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vendredi 18 mars 2016

FIFA musique


Le combat des chefs: dimanche 20 mars, 14 h

Deux monstres sacrés, deux esthétiques fort différentes, presque diamétralement opposées. L'un mise avant tout sur le contact avec le public et la pédagogie (pas moins de 10 millions de spectateurs suivaient avec passion les émissions jeunesse de Bernstein), l'autre la diffusion par voie audio ou cinématographique (jusqu'à la toute fin, Karajan relira ces films musicaux, se taillant le plus souvent la part du lion). L'un avait été affilié au parti Nazi (moins par conviction que par volonté de disposer d'un orchestre), l'autre allait mettre sur pied l'Orchestre symphonique d'Israël. Karajan privilégiait un regard presque sacré sur la musique, Bernstein l'expression. L'un se veut démagogue, l'autre démiurge et pourtant, ils se retrouvent, se complètent plutôt, quand ils se frottent à Mahler.

Du début à la fin, le documentaire mise sur les oppositions entre les deux chefs, Seiji Ozawa (qui a étudié avec Bernstein avant d'être associé à Karajan) servant de pont entre les deux, offrant certaines clés pour comprendre les forces si particulières des deux géants. « J'aime la musique et les gens, conclut Bernstein. Entre les deux, je ne sais pas ce que je préfère. » La grande différence, au fond, est là.

Le paradis perdu - Arvo Pärt: : samedi 19 mars, 19 h 30 et dimanche 20 mars, midi. On propose aussi un film autour d'Adam's Passion dimanche à midi.

Pärt reste l'un des rares compositeurs contemporains à faire l'unanimité ou presque, particulièrement au niveau du public. Langage minimaliste, souvent mystique, en séduisent en effet beaucoup dans cette ère de je-me-moi ou de dépersonnalisation.

Günter Atteln propose un portrait nuancé du compositeur, mais aussi de la production scénique qu'a tiré Robert Wilson d'Adam's Passion du compositeur estonien. Comme souvent, Wilson a fait fort avec ce portrait mettant au premier plan le sacré - et non la religion. En effet, pour lui, le religieux (tout comme le politique) n'a pas sa place sur scène. On y entendra également des extraits de Tabula rasa et Spiegel im Spiegel, ainsi que de son Credo.
Je vous recommande aussi, lors d'une présentation dans un autre cadre, le très inspirant L'art fait du bien 2 - Cirque et théâtre, qui traite de théâtre et de cirque social, ainsi que Soundhunters, une série de portraits de spécialistes en musique concrète. Fascinant. 

samedi 11 juillet 2015

Duels

Photo: Lucie Renaud
Il ne reste que quatre représentations de ce spectacle gratuit, présenté à 19 h et 22 h, Place Émilie-Gamelin. De belles trouvailles, des images splendides et une utilisation maximale des lieux, les numéros étant présentés aussi bien au milieu du public que sur le toit du métro, dans les airs ou sur la scène centrale.

Photo: Lucie Renaud
Ceci conclut ma couverture de cette édition haute en couleurs du Festival Montréal Complètement Cirque.

Mon top 3 (cliquez sur les liens pour mes critiques):

1 - Le pianiste
2 - Beyond
3 - Machine de Cirque
Photo: Lucie Renaud

vendredi 10 juillet 2015

Quien soy?: gars de la construction

Un cube en bois géant, qui s'évide, se déconstruit, permet d'ériger de nouvelles structures au fur et à mesure. Une contrainte imposée - comme l'était la chaleur extrême dans Warm, présenté il y a quelques jours -, mais un plaisir évident à la transcender. Au fil du spectacle, ces formes deviendront escaliers, tours fragilisées rappelant le jeu de Jenga qui servent de points d'appui, trame sur laquelle projeter des images de gratte-ciels (moment particulièrement magique), boîtes gigognes, tables sur lesquelles jouer aux dés ou tirer au poignet, inspirations pour une série de figures acrobatiques réussies.

Leçon d'architecture certes, mais surtout de poésie, dans laquelle la complicité entre Edward Aleman et de Wilmer Marquez est toujours évidente. Que leurs corps semblent vrillés l'un à l'autre, que les équilibres défient la gravité, que les deux complices bondissent sur un trampoline dissimulé au cœur d'une des structures, on les sent toujours liés, profondément, par leur enfance passée en Colombie, leur perfectionnement en France, à la fois déracinés et profondément ancrés dans un langage commun, développé depuis plusieurs années. Une façon plus intérieure, volontiers méditative, de concevoir le main à main, qui marque assurément les imaginaires.

Jusqu'au 12 juillet au Théâtre Outremont

jeudi 9 juillet 2015

Machine de cirque: l'humanité avant tout

Les attentes se révélaient énormes pour ce premier spectacle éponyme de Machine de cirque et elles n’ont pas été déçues. Scénographie inusitée sans être envahissante, performances exceptionnelles de quatre artistes circassiens aux personnalités fortes (Yohann Trépanier, Raphaël Dubé, Ugo Dario et Maxim Laurin), intégration particulièrement réussie du multiinstrumentiste Frédéric Lebrasseur, dramaturgie cohérente qui incorpore aussi des moments de pure poésie : tout fonctionne parfaitement ici, a été réfléchi, peaufiné, rodé au quart de tour, nous mène irrévocablement vers l’apex.

