraient, pas toujours les mêmes certes, mais quand même: des personnalités qui s'épanouissent tant qu'on choisit de les observer. Au début, j'étais un peu déstabilisée de voir certaines juives orthodoxes arriver en cours couvertes des pieds à la tête ou presque. J'ai rapidement occulté les superpositions de textures pour me concentrer sur un sourire absolument éblouissant, sur la voix d'une dame d'un certain âge qui chante à tue-tête Let's Get Loud de Jennifer Lopez. J'ai espéré que cette joie qu'elles me transmettaient faisait partie de leur quotidien, que le cours ne servait pas que d'exutoire. Il y aussi cet homme qui semble conçu à partir de ressorts, toujours prêt à bondir. Cet autre qui hurle sa joie après chaque chanson dansée. (Il me manque...Est-il en vacances? Malade?) Il y a cette dame d'au moins 80 ans aux tenues coordonnées que n'aurait pas renié Jane Fonda, qui bouge à son rythme, mais qui bouge sans jamais s'arrêter. J'espère disposer d'une telle énergie quand j'aurai son âge. Ce jeune homme de 18 ou 20 qui accompagne son amie en cours, même si peu d'hommes osent danser la zumba au milieu de trente femmes.
Au début, je me suis concentrée sur la matière transmise, puis me suis mise à prendre conscience des gens qui m'entouraient, pas toujours les mêmes certes, mais quand même: des personnalités qui s'épanouissent tant qu'on choisit de les observer. Au début, j'étais un peu déstabilisée de voir certaines juives orthodoxes arriver en cours couvertes des pieds à la tête ou presque. J'ai rapidement occulté les superpositions de textures pour me concentrer sur un sourire absolument éblouissant, sur la voix d'une dame d'un certain âge qui chante à tue-tête Let's Get Loud de Jennifer Lopez. J'ai espéré que cette joie qu'elles me transmettaient faisait partie de leur quotidien, que le cours ne servait pas que d'exutoire. Il y aussi cet homme qui semble conçu à partir de ressorts, toujours prêt à bondir. Cet autre qui hurle sa joie après chaque chanson dansée. (Il me manque...Est-il en vacances? Malade?) Il y a cette dame d'au moins 80 ans aux tenues coordonnées que n'aurait pas renié Jane Fonda, qui bouge à son rythme, mais qui bouge sans jamais s'arrêter. J'espère disposer d'une telle énergie quand j'aurai son âge. Ce jeune homme de 18 ou 20 qui accompagne son amie en cours, même si peu d'hommes osent danser la zumba au milieu de trente femmes.
Il y a quelques semaines, moi aussi, j'ai commencé à sourire de façon gratuite à certaines, entre deux chansons, pendant que je prends une gorgée d'eau. La semaine dernière, une est tombée à la renverse, à deux rangées de moi. A-t-elle eu un malaise? A-t-elle été encombrée par une autre? J'avais bien remarqué combien elle semblait prendre son entraînement au sérieux, ayant même investi récemment dans l'achat de quelques tenues plus adaptées. Elle est partie du cours et toute la semaine, je me suis inquiétée. Hier matin, elle était à mes côtés et je me suis dit que, cette fois, si quelqu'un lui mettait des bâtons dans les roues, elle aurait affaire à moi. Quand, comme dernière chanson avant l'étirement, Carole nous a proposé la sirtaki de Zorba le grec et que, pleines de sueur, toutes n'ont pourtant pas hésité à se mettre en ligne, à répéter les pas, toujours plus rapidement, je me suis dit qu'au fond, si on ne choisit pas sa famille, on peut peut-être bien s'inventer une communauté.
Anthony Quinn - Zorba The Greek (Short Dance... par STARDUST72
mardi 17 juin 2014
Euphorie: portrait de femme(s)
Comment dire la jeune femme d'aujourd'hui? Est-elle au fond si différente de ses aînées? Quelles sont les thématiques qui l'interpellent, les choix qui la déchirent, les liens qu'elle peine à nommer? Euphorie de Marie-Noëlle Doucet-Paquin, présenté au Fringe ces jours-ci, puise dans l'essence même de la féminité, non pas pour en extraire une définition, geste inutile s'il en est un, mais pour en tirer un portrait en plusieurs temps, articulé autour de monologues complémentaires que se partagent cinq comédiennes.
