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jeudi 5 mars 2015

La maison près du lac: inoubliable

Peut-on encore parler de l'Holocauste sans tomber dans un vocabulaire convenu, galvaudé, éculé? Il suffit de voir La maison près du lac des marionnettistes Yaël Rasooly et Yaara Goldring pour s'en convaincre.

Trois sœurs, la grande (Maya Kinder), la moyenne (Yaël Rasooly), la petite (Gili Beit Hallahmi). Trois petites chaises. Trois poupées qui leur ressemblent. Une pièce dans laquelle Maman les a enfermées pour les protéger, les enjoignant de continuer à marquer leur quotidien de leçons de musique, de ballet, de langues, de bonnes manières... et d'histoires de maison près du lac où il fait bon nager, peu importe les saisons qui passent, et de prince qui n'épousera ou ne sauvera qu'une seule princesse sur son cheval. Parce que, oui, on le devine d'emblée, toutes ne deviendront pas adultes et une jugera nécessaire de faire devoir de mémoire, à travers des numéros de cabaret qui ne souhaitent qu'une seule chose: les faire revivre.

Théâtre musical pour comédiennes, marionnettes (qui se désassemblent et s'assemblent pour devenir extension du corps des trois interprètes) et objets, La maison sur le lac propose un voyage dans le monde de l'enfance. Avec trois fois rien, les sœurs se servent de leur imagination pour travailler le premier mouvement du Trio opus 99 de Schubert, refaire leurs exercices à la barre, réviser leurs leçons d'allemand, de français ou d'anglais, échanger des politesses sur le goût si succulent du poulet aux prunes. La plus jeune ne peut s'empêcher de demander ponctuellement: « Où est maman? »

L'histoire (aussi bien la petite que la grande) est ici racontée sans aucun pathos et beaucoup d'humour, la musique jouant un rôle essentiel dans la narration, que ce soit la musique classique (jamais peut-être le «Traumereï » extrait des Scènes d'enfants de Schumann n'aura été aussi percutant) ou des chansons de cabaret allemand. 


À voir impérativement ce soir et demain au Festival de Casteliers.

mardi 6 janvier 2015

Lucie est sortie en 2014...

En 2014, j'ai vu 73 spectacles qui n'étaient pas du théâtre... Je comprends mieux comment, en sortant un 150 fois dans une année, je commence à manquer de temps!

Arts visuels et photo

Exposition Adrian Paci (MAC)
Papiers 14
Peter Doig (MBAM)
Lemieux et Pilon (MBAM)
World Press Photo (Marché Bonsecours)
Alex Colville (AGO, Toronto)

Cinéma

Meetings with a Young Poet
La grande belezza
Tom à la ferme
La Vénus à la fourrure
A ras del cielo (documentaire sur le monde du cirque)
Le fantôme de l'opéra (version de 1925, avec improvisation à l'orgue)
Mommy
Into the Woods

Cirque

Intersection (Sept doigts de la main)
Small Tent... Big Shoulders (Midnight Circus)
Acrobates (Le Montfort)
Six pieds sur terre (Lapsus)
Barbu - Foire électro trad (Cirque Alfonse)
Curios (Cirque du soleil)
Reset (Throw2Catch)
The Rendez-vous (Krin Haglund)
Le soir des monstres (Monstre(s))
Le concierge (Anthony Venisse)
Méandre (TOHU)
Cuisine et confessions (Sept doigts de la main, TOHU)
Opus (Circa, TOHU)
Attrape-moi! (Flip FabriQue, TOHU)

Danse

O litBouge de là (jeune public)
FARWayne McGregor Random Dance (Danse danse)
Get a Revolver, Helena Waldmann (Danse danse)
Fault Lines, Leshan Song and Dance Troup (Spectaculairement Chine)
Emmac terre marine (Danse-Cité)
Pavement, Abraham.In.Motion (Danse danse)
Norman (5e Salle)
Songs of the Wanderers, Cloud Gate Dance Theatre of Taiwan (Danse danse)
Tragédie, Olivier Dubois (Danse danse)
Be somebody else, Isabel Mohn (Danse-Cité)
Sad Sam Lucky (FTA)
D'après une histoire vraie (FTA)
Antigone Sr (FTA)
Soif, O Vertigo (Danse danse)
Tentacle Tribe et Wants & Needs Dance (Danse danse)
Akram Khan Company, itMOi (Danse danse)
Pina Bausch, Vollmond (Danse danse)
L'éveil (Coup de théâtre)

Marionnettes

Hôtel de Rive (Trois jours des Casteliers)

Musique classique

Winterreise de Schubert (Salle Bourgie)
Marathon Bach (Salle Bourgie)
Récital Marc-André Hamelin (Chapelle historique du Bon-Pasteur)
Récital de Yo-Yo Ma (Maison symphonique de Montréal)
LA Phil sous Gustavo Dudamel (Maison symphonique de Montréal)
Hansel et Gretel (Opéra de Montréal)
Récital de David Fray (Salle Bourgie)
Folk de Collectif 9 (Rialto)
Turandot (Opéra de Montréal)
Prix d'improvisation Richard Lupien
Gabriela Montero (Salle Pollack)
David Jalbert et Appassionata (Salle Bourgie)
Concours Musical International de Montréal (piano) ici et 
Récital Till Fellner (Centre d'arts Orford)
Nabucco (Opéra de Montréal)
Benjamin Grosvenor et l'OSM (Maison symphonique de Montréal)
Le barbier de Séville (Opéra de Montréal)