Pour lire le reste de ma critique, passez chez Jeu...

mercredi 8 juillet 2015

Entre deux eaux: soirée entre amis

La Barbotte. Trois artistes de cirque. Trois parcours différents, néanmoins complémentaires. Le Suisse Philippe Dreyfuss et le Péruvien Gonzalo Coloma ont étudié à l’École nationale de cirque. Le Québécois Andy Giroux s’est perfectionné à Moscou et avec Cirkus Piloterna en Suède. Trois amis qui avaient toujours rêvé de monter un spectacle ensemble, mais qui faute de temps – chacun s’étant produit dans une trentaine de pays avec des compagnies prestigieuses –, n’avaient pu jusqu’ici voir le projet se concrétiser.

Pour lire le reste de ma critique, passez chez Jeu...

mardi 7 juillet 2015

Ruelle: vies parallèles

Photo: Rolline Lapointe
La ruelle... lieu mythique qui permet aux enfants de se retrouver entre eux, de jouer au hockey, à la marelle, à la corde à sauter, aux plus vieux de créer des liens. Lieu intermédiaire aussi, entre l'être et le paraître, entre celui que nous sommes dans le confort de notre appartement et celui que nous devenons, une fois notre armure revêtue. Lieu parfois louche, les petits truands y faisant la loi ou y cherchant quelque sensation forte. Si la scénographie de Ruelle rappelle d'une certaine façon les balcons arrières des romans de Michel Tremblay, il faut plutôt penser au film Rear Window, juxtaposition de la légèreté amoureuse et de violence latente ou assumée.

Cela donne lieu à de très belles images (la folie du déménagement en début de spectacle), les regards échangés entre la chanteuse Marie-Élaine Thibert (qui se révèle à la hauteur, aussi bien vocalement que dans les numéros d'acrobatie) et son voisin victime d'un accident (alter ego du metteur en scène Jeffrey Hall, qui a vu se dessiner ce spectacle alors qu'il était immobilisé après une chute), les amoureux qui se courtisent sur les cordes à linge, les escaliers que deux artistes enveloppent de draps blancs... Impossible d'oublier le numéro de tissu de Nadine Louis, le drap qui l'enveloppe donnant l'impression d'être une chrysalide (on peut ici y lire une métaphore de l'adolescente prenant son envol) ou ceux de sangles d'Ugo Laffolay, force et poésie s'y juxtaposant adroitement.

Souhaitant offrir une proposition entre théâtre physique et cirque, soutenue par une trame sonore essentielle, Jeffrey Hall a peut-être voulu nous en mettre trop plein la vue. Ainsi, quand il superpose trois groupes de fildeféristes à des mouvements au mât chinois, l’œil ne sait plus où se fixer, perd fatalement un mouvement ou l'autre, parfois spectaculaire. Il faudrait revoir le spectacle plus d'une fois pour en extraire toutes les strates. Si le fil narratif, même si lâchement noué, soutient assez bien le propos au départ (apprivoisement des diverses personnalités, dualité entre intérieur et extérieur des appartements, perceptions erronées que l'on peut entretenir par rapport à l'un ou l'autre), on se perd ensuite entre la projection d'extraits de Rear Window des draps suspendus, celle des photos de participants sur les murs de côté et la montée très rapide, presque explosive, vers la violence brute. (Tel qu'indiqué sur le site du festival, le spectacle est pour un public de 15 ans et plus.) Celle-ci se résout un peu trop facilement en une scène de tai chi collective printanière menée par Bailey Eng sur fond des Béatitudes de Martynov. Le spectacle s'épurera vraisemblablement au fil des représentations, rendant le propos plus intelligible et permettant à la beauté de l'objet de se révéler entièrement.

Jusqu'au 9 juillet à l'Usine C

lundi 6 juillet 2015

Le pianiste: alla bravura

J'attendais avec beaucoup d'impatience cette proposition de la compagnie finlandaise Circo Aereo, coup de cœur au Festival Fringe d’Édimbourg l'année dernière en prime. Comment résister en effet à un personnage de pianiste devenu clown maladroit, surtout quand il est transmis avec autant de brio par le Néo-Zélandais Thomas Monckton!

Le pianiste en queue-de-pie ne réussira à sortir des coulisses qu'à travers un minuscule trou dans le rideau de velours, se cognera dans le lustre à quelques reprises avant d'adopter un autre parcours, tombera en bas du piano car la couverture qui le recouvre  - très poussiéreuse - est trop glissante, aura besoin d'aide pour remonter sur scène, ira à la chasse aux la - si - do aigus sur ses partitions, le couvercle ayant été brisé quand Monckton l'aura forcé, finira par dégager celui-ci grâce à une des pédales du piano qui sert de levier. Cela fait rire, beaucoup, jeunes comme moins jeunes. La dame à ma gauche s'exclamait avec autant d'enthousiasme que la petite fille tout juste de l'autre côté de l'allée.

Cela serait sans doute suffisant pour passer un agréable moment, mais c'est dans les détails qui s'accumulent que Le pianiste se révèle véritablement brillant. Thomas Monckton et la metteure en scène Sanna Silvennoinen possèdent tous les deux un vocabulaire circassien développé, qui va bien au-delà de la grimace et des mouvements excessifs du corps. Des éléments d'acrobatie, de jonglerie, d'équilibre, de contorsion, de trapèze, de nanodanse, de corde lisse et de mystification sont intégrés au fil des tableaux à la trame narrative - le pianiste finira-t-il enfin par pouvoir jouer un extrait de la Ballade no 1 de Chopin? On trouvera aussi des références au cinéma muet et au western (on ne verra plus jamais les lutrins ornés de la même manière!) et on prend plaisir à voir détournés tous les codes associés en général au concert classique: les rideaux de velours, le lustre de cristal, les souliers vernis, les bas de couleur, le queue de pie (plus flamboyant que d'habitude), la posture rigide du pianiste qui entre en scène, l'égo parfois surdimensionné de ce dernier (savoureux combat avec l'éclairagiste qui refuse de collaborer), la musique de Chopin, les maniérismes...