La force de ce texte, souvent rimé, fortement porté par la rythmique du slam et les interrogations du spoken word, réside en effet dans ce sentiment inclusif qui s'en dégage. Il sera question de désir, de maternité (« raccommoder mon passé troué avant de tisser un futur à donner »), du lien avec le père (un moment d'une grande beauté, livré avec un troublant aplomb par Catherine-Audrey Lachapelle), de la difficulté à dire non, des compromis acceptés par peur de se retrouver (et de mourir) seule, du désir (a-t-on absolument du regard d'un autre sur soi-même pour s'aimer?), de cette propension que nous avons à vouloir tout faire (on aurait pu ici se passer de la représentation directe de la femme-pieuvre, mais le costume est délirant et Cassandre Émanuel bouleverse quand elle se fissure devant nous), de cette nécessité finalement de pouvoir se fier sur son cercle d'amies, de faire partie d'une communauté qui pose des gestes concrets de soutien à ses membres (ne devrait-on pas en effet « se protéger les uns les autres plutôt que les uns des autres »?)
Les danses mécaniques qui ponctuent ou accompagnent les monologues semblent au départ légèrement décalées, mais finissent par nous rappeler que nous ne sommes bien souvent que rouages d'une machine qui nous avale si on n'y porte pas attention. Marie-Noëlle Doucet-Paquin signe ici un premier texte des plus pertinents, souvent porté par une langue riche, poétique sans être engoncée. (On pardonnera l'intégration de quelques clichés et rimes faciles, qui seront peut-être gommés au fil de représentations subséquentes.) Le tout est porté avec une égale conviction par les cinq comédiennes (Pascale Brunet, Sarah Dionne, Johanne Ductan-Petit, Cassandre Émanuel et Catherine-Audrey Lachapelle), autant de facettes d'une même femme, autant de femmes d'une même communauté.
Vous pouvez encore vous glisser en salle, jeudi, vendredi et samedi. Détails ici...
La force de ce texte, souvent rimé, fortement porté par la rythmique du slam et les interrogations du spoken word, réside en effet dans ce sentiment inclusif qui s'en dégage. Il sera question de désir, de maternité (« raccommoder mon passé troué avant de tisser un futur à donner »), du lien avec le père (un moment d'une grande beauté, livré avec un troublant aplomb par Catherine-Audrey Lachapelle), de la difficulté à dire non, des compromis acceptés par peur de se retrouver (et de mourir) seule, du désir (a-t-on absolument du regard d'un autre sur soi-même pour s'aimer?), de cette propension que nous avons à vouloir tout faire (on aurait pu ici se passer de la représentation directe de la femme-pieuvre, mais le costume est délirant et Cassandre Émanuel bouleverse quand elle se fissure devant nous), de cette nécessité finalement de pouvoir se fier sur son cercle d'amies, de faire partie d'une communauté qui pose des gestes concrets de soutien à ses membres (ne devrait-on pas en effet « se protéger les uns les autres plutôt que les uns des autres »?)
Les danses mécaniques qui ponctuent ou accompagnent les monologues semblent au départ légèrement décalées, mais finissent par nous rappeler que nous ne sommes bien souvent que rouages d'une machine qui nous avale si on n'y porte pas attention. Marie-Noëlle Doucet-Paquin signe ici un premier texte des plus pertinents, souvent porté par une langue riche, poétique sans être engoncée. (On pardonnera l'intégration de quelques clichés et rimes faciles, qui seront peut-être gommés au fil de représentations subséquentes.) Le tout est porté avec une égale conviction par les cinq comédiennes (Pascale Brunet, Sarah Dionne, Johanne Ductan-Petit, Cassandre Émanuel et Catherine-Audrey Lachapelle), autant de facettes d'une même femme, autant de femmes d'une même communauté.
Vous pouvez encore vous glisser en salle, jeudi, vendredi et samedi. Détails ici...
vendredi 4 avril 2014
Étiquette 101
Je suis à 100 % pour la démocratisation de l'art et salue haut et fort toutes les initiatives qui permettent de le déplacer dans un lieu autre, plus accessible, comme ces concerts de musique classique dans les cafés (le Poisson rouge de New York a très bien compris la tendance), ces lectures de poésie sur les places publiques (encore trop peu fréquentes) ou des initiatives qui exigent une participation active du spectateur (comme Bells 13, par exemple, ou le Spa philosophique qui sera proposé par le FTA cette année). Par contre, quand le quidam fait le choix d'une expérience théâtrale ou musicale dans un lieu disons plus « encadré », je m'attends à ce que certaines règles de simple bienséance soient respectées.