Musique contemporaine

Au rythme des papillons, production jeunesse du Moulin à musique
Marleau fête Gougeon (SMCQ)
Diego Espinoza (Innovations en concert)
Six thèmes solaires (SMCQ)
Le Rêve de Grégoire (Chants libres)
Notre Damn (La Chapelle)
Composition Machine (Centre Segal)
Écoute le silence - Un voyage avec John Cage (Coups de théâtre)

Comédie musicale

An American in Paris (Théâtre du Châtelet, Paris)

samedi 8 mars 2014

Hôtel de rive

Le langage de la marionnette à fils a évolué de façon étonnante au cours des dernières années et on ne peut qu'être soufflé par la maîtrise du médium dont fait preuve Frank Soehnle dans Hôtel de rive, présenté dans le cadre des Trois jours des Casteliers. Il a puisé cette fois son inspiration dans des textes surréalistes et des souvenirs de jeunesse d'Alberto Giacometti, qu'il met en images grâce à une dizaine de petites marionnettes filiformes. Celles-ci, à certains moments, semblent dialoguer avec le comédien français Patrick Michaëlis et à d'autres prolongent une certaine distorsion du temps et des espaces. On peut aussi bien suivre les interactions sur scène que sur écran, grâce à un adroit système de caméras qui ne devient jamais invasif, mais magnifie les expressions du visage particulièrement mobile du narrateur, tout en insufflant une dimension onirique au spectacle.

L'articulation de ces êtres tout en longueur se fait dans la poésie la plus pure, prolongement réussi de l'effet si particulier que continuent d'exercer sur nous les sculptures de Giacometti. L'accompagnement musical, assuré par deux musiciens suisses, qui jouent du trombone et du cor des Alpes (qui aurait cru que cet instrument si encombrant puisse se révéler aussi agile et polyvalent?), en apparence décalé, fonctionne à merveille, offrant peut-être au spectateur une voix narrative plus facilement accessible, les textes surréalistes de Giacometti restant par moments difficiles à apprivoiser.

Vous pouvez encore vous glisser en salle ce soir 21 h, au Théâtre Outremont


Hôtel de Rive Giacometti/Temps horizontal par Gibouleesdelamarionnette

jeudi 6 mars 2014

EMMAC Terre marine: magique

«Toute sève chante. La vie est musique. Le reste, c'est de très petites choses.»
Wagner aurait probablement été jaloux s'il avait pu se glisser dans le Théâtre rouge du Conservatoire lors de la première d'Emmac, terre marine, hier soir. Lui qui toute sa vie aura cherché la Gesamtkunstwerk, l'oeuvre d'art totale, aurait sans doute été troublé par cet audacieux, mais surtout adroit mélange entre danse, marionnettes, musique et poésie. Si la superposition des médias aurait pu devenir synonyme de confusion, il n'a suffi que de quelques instants pour comprendre que la créatrice multidisciplinaire Emmanuelle Calvé, qui a d'abord fréquenté le monde des arts visuels avant de se diriger vers la danse et qui crée ici toutes ses marionnettes, avait réussi avec brio à intégrer les spécificités de ces langages multiples.
Elle propose ici une relecture qui peut être comprise à plusieurs niveaux du conte inuit La femme squelette (découvert dans Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés), histoire d'une résilience, la jeune femme ayant commis un acte (jamais nommé) désavoué par son père qui, du haut de la falaise, l'avait précipitée dans la mer. (Ce conte peut aussi se comprendre comme une déclinaison autre de l'histoire de Sedna, déesse de la mer). Prisonnière des eaux, victime des monstres marins qui avaient dévoré sa chair, elle est un jour attrapée par un pêcheur qui ne comprend pas tout de suite la nature de ce monstre marin. On peut aussi comprendre la succession de tableaux comme l'émancipation d'un passé qui continue de nous faire mal ou la prise de conscience de l'unicité de chacun. «Tu viens offrir à la vie ce qui lui manquait tant: toi-même. »
Le texte à la forte charge poétique de Richard Desjardins (installé côté cour) tisse un adroit filet de mots à ce spectacle onirique, porté par le souffle puissant de la musique de Jorane et les éclairages adroits de Karine Gauthier qui, en quelques secondes, nous font passer des couleurs froides aux chaudes, suggèrent le miroitement de la lune sur l'eau ou le mouvement ondoyant des flots. Le spectateur ne peut que se laisser porter par la gestuelle de la chorégraphe, d'une grande subtilité, et ses marionnettes inusitées, tantôt peaux dans lesquelles on se glisse, tantôt prolongement du corps (quel envoûtement que cette scène pendant laquelle deux gigantesques mains semblent bercer la jeune fille). 
En quelques minutes, la pulsation cardiaque s'abaisse, de façon presque insidieuse, comme peut le réussir dans un autre registre la musique de Scelsi. Si l'on est conscient au début de la disparité entre la nôtre et celle proposée, on abdique rapidement, porté par la voix de Desjardins, la musique de Jorane, le mouvement lui-même. On finit par atteindre un état proche de l'hypnose, qui nous pousse à puiser en nous des lignes narratives parallèles, sur la mort, la nature, l'identité, l'humanité. Cet état presque second nous mène naturellement à cesser de vouloir comprendre chaque image, à simplement ressentir l'instant.
« N'oublie pas qu'un trésor n'est réel que si quelqu'un le cherche », avance à un moment Desjardins. Emmac terre marine nous rappelle qu'il s'agit parfois d'ouvrir les yeux - et le cœur - pour le trouver.