Tout cela s'enchaîne avec grand naturel (avec quelques retours en arrière qui agissent comme autant de ponctuation), porté par la maestria et le charisme indéniable de Thomas Monckton qui, dès les toutes premières secondes, séduit le public qui devient complice plutôt que simple témoin. Une nouvelle preuve du pouvoir universel de la musique!

À voir au Centaur d'ici au 9 juillet!

vendredi 3 juillet 2015

Beyond: y croire

Photo:Agence QMI
Même si chacun des spectacles de la compagnie australienne Circa aborde une thématique différente, possède une couleur distincte, tous sont liés par une même signature, indéniable. Que le fil narratif soit apparent (comme dans Opus) ou se lise comme une superposition de liens en apparence plus ténus comme dans Beyond, impossible de résister aux mises en scène de Yaron Lifschitz qui n'hésitent pas à débouter les mythes. On pourra ainsi considérer Beyond comme un spectacle féministe, la femme agissant plus souvent qu'à son tour comme porteur, que grimpent sur ses épaules un puis deux hommes alors qu'elle est affairée à résoudre le Cube Rubik, qu'elle supporte le poids d'un partenaire alors qu'elle est sur pointes ou que celui-ci marche sur ses jambes alors qu'elle se trouve en position de grand écart renversé.

Beyond n'est toutefois pas une démonstration de force - même si celle des interprètes reste indéniable. On nous invite plutôt à plonger dans un entre-deux, entre réalité et rêve, à retrouver cette part d'enfant enfouie (souvent trop profondément) en nous, l'émerveillement que l'on peut ressentir quand on ouvre un coffre de jouets et que nous avons l'impression que nos peluches sont dotées d'une vie bien à eux.

Photo: Agence QMI
Que l'on tente de se réveiller d'un cauchemar traumatisant (numéro de chutes calibrées qui se transforme en moment de grande beauté quand l'artiste exécute des figures avec une simple feuille de papier), que l'on soit dans la franche rigolade (délire animal des protagonistes ou jonglerie doublée de contorsion avec balles et raquette de tennis) ou dans la magie pure (sangles aériennes doublées de contorsion ou encore numéro de ruban alors que, dans les premiers instants, l'artiste donne l'impression de grimper à une voile) importe peu ici: le rêve sert assurément de fil conducteur. Détaché de la réalité, on se laisse fasciner par ce qui se passe sur scène, en oublie même de respirer ou d'applaudir, histoire de ne pas briser la concentration de l'interprète parfois (comme dans ce numéro d'équilibre les yeux bandés, les cannes étant disposées à des hauteurs différentes), le plus souvent par peur de briser le sortilège.

Portés par une musique souvent rétro, qui accentue le côté décalé, voire surannée, de la proposition, les numéros se déploient, non pas par paliers - chaque prouesse déclassant la précédente -, mais avec une grande fluidité. Même quand ils accomplissent des choses en apparence impossibles (du moins, pour le commun des mortels), les interprètes le font avec une telle aisance que nous pouvons nous identifier à eux. Ne souhaitons-nous pas tous laisser notre animal intérieur s'exprimer, porter des têtes d'animaux plutôt que notre masque policé ou nous défaire d'un costume bien trop encombrant comme ce nounours tentant de grimper au sommet du mât chinois? Un instant, fugace, nous aurons l'impression de ne faire qu'un avec eux, de pouvoir faire fi de l'absurdité du quotidien, de
prendre avec eux notre envol.


Jusqu'au 5 juillet à la TOHU.

samedi 27 juin 2015

Barbu: dans le sens du poil

Barbu – Foire électro trad du Cirque Alfonse avait beaucoup fait jaser lors de la résidence « Le cirque vu par... » à laquelle j'ai eu le grand plaisir de participer l'année dernière à pareille époque. Impossible de rester indifférent à cet assemblage de numéros qui puisent autant dans les codes du cabaret allemand que du (très gros) burlesque, du freak show (le numéro de fakir est à classer dans cette catégorie) et du cirque plus traditionnel (équilibre, numéros de patins à roulette, main à main, cerceau, jonglerie). 

On ne parle pas ici d'un spectacle au fil narratif subtil - on est à des lieues par exemple d'Opus de Circa! -, mais d'une expérience différente, encore plus convaincante la deuxième fois, hybride entre soirée arrosée entre amis (même si la salle était plutôt  tranquille hier) et voyage dans le temps, alors que l’on se pressait à la Foire Sohmer pour voir Louis Cyr, être mystifié par un magicien (même à un mètre de la scène, je n'ai toujours pas vu le truc derrière le numéro de la femme dans la boîte, « découpée » en morceaux) ou faire un tour de montagnes russes (certains tableaux restent spectaculaires). On est là pour s'éclater, oublier la morosité ambiante, l'été qui peine à s'affirmer, rire 
sans la moindre culpabilité et aussi retrouver un peu de nos racines à travers la musique néo-trad d’André Gagné et David Simard (interprétée avec leur complice Josiane Laporte) toujours aussi pertinente un an après. L'ensemble se superpose aux vidéos de Frédéric Barrette, orientées sur la nature environnant St-Alphonse-de-Rodriguez dans une première partie plutôt atmosphérique, puis sur le corps humain, ce qui suscitera nombre de fous rires de l’auditoire, particulièrement quand les larrons se déhanchent en maillots de bain, ruban multicolore à la main, ou que Loukas le mentaliste lit dans les pensées pas très pures d'un volontaire dans la salle. Si dans la deuxième partie, ces vidéos deviennent complément de la trame narrative, dans la première, on les ignore la plupart du temps, préférant nous concentrer sur ce qui se passe sur scène.