Trois discordances en une même semaine me poussent ici à prendre la parole, toutes liés de près ou de loin à un usage abusif du cellulaire. Si l'écoute a été étonnante tout au long du spectacle du Cloud Dance Theatre, on n'aura certes pas pu en dire autant lors du post scriptum, un (assez) long segment pendant lequel un des interprètes dessinait une série de cercles concentriques avec un râteau. La dame devant nous ne pouvait-elle vraiment pas attendre pour consulter son FB? Avait-on besoin à ce moment précis de cette pollution visuelle, alors que nous venions de participer à quelque chose qui se rapprochait de la méditation?
Déjà, la veille, nous avions failli faire la peau à un charmant (hum...) technophile qui avait passé la représentation de Norman à texter et/ou vérifier ses courriels. Oui, il penchait un peu son écran, pensant contenir une partie de l'émission lumineuse sans doute, mais il n'avait pas réalisé que, juchés quelques centimètres au-dessus de lui, nous pouvions suivre le moindre de ses sursauts téléphoniques. Ma voisine, complètement excédée bien évidemment (le spectacle était tout sauf ennuyeux), lui a vertement (mais poliment) fait la leçon en sortant. Il l'a regardée façon piteuse. Le message est-il passé? Sa capacité de rétention a-t-elle fait qu'il a tout oublié une fois sorti dans la salle? Mystère...
Cela n'était rien par rapport à ce qui s'était passé la semaine précédente lors du concert du LA Phil à la Maison symphonique, lieu à l'acoustique exceptionnelle, un froissement de mouchoir pouvant y prendre une tangente exponentielle. La salle était bien évidemment bondée et nous avons été surpris, mon ami et moi, de constater que deux places étaient demeurées libres à côté de nous. Nous avons avancé en rigolant - mais n'y croyant pas vraiment - que les personnes, sans doute âgées (stéréotypes, quand vous nous tenez!) avaient eu peur d'écouter la Première Symphonie de Corigliano, une oeuvre composée - gasp! - en 1989, donc certainement inécoutable. (Le souvenir de cette interprétation restera dans mon panthéon, comme la lecture qu'avait tiré de cette poignante symphonie Jacques Lacombe et l'OSM en 2004.) Eh bien, nous avons été déjoués. En effet, après l'entracte, un couple est apparu à nos côtés: jeune trentaine, bien habillé, fort excité de se retrouver là semble-t-il (ou tout simplement émoustillé par le premier segment de sa soirée). Cela a pris peut-être six secondes avant que le cellulaire de madame ne soit dégainé et qu'une dizaine de selfies soit pris. Sourire de monsieur, moue sexy de madame, cheveux balayés vers l'arrière, mettons-nous en scène. Impossible d'attendre bien sûr pour se connecter sur FB et Twitter (et sans doute Instagram, Pinterest, alouette...) Partageons, partageons...
Les lumières se tamisent. Nous en sommes tout au plus à la réexposition du premier mouvement de la symphonie de Tchaïkovski au programme (qui aura été certes moins mémorable que celle de Corigliano). Une petite soif de madame, qui a pensé à tout. Elle extirpe la bouteille de plastique de son sac à main (froissement du contenant dans la main bijoutée), en avale une gorgée (crissement - à peine perceptible pense-t-elle sans doute - de la bouteille). En parfaite hôtesse, elle en propose même à monsieur (évidemment pas dans la section fortissimo, cela aurait été trop aimable). Une fois rafraîchis, les tourtereaux peuvent poursuivre leur exploration, non pas du répertoire symphonique, mais du corps de l'autre. Quoique prétendent certains critiques montréalais, la salle n'est jamais entièrement dans le noir à la Maison symphonique et, hum, disons que côté intimité pour se rouler un patin, on repassera (et tout cela pour un billet dont le coût valait 8 ou 10 sorties au cinéma!). Une fois la dernière note déposée, incapable d'applaudir, mon ami s'est tourné vers moi, excédé: « Ce n'est pas la Cinquième de Tchaïkovski que nous venons d'entendre, mais l'ouverture-fantaisie Roméo et Juliette! » Une semaine après, il n'en était toujours pas revenu. (Précisons ici que, non, il n'a aucun cheveu gris, car il fait partie de la génération C, née avec une compréhension instinctive de la technologie.)