La proposition a assurément évolué depuis un an. On ne retrouve plus ce côté bricolé ressenti lors de la première (qui avait certains charmes) et on sent que le metteur en scène Alain Francoeur a volontairement resserré certains segments et travaillé le rythme des numéros. Ainsi, le personnage interprété par Lucas Jolly, beaucoup plus sombre, ajoute une couleur tout autre, presque inquiétante par moments, qu'il entretienne un curieux rapport avec son deuxième lui-même ou qu'il jette des regards perçants dans la foule. La première partie semble passer à vitesse grand V (on retiendra particulièrement le numéro de pyramides humaines et celui du cerceau suspendu, celui du main-à-main dans la boue perdant un peu de sa puissance la deuxième fois), la seconde pourrait encore être resserrée. Le numéro de balles de ping-pong avec la bouche n'ajoute pas grand chose et celui de planche sautoir s'étire un peu inutilement. Par contre, celui dans lequel Francis Roberge fait virevolter un baril de bière reste une pièce d'anthologie. L'Olympia se prête mieux à la proposition que le Théâtre Telus, rouge des murs et dorures ajoutant indéniablement un je-ne-sais-quoi au tout. 

À voir d'ici au 12 juillet.

vendredi 29 mai 2015

L'art de la fugue de l'ENC: d'une unité remarquable

L'excellence des finissants de l'École nationale de cirque n'a plus besoin d'être démontrée. On forme des artistes de haut niveau, polyvalents, qui ont travaillé aussi bien leur musicalité que leur gestuelle, tout en se dédiant bien évidemment corps et âme à leur(s) discipline(s) de prédilection. Cependant, les réunir sur une même scène (en deux groupes distincts) n'est pas nécessairement synonyme de véritable expérience artistique. Il est en effet facile, surtout au cirque, de tomber dans une succession de numéros sans lien apparent hormis des transitions clownesques.

Rien de tout cela avec L'art de la fugue, une mise en piste brillante, parfaitement intégrée, d'Hélène Blackburn, qui se sert adroitement de diverses pages de Bach (tantôt présentées dans leurs attributs originaux, tantôt confiés à d'autres instruments ou remixées par Éric Forget) non seulement comme liant, mais comme inspiration - difficile ici de ne pas établir un parallèle avec Opus de Circa construit sur trois quatuors de Chostakovitch.

Gestes, accessoires, jeux d'éclairages deviennent autant de motifs qui se chevauchent, se répondent. On peut évoquer ici bien sûr les chaises (leur chute par effet domino offre un superbe premier tableau), la juxtaposition du blanc et du noir (hommage indirect au monde de la musique classique), le détournement des tutus, les « fuites » des interprètes qui rappellent l'essence même de la forme fuguée, mais je m'en voudrais de révéler trop d'éléments de cette partition dense, pourtant toujours parfaitement cohérente. (Bach aurait assurément apprécié un tel traitement, limpide mais jamais simpliste, de sa musique.)

Alors qu'habituellement, quand on sort d'un spectacle de cirque, on s'interroge à savoir quel numéro on a préféré, ici, on retiendra le tout, supérieur à la somme de ses parts. Le plaisir ressenti va au-delà du spectaculaire ou des préférences que l'on peut entretenir pour les appareils utilisés. Si tous les finissants ont offert des performances de haut niveau, tous ne transcendent pas (du moins encore) les limites physiques de leurs prouesses ou font preuve d'un même charisme. Il faut souligner ici celui indéniable de Charlie Mach (et l'originalité de son numéro de chaises acrobatiques), la présence plus grande que nature d'Eivind Overland au trapèze fixe et ce, dès les premiers instants de son numéro, l'intelligence avec laquelle Ezra Weill intègre son chapeau à son numéro de corde lisse (accessoire qui deviendra sa « marque de commerce » tout au long du spectacle), l'originalité du numéro de diabolo de Fabian Galouye (qui fait fi de tous les clichés associés à l'accessoire, qui me laisse habituellement indifférente) et celui de mât chinois (avec intégration de chaise) de Baptiste Clerc, sans oublier le lien immédiat qu'Aaron Marquise, en clown maladroit mais indéniablement attachant, a su établir avec le public (qu'il dispose ses chaises lors de l'entrée en salle, se mette les pieds dans les plats ou interagisse avec un heureux volontaire).

Une indéniable réussite!

Vous avez jusqu'au 7 juin pour voir ce spectacle ou Les étinceleurs (mettant en vedette les autres finissants). Informations et horaires ici...

samedi 25 avril 2015

L'Impro Cirque: terreau fertile en émotions

Trois jours de compétition, deux demi-finales et une finale, seize artistes de cirque exceptionnels, auxquels se greffent cette année quatre joueurs de la LNI, un par équipe. Présenté pour la première fois dans le cadre du Festival Montréal Complètement Cirque à l'été 2010, l'Impro Cirque propose une expérience totale, unique, qui laisse souvent bouche bée, prouesses, humour et magie pure redéfinissant des thèmes choisis.

Faire la romance
Cela allait hier soir de « Le corps et ses atouts », une improvisation coup de sifflet qui forçait chaque participant à reprendre la position adoptée par le précédent lors de l'arrêt de jeu (avec une contorsionniste dans chaque équipe, un défi certain) à « Pris au fond du puits », à traiter comme un film d'horreur, mais en intégrant le tissu (Joseph Pinzon a su y démontrer toute sa polyvalence, aussi bien comme circassien que comédien) à « Navigation douteuse » en style clown (une comparée qui a donné lieu à une rencontre entre un marin et une sirène, puis à l'histoire d'un couple perdu dans les méandres du GPS) ou « À la manière d'un lipsync » avec ajout du trapèze (autre occasion pour Pinzon de briller avec Get Lucky de Daft Punk, soutenu par les membres de son équipe devenus musiciens, chanteurs ou danseurs). Au total hier, neuf improvisations, dont une boni, « La douleur, je m'en occupe », dans laquelle un monarque imbu de lui-même (Jordan Clark, au charisme évident déjà dans « Faire la romance », un duo intégrant les cerceaux chinois) tentait de trancher la tête d'un sujet récalcitrant (Patrick Léonard, magistral).

Jouant plus qu'un rôle de soutien, les exceptionnels musiciens des Wonder Trois-Quatre improvisent aussi au fur et à mesure des contraintes annoncées, grâce à des signes précis du chef Eric Desranleau dans des styles allant du charleston (pour « Livraison express » au jingle publicitaire (pour « Navigation douteuse »), sans oublier la musique baroque (pour la dernière improvisation) ou expérimentale (« Simultanément », un magnifique duo des contorsionnistes Valérie et Claudel Doucet, impossibles à départager).
Simultanément

Pas une seconde d'ennui hier soir, au cours de deux périodes d'environ 50 minutes, desquelles les verts seront sortis grands gagnants deux fois plutôt qu'une. Sébastien Soldevila (l'un des fondateurs des Sept doigts de la main) campait un arbitre en chef particulièrement odieux (Yvan Ponton avait l'air d'une grand-mère faisant du crochet en papotant avec ses copines en comparaison), invectivant la salle et faisant fi des nez de clown (les fonds ramassés vont à Clowns sans frontières) qui pleuvaient par moments sur la scène.
Livraison express
L'étoile du match a été remise à Valérie Doucet des Verts pour son indéniable écoute de jeu. On la retrouvera, avec les quatre autres membres de son équipe (Patrick Léonard, Joseph Pinzon, Angelica Bongiovonni et Diane Lefrançois), en finale contre les bleus (Gisle Henriet, Jason Ferguson, Nadine Louis, Olivia Weinstein et Réal Bossé, en remplacement de Frederic Barbusci, qui s'est blessé lors du match de jeudi) ce soir 20 h.

Détails ici...



lundi 2 mars 2015

Les méandres de Little Lady: adorable

Danse-Cité a offert une singulière carte blanche à Sandrine Lafond, qui a notamment dansé avec Marie Chouinard et Hélène Blackburn, en plus de participer à nombre de spectacles du Cirque du Soleil. Elle nous propose ici une incursion dans le monde de l'art clownesque avec son personnage de Little Lady, une charmante créature, mi-femme, mi-coquerelle, portant de grosses lunettes, qui s'est évadée d'un centre de recherche. (Les parallèles avec La métamorphose de Kafka sont voulus.) Vivant seule, elle tente de se distraire en tricotant, mais cède régulièrement aux appels à la consommation retransmis par son fidèle poste de radio (qui diffuse aussi bien une musique efficace d'Yves Frulla que publicités ou nouvelles).

Photo: Nicolas Ruel
Little Lady décide de s'inscrire sur un site de rencontres et craque pour un jeune homme aux cheveux ébouriffés arborant lui aussi une imposante paire de lunettes. C'est à ce moment que tout bascule, autant pour Little Lady que pour le spectateur qui ne peut qu'être charmé par cette romance en devenir, moins simple qu'elle ne semble de prime abord.

Si la fin semble un peu brusquée (peut-être a-t-on souhaité suggérer un « cliffhanger » et ouvrir sur le troisième volet des aventures de Little Lady) et le premier segment s'étire parfois inutilement, le spectateur ne décrochera pas s'il est sensible à un humour en demi-teintes. 

En effet, l'essentiel du propos se trouve non pas dans le mouvement lui-même (l'interprète ne renie certes pas son passé de danseuse et d'artiste de cirque), mais dans le contact certain établi avec le public (sollicité notamment pour la prise de la photo de profil de la belle) et l'habileté avec laquelle Sandrine Lafond transmet l'émotion de l'intérieur vers l'extérieur, sans multiplier les pitreries gratuites et nous permet de toucher à l'essence même de cette étrange créature qui, au fond, nous ressemble à tant de niveaux.

Trois autres représentations dans la petite salle de l'Espace Go, du 5 au 7 mars.

mardi 6 janvier 2015

Lucie est sortie en 2014...

En 2014, j'ai vu 73 spectacles qui n'étaient pas du théâtre... Je comprends mieux comment, en sortant un 150 fois dans une année, je commence à manquer de temps!