Devrait-on demander au public de déposer son cellulaire au vestiaire? Devrions-nous intégrer un segment étiquette de concert au milieu des mises en garde au sujet des cellulaires au début de spectacle? Doit-on accepter que notre monde est devenu si individualiste que nous en avons oublié comment vivre en société? Dois-je cesser de fréquenter théâtres et salles de concert? Suis-je vraiment si vieux jeu? Autant de questions pour l'instant sans réponses. Mon téléphone intelligent les connaît peut-être, lui...
Trois discordances en une même semaine me poussent ici à prendre la parole, toutes liés de près ou de loin à un usage abusif du cellulaire. Si l'écoute a été étonnante tout au long du spectacle du Cloud Dance Theatre, on n'aura certes pas pu en dire autant lors du post scriptum, un (assez) long segment pendant lequel un des interprètes dessinait une série de cercles concentriques avec un râteau. La dame devant nous ne pouvait-elle vraiment pas attendre pour consulter son FB? Avait-on besoin à ce moment précis de cette pollution visuelle, alors que nous venions de participer à quelque chose qui se rapprochait de la méditation?
Déjà, la veille, nous avions failli faire la peau à un charmant (hum...) technophile qui avait passé la représentation de Norman à texter et/ou vérifier ses courriels. Oui, il penchait un peu son écran, pensant contenir une partie de l'émission lumineuse sans doute, mais il n'avait pas réalisé que, juchés quelques centimètres au-dessus de lui, nous pouvions suivre le moindre de ses sursauts téléphoniques. Ma voisine, complètement excédée bien évidemment (le spectacle était tout sauf ennuyeux), lui a vertement (mais poliment) fait la leçon en sortant. Il l'a regardée façon piteuse. Le message est-il passé? Sa capacité de rétention a-t-elle fait qu'il a tout oublié une fois sorti dans la salle? Mystère...
Les lumières se tamisent. Nous en sommes tout au plus à la réexposition du premier mouvement de la symphonie de Tchaïkovski au programme (qui aura été certes moins mémorable que celle de Corigliano). Une petite soif de madame, qui a pensé à tout. Elle extirpe la bouteille de plastique de son sac à main (froissement du contenant dans la main bijoutée), en avale une gorgée (crissement - à peine perceptible pense-t-elle sans doute - de la bouteille). En parfaite hôtesse, elle en propose même à monsieur (évidemment pas dans la section fortissimo, cela aurait été trop aimable). Une fois rafraîchis, les tourtereaux peuvent poursuivre leur exploration, non pas du répertoire symphonique, mais du corps de l'autre. Quoique prétendent certains critiques montréalais, la salle n'est jamais entièrement dans le noir à la Maison symphonique et, hum, disons que côté intimité pour se rouler un patin, on repassera (et tout cela pour un billet dont le coût valait 8 ou 10 sorties au cinéma!). Une fois la dernière note déposée, incapable d'applaudir, mon ami s'est tourné vers moi, excédé: « Ce n'est pas la Cinquième de Tchaïkovski que nous venons d'entendre, mais l'ouverture-fantaisie Roméo et Juliette! » Une semaine après, il n'en était toujours pas revenu. (Précisons ici que, non, il n'a aucun cheveu gris, car il fait partie de la génération C, née avec une compréhension instinctive de la technologie.)
Devrait-on demander au public de déposer son cellulaire au vestiaire? Devrions-nous intégrer un segment étiquette de concert au milieu des mises en garde au sujet des cellulaires au début de spectacle? Doit-on accepter que notre monde est devenu si individualiste que nous en avons oublié comment vivre en société? Dois-je cesser de fréquenter théâtres et salles de concert? Suis-je vraiment si vieux jeu? Autant de questions pour l'instant sans réponses. Mon téléphone intelligent les connaît peut-être, lui...
mardi 11 mars 2014
Le héros de mon enfance
Oui, bien sûr, il est de bon ton d'affirmer que notre père reste le héros de notre enfance. Si je lui voue un amour inconditionnel, notamment parce qu'il m'a ouvert les portes de la bibliothèque, m'y amenant toutes les semaines sans jamais rechigner (il était lui-même un lecteur vorace), et que mon parcours professionnel n'est pas si éloigné du sien (il a été lui-même journaliste et rédacteur en chef de publications), un autre homme a fait battre mon petit cœur dès l'école primaire. Non, ce n'était pas le propriétaire du dépanneur chez qui j'aurais pu m'approvisionner en bonbons. (Je n'en mangeais pas alors et toujours pas aujourd'hui.) C'était plutôt le facteur, qui livrait le courrier à midi pile, à l'heure à laquelle je rentrais chez moi. Je guettais son passage avec impatience, car il était l'être suprême, celui qui livrait les lettres de mes correspondantes.
J'ai bien sûr depuis réalisé que mes parents ne devaient pas être aussi transportés de joie lors de son passage, puisqu'il leur remettait sans nul doute des factures. (Passablement, plus prosaïque comme relation!) Aujourd'hui d'ailleurs, je préfère de beaucoup recevoir ces dernières par courriel. Il faut quand même les payer, mais au moins, cela libère la boîte aux lettres d'interférences fort peu agréables. Certes, je ne reçois presque plus de lettres, écrites sur un papier à lettres magnifique (j'en ai fait collection pendant des années et ai même rêvé avec ma coloc de l'université d'ouvrir une papeterie, c'est dire...). Tout au plus ai-je parfois la surprise d'une carte d'anniversaire (et encore, elles aussi me parviennent généralement par voie électronique), de Noël ou, si je suis vraiment chanceuse, d'une carte postale que je pourrai punaiser sur mon babillard pendant quelques semaines.
Néanmoins, le facteur est encore mon héros - et je le salue toujours quand je le croise sur la rue, même si je peine à trouver une logique quelconque à son horaire depuis quelque temps -, car il me livre parfois des colis qui ont franchi des kilomètres avant de me parvenir (j'ai des amis qui croient encore en la magie des paquets lors des anniversaires), mais surtout des livres! C'est toujours un plaisir d'ouvrir ces emballages bruns, même si je sais souvent ce qu'ils contiennent, demande de services de presse pour les collaborateurs de La Recrue du mois oblige. Je sais aussi que, deux jours, une semaine après, un ami viendra fouiner dans ma bibliothèque pour voir quels nouveaux livres se seront ajoutés à l'étagère dédiée aux services de presse et que, quelques instants, il laissera courir ses doigts sur les couvertures, lira l'exergue ou un passage au hasard, souvent à haute voix, me confirmera que, même si nous vivons en cette ère du numérique, l'objet continue d'interpeller, de vouloir être humé, caressé, manipulé.
Quand j'ai su que, d'ici quelques années, les facteurs allaient disparaître, j'en ai ressenti une profonde tristesse. N'aurais-je pas dû leur dire avant combien je les aimais, combien j'étais jalouse au fond de leurs privilèges d'« hommes (et de femmes) de lettres »?
Photo: Olivier Pontbriand, La Presse |
J'ai bien sûr depuis réalisé que mes parents ne devaient pas être aussi transportés de joie lors de son passage, puisqu'il leur remettait sans nul doute des factures. (Passablement, plus prosaïque comme relation!) Aujourd'hui d'ailleurs, je préfère de beaucoup recevoir ces dernières par courriel. Il faut quand même les payer, mais au moins, cela libère la boîte aux lettres d'interférences fort peu agréables. Certes, je ne reçois presque plus de lettres, écrites sur un papier à lettres magnifique (j'en ai fait collection pendant des années et ai même rêvé avec ma coloc de l'université d'ouvrir une papeterie, c'est dire...). Tout au plus ai-je parfois la surprise d'une carte d'anniversaire (et encore, elles aussi me parviennent généralement par voie électronique), de Noël ou, si je suis vraiment chanceuse, d'une carte postale que je pourrai punaiser sur mon babillard pendant quelques semaines.
Néanmoins, le facteur est encore mon héros - et je le salue toujours quand je le croise sur la rue, même si je peine à trouver une logique quelconque à son horaire depuis quelque temps -, car il me livre parfois des colis qui ont franchi des kilomètres avant de me parvenir (j'ai des amis qui croient encore en la magie des paquets lors des anniversaires), mais surtout des livres! C'est toujours un plaisir d'ouvrir ces emballages bruns, même si je sais souvent ce qu'ils contiennent, demande de services de presse pour les collaborateurs de La Recrue du mois oblige. Je sais aussi que, deux jours, une semaine après, un ami viendra fouiner dans ma bibliothèque pour voir quels nouveaux livres se seront ajoutés à l'étagère dédiée aux services de presse et que, quelques instants, il laissera courir ses doigts sur les couvertures, lira l'exergue ou un passage au hasard, souvent à haute voix, me confirmera que, même si nous vivons en cette ère du numérique, l'objet continue d'interpeller, de vouloir être humé, caressé, manipulé.