Arts visuels et photo

Exposition Adrian Paci (MAC)
Papiers 14
Peter Doig (MBAM)
Lemieux et Pilon (MBAM)
World Press Photo (Marché Bonsecours)
Alex Colville (AGO, Toronto)

Cinéma

Meetings with a Young Poet
La grande belezza
Tom à la ferme
La Vénus à la fourrure
A ras del cielo (documentaire sur le monde du cirque)
Le fantôme de l'opéra (version de 1925, avec improvisation à l'orgue)
Mommy
Into the Woods

Cirque

Intersection (Sept doigts de la main)
Small Tent... Big Shoulders (Midnight Circus)
Acrobates (Le Montfort)
Six pieds sur terre (Lapsus)
Barbu - Foire électro trad (Cirque Alfonse)
Curios (Cirque du soleil)
Reset (Throw2Catch)
The Rendez-vous (Krin Haglund)
Le soir des monstres (Monstre(s))
Le concierge (Anthony Venisse)
Méandre (TOHU)
Cuisine et confessions (Sept doigts de la main, TOHU)
Opus (Circa, TOHU)
Attrape-moi! (Flip FabriQue, TOHU)

Danse

O litBouge de là (jeune public)
FARWayne McGregor Random Dance (Danse danse)
Get a Revolver, Helena Waldmann (Danse danse)
Fault Lines, Leshan Song and Dance Troup (Spectaculairement Chine)
Emmac terre marine (Danse-Cité)
Pavement, Abraham.In.Motion (Danse danse)
Norman (5e Salle)
Songs of the Wanderers, Cloud Gate Dance Theatre of Taiwan (Danse danse)
Tragédie, Olivier Dubois (Danse danse)
Be somebody else, Isabel Mohn (Danse-Cité)
Sad Sam Lucky (FTA)
D'après une histoire vraie (FTA)
Antigone Sr (FTA)
Soif, O Vertigo (Danse danse)
Tentacle Tribe et Wants & Needs Dance (Danse danse)
Akram Khan Company, itMOi (Danse danse)
Pina Bausch, Vollmond (Danse danse)
L'éveil (Coup de théâtre)

Marionnettes

Hôtel de Rive (Trois jours des Casteliers)

Musique classique

Winterreise de Schubert (Salle Bourgie)
Marathon Bach (Salle Bourgie)
Récital Marc-André Hamelin (Chapelle historique du Bon-Pasteur)
Récital de Yo-Yo Ma (Maison symphonique de Montréal)
LA Phil sous Gustavo Dudamel (Maison symphonique de Montréal)
Hansel et Gretel (Opéra de Montréal)
Récital de David Fray (Salle Bourgie)
Folk de Collectif 9 (Rialto)
Turandot (Opéra de Montréal)
Prix d'improvisation Richard Lupien
Gabriela Montero (Salle Pollack)
David Jalbert et Appassionata (Salle Bourgie)
Concours Musical International de Montréal (piano) ici et 
Récital Till Fellner (Centre d'arts Orford)
Nabucco (Opéra de Montréal)
Benjamin Grosvenor et l'OSM (Maison symphonique de Montréal)
Le barbier de Séville (Opéra de Montréal)

Musique contemporaine

Au rythme des papillons, production jeunesse du Moulin à musique
Marleau fête Gougeon (SMCQ)
Diego Espinoza (Innovations en concert)
Six thèmes solaires (SMCQ)
Le Rêve de Grégoire (Chants libres)
Notre Damn (La Chapelle)
Composition Machine (Centre Segal)
Écoute le silence - Un voyage avec John Cage (Coups de théâtre)

Comédie musicale

An American in Paris (Théâtre du Châtelet, Paris)

vendredi 19 décembre 2014

Attape-moi!: ode à l'amitié

Photo: Benoit Lemay
Flip FabriQue avait séduit le public lors de l'édition 2013 du Festival Complètement Cirque et on comprend aisément comment une telle proposition s'inscrivait alors parfaitement dans la programmation du festival. Après tout, l'histoire se déroule en été, alors que six amis se retrouvent dans un chalet qu'ils ont fréquenté jadis, après s'être perdus de vue pendant une dizaine d'année.

La complicité entre les membres du groupe - qui jouent leurs propres rôles, comme le font souvent leurs comparses des Sept doigts de la main - est perceptible. On sent combien l'assemblage du spectacle a dû se faire dans la joie et l'expérimentation la plus ludique, les forces de chacun permettant à un tout cohérent de se dessiner. Chacun peut selon les segments se retrouver base, musicien, collègue jongleur, élément comique ou soliste.

Photo: Benoit Lemay
Le spectateur vivra des émotions multiples, de l'incrédulité par rapport à certaines séquences de diabolo à deux  (pourtant pas l'appareil le plus spectaculaire habituellement) à un ébahissement mâtiné de vertige devant le spectaculaire numéro final de trampomur, en passant par l'émerveillement le plus pur, avec le numéro de sangles à la forte charge poétique d'Hugo Ouellet Côté sur le hit mélancolique de Patrick Watson, l'album de photos que les amis feuillettent devenant ici nouvel accessoire. (La puissance de ce moment affadit malheureusement le numéro de cerceau aérien de Jade Dussault, très réussi pourtant, qui se lit comme un écho un peu plus tard dans le spectacle.) On rira ferme aussi, que ce soit lors du concours de popsicles ou des glissades et pyramides réalisées avec les six énormes ballons rouges d'exercice sur l'endiablé Copacabana.

L'esthétique du spectacle se veut entre BD déjantée et hip-hop assumé et la musique (presque entièrement anglophone) reflète ce choix. On annonce un spectacle pour la famille, mais je me suis demandée à quelques reprises si les plus jeunes sauraient saisir certaines des références culturelles (ou même musicales). Sans que l'on aborde des sujets difficiles (contrairement à Méandre par exemple, présenté en début de saison), on peut quand même avancer que le spectacle plaira sans doute plus aux préadolescents et adolescents - et à leurs parents qui revivront certains étés de leur jeunesse - qu'aux très jeunes.