Quand j'ai su que, d'ici quelques années, les facteurs allaient disparaître, j'en ai ressenti une profonde tristesse. N'aurais-je pas dû leur dire avant combien je les aimais, combien j'étais jalouse au fond de leurs privilèges d'« hommes (et de femmes) de lettres »?
lundi 24 février 2014
La littérature et l'estomac
« L'ombre de la France serait-elle si pesante qu'elle nous empêche d'écrire en toute liberté? N'avons-nous pas encore compris qu'il y a longtemps que la langue française est devenue une langue détachée de la France, et que sa vitalité est également assurée par des créateurs venus des cinq continents? Le poète et historien congolais Théophile Obenga soulignera d'ailleurs, dans un poème en hommage à Aimé Césaire, l'état d'esprit de l'auteur africain au regard de la langue des anciens maîtres: "Les mots sont les leurs, mais le chant est le nôtre." »
Alain Mabanckou, Le sanglot de l'homme noir
Dans ce livre, Mabanckou propose une série de réflexions sur l'africanité, mais aussi sur la littérature africaine ou les perceptions identitaires diverses entretenues par les Africains et les Afro-américains. Dans une série de chapitres indépendants, l'auteur congolais, maintenant installé aux États-Unis, revient aussi bien sur ses années d'étude à Nantes et à Paris que sur une amusante - et troublante - rencontre avec un autre Africain dans une salle de gym. Des pistes de réflexions nuancées, refusant tout dogmatisme.
mardi 28 janvier 2014
Février mois de l'histoire des Noirs
« Aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès. »Cette phrase toujours actuelle, tirée du discours d'investiture de Nelson Mandela, sert de moteur à la 23e édition de la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs. Du 1er au 28 février, près de 200 spectacles, expositions, conférences et projections seront offertes dans le cadre de cet événement dont les porte-paroles sont cette année Kim Richardson (éblouissante dans Ain't Misbehavin' à l'automne) et Gardy Fury, chanteur, compositeur, réalisateur, auteur et acteur (que l'on peut voir ces jours-ci dans un rôle de chef de gang dans Les jeunes loups).
C'est en voyant ce dernier dans la salle lors de la première de Porgy and Bess que j'ai eu envie de faire sur ce blogue un mini-challenge « Histoire des Noirs ». J'essaierai au cours du prochain mois de traiter de livres écrits par des auteurs noirs (tant africains qu'haïtiens) ou abordant la cause noire et de parler le cas échéant de productions, expositions, albums ou films mettant en lumière les réalisations des communautés noires.
En amuse-bouche, la relecture black du hit de Daft Punk, Get lucky, un des grands moments de la soirée des Grammys dimanche.
Vous souhaitez vous aussi y participer? Laissez-moi un message ici et je relaierai vos billets.
vendredi 6 décembre 2013
Marathon d'écriture Amnistie internationale
Écrire, ça libère! Amnistie internationale Canada francophone (AICF) organise 30 marathons d’écriture dans plusieurs villes du Québec et vous invite à écrire des messages de solidarité aux victimes de droits humains afin de leur redonner espoir.
À Montréal, vous pourrez vous joindre au Marathon d’écriture demain 7 décembre de 11 h à 18 h à la Maison du développement durable et signifier aux personnes victimes d'injustices qu’on ne les oublie pas, par le biais d’un message, d’une lettre, d’un dessin. Un lien solidaire et de réconfort en faveur des droits et libertés dans le monde entier.
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À Montréal, vous pourrez vous joindre au Marathon d’écriture demain 7 décembre de 11 h à 18 h à la Maison du développement durable et signifier aux personnes victimes d'injustices qu’on ne les oublie pas, par le biais d’un message, d’une lettre, d’un dessin. Un lien solidaire et de réconfort en faveur des droits et libertés dans le monde entier.
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lundi 21 octobre 2013
Habermas contre la laïcité québécoise stricte
Dans son Devoir de philo de l'édition d'avant-hier, Le Devoir propose une analyse fort éclairée et éclairante de Marco Jean, professeur de philosophie au Cégep St-Laurent qui s'appuie sur la pensée de Jürgen Habermas, pour offrir un point de vue nuancé sur l'épineuse question de la laïcité québécoise. (Encore hier, j'étais engagée dans une discussion qui aurait pu devenir véhémente sur le sujet, qui semble faire perdre tout sens de réserve, même aux plus sensés.)
Selon le philosophe allemand, qui s'est beaucoup penché sur la question de la religion au cours des dernières années dans son travail, l'État « ne doit pas se montrer neutre en bannissant tous les symboles religieux mais en accordant à tous la possibilité de les afficher ».
À lire ici...
Selon le philosophe allemand, qui s'est beaucoup penché sur la question de la religion au cours des dernières années dans son travail, l'État « ne doit pas se montrer neutre en bannissant tous les symboles religieux mais en accordant à tous la possibilité de les afficher ».
À lire ici...
lundi 16 septembre 2013
Cirque d'un nouveau monde
Quel beau projet! Demain, mardi à 20 h, à la Maison de la culture Frontenac, la fanfare Pourpour et 36 enfants de l’école Champlain se retrouveront sur scène pour interpréter les musiques et chansons qu’ils ont composées ensemble. Ce spectacle gratuit est le fruit des ateliers de création en musique et en écriture que la fanfare Pourpour mène depuis 2010 auprès des enfants de 4e et 5e années de l’école Champlain dans le quartier Centre-Sud dans le cadre du projet Bal de l’Avenir. Un disque rassemblant quatre chansons écrites en atelier sera lancé à cette occasion.
De plus, une grand parade de rue aura lieu le jeudi 19 septembre, à 14 h pour célébrer la rentrée scolaire, avec 200 enfants des écoles Champlain, Garneau, Marguerite-Bourgeoys, Saint-Anselme, Jean-Baptiste Meilleur et Pierre-Dupuy, des acrobates de 321 Cirque ainsi que des enseignants, parents, amis et voisins. Une équipe de journalistes en herbe formée par des élèves de l’école Garneau couvrira l’événement via des reportages écrits et radio.
De plus, une grand parade de rue aura lieu le jeudi 19 septembre, à 14 h pour célébrer la rentrée scolaire, avec 200 enfants des écoles Champlain, Garneau, Marguerite-Bourgeoys, Saint-Anselme, Jean-Baptiste Meilleur et Pierre-Dupuy, des acrobates de 321 Cirque ainsi que des enseignants, parents, amis et voisins. Une équipe de journalistes en herbe formée par des élèves de l’école Garneau couvrira l’événement via des reportages écrits et radio.
dimanche 8 septembre 2013
World Press Photo 2013
« J’ai photographié toute cette guerre horrible. Avec mes appareils, j’ai fixé une souffrance inconcevable, un courage inconcevable, une lâcheté inconcevable. J’ai fixé ce qu’est réellement la guerre : quelque chose d’inconcevable. Une souffrance si grande, si constante, si diabolique qu’une cathédrale comme celle de Chartres devrait ployer sous poids. Et s’écrouler de honte. »C'est en ces termes que s'exprime le personnage de Robert Capa, mythique photojournaliste, dans la pièce de théâtre Des jours et des nuits à Chartres d'Henning Mankell, récit lucide mais non dépourvu de tendresse de la mise au ban de Simone, au cœur de cette photo célèbre.
Le World Press Photo, c'est un peu ça: une série d'histoires, parfois politiques, parfois instants volés au quotidien, tantôt spectaculaires, tantôt d'une troublante intimité. Presque toujours humaines (sauf les photos présentées dans le cadre des catégories « nature ».) Terriblement humaines. Parce que, oui, même si les journaux télévisés et les manchettes des quotidiens nous saturent la rétine d'images violentes, d'hommes qui sont propulsés dans les airs après avoir mis le pied sur une grenade, d'enfants mutilés attendant que quelqu'un daigne les soigner, on a encore besoin de voir, de comprendre, de ressentir, d'être bousculé. Plus de 5 500 photographes professionnels ont transmis plus de 100 000 photos, prises dans 124 pays, au jury de l'édition 2013.
Comment ne pas être bouleversé par la photo gagnante, prise par le Suédois Paul Hansen à Gaza lors des funérailles de Suhaib (deux ans) et Muhammad (presque quatre ans) Hijazi, fauchés alors que leur maison a été détruite par une frappe israélienne en novembre dernier? (Le père a aussi été tué et la mère gravement blessée.)