Une chose est certaine: à aucun moment, on n'aura envie de bouder son plaisir. Attrape-moi! pourrait se révéler le parfait antidote à la grisaille ou aux multiples partys de famille,

À la TOHU jusqu'au 3 janvier.

vendredi 21 novembre 2014

Opus: oeuvre maîtresse

On m’avait vanté la proposition de la troupe australienne Circa et du Quatuor Debussy, articulée autour de trois quatuors de Chostakovitch. Je m’attendais à être séduite, mais pas à ce point, car en effet, dans Opus, tout s’articule parfaitement.

Contrairement à la plupart des spectacles de cirque, la musique ne fait pas que soutenir les prouesses. Elle les inspire; mieux, elle les justifie. Absolument rien de gratuit ici : chaque geste naît de la musique de Chostakovitch, de son univers, de l’ère soviétique au cours de laquelle il a cherché à s’émanciper des diktats, à transformer des musiques patriotiques en critiques grinçantes de la société, à décrier la guerre, à pleurer les purges. Autant d’émotions brutes qu’il confie de façon intime dans ses quatuors, moins scrutés par Staline et ses sbires que sa musique symphonique.

D’entrée de jeu, la chute dramatique du numéro de sangles nous invite à plonger dans cette musique exigeante, à laisser la force des images nous envahir. Impossible de contempler les pyramides humaines sans penser aux structures érigées, les numéros dans lesquels les acrobates se propulsent dans de multiples directions les mains dans le dos au peuple soviétique qui, les mains liées par la doctrine aussi bien que par les rafles, continue d’avancer, d’être déporté – image forte que ces corps roulant sur eux-mêmes pour servir de rails –, de compter ses morts (moment bouleversant quand un des interprètes récupère trois corps tombés au combat).

Photo: Justin Nicholas
Adroitement, quand le public atteint peut-être un certain point de saturation, le ton change, la chorégraphie devient plus ludique, athlétique. L’étincelle de vie plus forte que l’impulsion de mort, toujours… Traitant le spectacle comme une grande œuvre musicale, Yaron Lifschitz intègre des rappels, réexposition de motifs visuels qui se superposent à une nouvelle partition. On retrouve le trapèze (le premier trapéziste servant d’ailleurs de soutien à la seconde), les cerceaux, les cascades, les pyramides… On reconnaît la signature musicale – ici également visuelle – de Chostakovitch, son DSCH. Une façon de rappeler qu’Opus est un tout, une seule et même œuvre, une seule et même parole au fond.

Les membres du Quatuor Debussy livrent une interprétation absolument saisissante des quatuors – qui donne envie de se plonger dans leur intégrale en six disques –, interagissent avec les acrobates, qu’ils offrent leur chant déchirant à une trapéziste ou soient forcés de jouer les yeux bandés. Rarement pourra-t-on voir un spectacle aussi cohérent, aussi réfléchi jusque dans ces moindres gestes.


À voir absolument d’ici au 26 novembre à la TOHU! 

lundi 15 septembre 2014

Méandre: la violence comme matériau

Rien ne remplace l'expérience acquise en processus de création, quand un petit groupe d'étudiants peut mener un spectacle des premières esquisses à la complétion, surtout quand ces artistes sont encadrés par des professeurs et un metteur en piste de talent, dans ce cas-ci le chorégraphe Edgar Zendejas. Présenté les 12 et 13 septembre, Méandre se voulait la consécration de 300 heures de travail de la part de cette cohorte de sept circassiens aux habiletés complémentaires.

Inspiré du film Le labyrinthe de Pan, le spectacle joue la juxtaposition des univers: l'un réel, l'autre imaginaire. Il se veut aussi une réflexion sur la violence, qu'elle soit dirigée vers les autres ou soi-même. « C'est la peur qui vous fait avancer », rappelle d'ailleurs un des interprètes, qui interpelle les spectateurs en leur renvoyant au visage cette propension à contempler avec une joie perverse - la Schattenfreude - les explosions de violence et les malheurs faits à autrui.

Le spectacle fait preuve d'une belle cohérence, pour quiconque acceptera de redéfinir le pacte entre interprètes de cirque et spectateur. Ici, pas de moment « wow » (même si plusieurs prouesses sont à saluer) ou de rires francs, très peu d'instants où déposer des applaudissements. (On sentait d'ailleurs l'inconfort de certains spectateurs, pas nécessairement prêts à lâcher prise.) Edgar Zendejas a tissé une trame de numéros s’intégrant les uns aux autres, unis par un fil narratif cohérent, même pour ceux qui n'ont pas vu le film (dont je suis). On côtoie faunes et divinités de la forêt, les hommes se battent pour l'amour d'une femme, le groupe s'allie ou se ligue contre un individu, on réfléchit à la guerre et à la violence, les numéros de cirque remplaçant les trois épreuves que la protagoniste du film doit vaincre. On a droit ici à un véritable Gesamtkunstwerk, la musique plus atmosphérique que narrative soutenant le propos de bout en bout sans s'insurger en récit parallèle.

On saluera l'inventivité du numéro de main à main sur monocycle (Ronan Duée et Dorian Lechaux), la créativité de transposer un trapèze en carillon, l'intelligence de se servir des sangles aériennes pour transformer un des protagonistes en marionnette et le magnétisme absolument renversant de Guillaume Paquin qui offre un numéro inoubliable de corde lisse et brûle la scène même quand il agit comme rôle de soutien, à travers une corporalité particulièrement expressive.

mercredi 27 août 2014

Sur le fil

(article rédigé dans le cadre de ma résidence de cirque en juillet)

À l’ère du numérique, de l’instantané, alors que le bombardement d’images parasite l’imaginaire, est-il encore possible de s’évader d’un quotidien souvent trop prosaïque? Quel rôle peut jouer le cirque? Doit-il simplement divertir, éblouir? Un fil narratif est-il nécessaire – ou même souhaitable? Si oui, doit-on nécessairement y superposer, en deuxième narration, de façon presque insidieuse, une trame sonore? Chaque compagnie avancera des réponses différentes à ces questions, autant d’approches complémentaires qui rejoindront le spectateur à plus d’un niveau.

Une syntaxe en évolution

Comme ses influences directes ou indirectes – les jeux antiques romains, les bateleurs et les troubadours du Moyen Âge –, les premières représentations de cirque de Philip Astley ne s’appuyaient pas sur une narrativité linéaire pour rejoindre le public. Si pantomimes et numéros de voltige se liaient aux numéros équestres, il ne s’agissait pas ici de raconter une histoire, mais bien de mettre sur pied une soirée équilibrée, qui mettrait en lumière les prouesses des artistes, mais surtout créerait un certain niveau d’attente et de fascination. Porté par les roulements de tambour ou une diatribe, le badaud veut être confronté à l’inusité. Quand, un demi-siècle plus tard, on choisit d’ajouter le domptage des animaux et des pantomimes à grand déploiement – par exemple « Les lions de Myore », segment mis sur pied en 1831 par les frères Franconi pour Henri Martin –, on continuera de privilégier un discours fragmenté, ponctué d’une série d’apex successifs, habilement calibrés.

Dans les années 1970, le cirque s’essouffle. Peut-être était-il nécessaire qu’il passe à deux doigts de devenir obsolète pour connaître une véritable renaissance avec le nouveau cirque, mais aussi la mise sur pied d’écoles agréées et l’appropriation de la forme par les artistes du monde de théâtre, permettant l’exploration de nouvelles dramaturgies. Les prouesses sont remplacées par un discours cohérent et une conceptualisation du propos. Un certain réalisme et une réflexion sociale sont incorporés aux productions, ainsi qu’une ligne narrative servant de guide.

Si l’on préfère aujourd’hui parler de cirque contemporain ou « de création », il faut surtout remarquer combien les frontières entre les genres deviennent floues, le spectacle de cirque ressemblant très souvent à la performance, au cabaret ou à la danse contemporaine.

mardi 5 août 2014

Cirkus Cirkör

Depuis ma résidence en cirque, je fais souvent des rêves qui y sont liés. Autant de spectacles qui n'existent que dans ma tête, dont je me rappelle parfois quelques bribes le matin venu. Quand je suis éveillée, je préfère découvrir d'autres univers, tout aussi oniriques, comme ceux de deux spectacles récents de la compagnie suédoise Cirkus Cirkör.

Comment résister à l'imagerie si particulière du spectacle Wear it like a crown, d'après l'envoûtante chanson éponyme de la Norvégienne Rebekka Karijord?
Impossible aussi de ne pas vouloir réserver un avion (ils seront à Velaux et à La Haye en octobre) pour aller voir Knitting Peace.

samedi 2 août 2014

Opus de C!rca

Quand la musique de Chostakovitch, interprétée en direct par les membres du réputé Quatuor Debussy, se mêle aux prouesses de 14 acrobates de la compagnie australienne C!rca, cela donne quelque chose d'assez magique, il faut l'admettre...

Le spectacle a été créé l'année dernière aux Nuits de Fourvière de Lyon...

samedi 12 juillet 2014

Le concierge: sympathique

Il est concierge... mais pas n'importe où. Il travaille, de nuit, dans un théâtre, s'inspirant des objets qu'il croise - ou qu'il doit « réparer » - pour s'inventer un monde autre, moins ennuyeux sans doute que celui dans lequel il évolue le reste du temps. Il convoque les esprits de ceux qui ont foulé les planches du théâtre (un peu comme le fait le preneur de son qui dialogue avec les fantômes dans Le silence de l'opéra de Pierre Créac'h), mais aussi un public. Le « vrai » - celui en salle - en profitera pour le soutenir dans ses premiers pas de magicien (un lapin en peluche se trouvant compressé dans le chapeau haut-de-forme), mais aussi de danseur de ballet, alors que les pointes qu'il revêt tendent automatiquement ses arches de pied et lui confèrent une grâce toute aérienne, la maladresse attendue du clown se trouvant d'un seul coup entièrement diluée. 

Les deux numéros musicaux nous font osciller entre le sourire et la tendresse. Anthony Venisse a pris dix ans de leçons et cela a su porter ses fruits ici, qu'il nous interprète une valse toute en demi-teintes de sa composition, hommage à celles de Chopin ou qu'il devienne un chef d'orchestre délirant, en queue-de-pie conçu à partir de la vareuse du concierge, qui convoque les différentes sections de l'orchestre. On a droit à des moments particulièrement brillants quand il extraie une corde basse du piano pour devenir contrebassiste (6 min 53 de la présente vidéo) ou quand il souffle dans le trapèze quand les cuivres s'en mêlent (7 min 30). On voudrait presque le numéro serve d'initiation à la « grande » musique pour les petits tant il est conçu avec intelligence.

Le spectacle se termine comme si le concierge avait définitivement choisi le monde du rêve. Après quelques envolées de trapèze, il retourne à l'ombre, comme si nous avions rêvé ces instants (magistralement mis en lumière par (Bruno Rafie).

Ce soir et demain au Quat'Sous.


Le Concierge/The Janitor from Anthony Venisse on Vimeo.