Photo: Paul Hansen |
Dans un registre entièrement autre (toutes les photos sont cliquables), on ne peut que recevoir en pleine tronche la puissance de cette course de taureaux Pacu Jawi, prise en Indonésie par le Malaisien Wei Seng Chen.
Photo: Wei Seng Chen |
Comment oublier ces photos de l'équipe de basketball féminin en Somalie, alors que les femmes risquent leur vie pour pratiquer leur sport (Jan Grarup),
photo: Jan Grarup |
ces portraits de couples homosexuels vietnamiens vivant encore et toujours dans la marginalité (la série Le choix rose de Maika Elan),
Photo: Maika Elan |
le reportage sur les prostituées immigrantes qui travaillent dans des parcs en périphérie de Rome (Paolo Patrizi)
Photo: Paolo Patrizi |
ou encore l'histoire de Mirella qui, après avoir été mariée pendant 40 ans à Luigi, a choisi de s'occuper de lui pendant six ans, jusqu'à ce qu'il perde sa bataille contre la maladie d'Alzheimer (Fausto Podavini).
Photo: Fausto Podavini |
On peut voir ces photos sur le site du World Press Photo, mais on les ressent différemment quand on les voit en grand format, articulées autour de thématiques. Au deuxième palier de la salle du Marché du Bonsecours, on pourra aussi découvrir les photos lauréates de la 5e édition du Concours international de photoreportages sur les droits de la personne Anthropographia, ainsi que de très beaux portraits de femmes du Burkina Faso, croqués par Émilie Régnier.
Des activités sont proposées en périphérie de l'événement au Centre Phi, dont la projection du magnifique film d'Helen Doyle Dans un océan d'images (présenté lors du dernier FIFA) le 11 septembre à 18 h 30 et deux soirées multimédia avec le légendaire Larry Towell les 12 et 13 septembre. (Ce dernier offrira aussi un atelier aux professionnels le 14 septembre.)
Tous les détails ici.
vendredi 23 août 2013
Trop jeunes pour le mariage
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© Tehani et Ghada mariées à l’âge de 6 ans. Trop jeunes pour le mariage, exposition de photos de Stephanie Sinclair, Agence VII |
Qu'elles aient 6 ou 15 ans ne change rien à la donne. Que l'on invoque le respect des traditions non plus. Il faut ouvrir les yeux sur ce phénomène troublant et initier un mouvement de changement. Samia Shariff, auteure de Le voile de la peur et Les femmes de la honte, qui a réussi à fuir au Canada en 2001, après avoir été mariée de force à 15 ans à un homme plus âgé, a livré un témoignage poignant lors de la conférence de presse tenue en ouverture de l'exposition Trop jeunes pour le mariage, présentée gratuitement jusqu'au 29 septembre au Gesù.
« Je l'ai haï dès le premier soir, je voulais m'enfuir, mourir. On reste blessée à vie. Je voudrais qu'il y ait une loi internationale et que quiconque marie un enfant, avec ou sans son consentement, soit puni. »
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© Nujood 12 ans (Yémen). Trop jeunes pour le mariage, exposition de photos de Stephanie Sinclair, Agence VII/tooyoungtowed.org |
Deux films seront également projetés gratuitement au Gesù dans le cadre de l'exposition: 475: Quand le mariage devient un châtiment du Marocain Nadir Bouhmouch (11 septembre) et La source des femmes de Radu Mihaileanu (28 septembre).
On peut consulter le site web de l'exposition ici...
jeudi 18 juillet 2013
Lire à la mer
Pas besoin de partir avec un sac rempli de livres quand on passe ses vacances à la plage d'Albena en Bulgarie. En effet, l'architecte autrichien Hermann Kompernas y a dessiné la première bibliothèque de plage d'Europe, un meuble loin de 12 mètres qui protège les livres de l'humidité et du vent.
Plus de 3000 livres, en 10 langues (dont le français bien sûr), peuvent être empruntés par les vacanciers. Vous pouvez aussi y déposer vos livres, une fois ceux-ci terminés. Une belle idée à adopter... ou adapter!
Plus de 3000 livres, en 10 langues (dont le français bien sûr), peuvent être empruntés par les vacanciers. Vous pouvez aussi y déposer vos livres, une fois ceux-ci terminés. Une belle idée à adopter... ou adapter!
Photo: L'Express |
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