mardi 30 juillet 2013

Les abandons de lecture

Le site Goodreads s'est penché sur les raisons qui motivent les abandons de lecture. On apprend ainsi que les cinq classiques qui tombent le plus des mains des lecteurs seraient Catch 22 de Joseph Heller (dans ma PAL, oups!), Le seigneur des anneaux de Tolkien (aucune envie de m'y coller), Ulysse de James Joyce (un jour peut-être), Moby Dick de Herman Melville (si j'ai vu le film, ça compte?) et La gréve ou La révolte d'Atlas d'Ayn Rand (enfin traduit correctement en français en 1991).

Première fait une analyse des résultats ici...

Les familles de l'orchestre

Découvrez une façon différente de percevoir les différentes familles d'instruments de l'orchestre, dans cet extrait de L'oreille absolue de Mathieu Boutin, recrue de juillet, lu par Pascale Montpetit et illustré par leur charmante puce, Clara Vi Boutin.

Les violoncellistes grands séducteurs de l'orchestre ? Avoir su...

 

dimanche 28 juillet 2013

5018 rue Cartier – L’art de la conversation : théâtre social revisité

Dans La présentation de soi, Erving Goffman, sociologue et linguiste, l'un des principaux représentants de la Deuxième École de Chicago, évoque la vie sociale comme une scène de théâtre, avec ses acteurs, son public et ses coulisses (un lieu qui nous permet de contredire l'impression donnée en représentation). Nous pouvons endosser plusieurs rôles – sans que l'un soit plus vrai que l'autre – ou intégrer une distance par rapport à notre jeu. Goffman parle de fausse note quand un ou plusieurs impairs commis par les participants peuvent susciter un malaise général. Pour pallier ceux-ci, nous développons des techniques de protection, qui peuvent par exemple prendre la forme d'échanges réparateurs ou d'aveuglements par délicatesse. Dans le laboratoire théâtral 5018 Cartier : L’art de la conversation, les dramaturges Maxime Champagne et Léo Loisel ont inversé les paradigmes de Goffman en faisant le pari que le théâtre pourrait mener à une série d'interactions sociales avec et entre ceux assistant à ce déambulatoire sympathique, sis dans un 5 ½ comme d’autres. Utopique?


D’entrée de jeu, les spectateurs/participants se trouvent confrontés à une donne qui leur échappe. Assemblés dans la ruelle adjacente à l’appartement, certains poursuivent leur discussion; d’autres se demandent si le voisin en train de fumer sur son balcon ne fait pas partie du spectacle. Avec le sourire, Maxime Champagne note les noms, avant d’expliquer brièvement la théorie de Goffman et de rappeler à la plupart des souvenirs volontairement enfouis de cour d’école, alors que les chefs choisissaient leurs coéquipiers. À ma grande surprise, j’ai été recrutée comme premier choix par Léalie Ferland-Tanguay, qui servirait de guide à notre petit groupe de six au cours de la soirée. Une fébrilité certaine se faisait sentir, tant du côté des comédiens que du public (constitué en bonne partie de collègues de l’École nationale de théâtre, de parents et amis), mais tous semblaient avoir accepté qu’ils ne pourraient qu’exercer qu’on contrôle relatif sur la suite des événements.

Premier arrêt obligé : la salle à manger, histoire que les comédiens se présentent en toute simplicité. Un absent, un autre Maxime, en retard un soir de première, est évoqué en surface, avec un brin d’exaspération. Chaque groupe se dirige alors vers une pièce de l’appartement (nous étions sur le balcon avant) pour faire connaissance. On apprend que l’un aime la lecture, l’autre les marches en forêt, qu’une troisième partira en voyage en Algérie dans quelques jours... Une troupe hétéroclite, pourtant liée par une certaine curiosité.

vendredi 26 juillet 2013

Laboratoire vivant II : Bêta et R*pe : Danser l’indicible

La danse peut-elle tout exprimer, de la légèreté presque désincarnée à la violence la plus sublimée? Zone Homa proposait hier un programme qui semblait vouloir faire la preuve que, même lorsque l’on croit avoir tout vu, tout ressenti, une décomposition inattendue d’un mouvement, une nouvelle façon d’aborder un langage pourtant balisé peut mener le spectateur si non dans un espace entièrement étranger, du moins offrir un éclairage différent.

La soirée s’articulait autour de deux axes. Le premier, volontiers plus ludique, Laboratoire vivant II : Bêta, une conception originale de Sébastien Talbot, sollicitait la participation du public qui s’est amusé ferme à assembler des séquences chorégraphiques et à parfois semer volontairement des embuches sur le trajet des interprètes, juxtaposant des segments dans la salle ou sur scène.

Marika Dumoulin Lafond, photo d'Emilie Tournevache
On peut lire le reste de ma critique sur le site de la revue Jeu ici...

jeudi 25 juillet 2013

Zone Homa

Pour sa cinquième édition, la Zone Homa frappe fort en offrant 48 propositions différentes. Lieu d'incubation, de recherche et de réflexion, la Zone permet de tâter le pouls de créateurs émergents à prix doux d'ici la fin août. Que votre cœur balance du côté du théâtre (on y reprend d'ailleurs ce soir l'excellent Moi et l'autre, découvert au Festival du Jamais lu ainsi que 5018, rue Cartier, L'art de la conversation, une proposition intrigante, reprise demain et samedi), de la poésie, de la danse (je vous reviens demain avec ma critique du programme double vu hier) ou de la musique, vous trouverez assurément matière à vous étonner.

Découvrez la programmation ici...

mardi 23 juillet 2013

Les notes bleues

On fait parfois des découvertes étonnantes dans des bacs de liquidation, un jour de vente de trottoir, comme par exemple un livre « musical » dont on n'avait jamais entendu parler, auquel il aurait semblé futile de résister.

Besse Stallone complète ses études à Juilliard quand elle est remarquée par David Montagnier, virtuose français, qui a perdu peu de temps auparavant sa partenaire de duo de pianos. Tout pourrait aller superbement dans le meilleur des mondes, mais quelques écueils ponctueront la route des nouveaux collaborateurs, notamment la fâcheuse propension de Besse à s'évanouir quand elle doit faire face au stress intense de la scène.  
« Le professeur Stein aimait répéter que les concerts étaient comme des tableaux. Vous prépariez le cadre, vous connaissiez le sujet, mais vous deviez vous attendre à des surprises.  L'art était imprévisible, c'était ce qu'il avait de merveilleux. »

À travers les chapitres, au rythme soutenu, le lecteur se glissera aussi bien en salle de répétition que dans la cuisine familiale d'une banlieue banale de Long Island, dans les fêtes de millionnaires que dans l'Alice Tully Hall. Le livre se révèle une lecture toute en légèreté, néanmoins non dépourvue d'une certaine substance et de quelques rebondissements assez bien amenés. On pourra s'insurger contre les sonates pour piano de Prokofiev soient devenues des symphonies (Erreur de l'auteure ou de la traductrice? J'opterais pour la seconde option.) ou s'interroger quand Besse affirme que sa pièce préférée du répertoire est le simplissime Prélude en do majeur du premier livre du Clavier bien tempéré (tout est possible), page qui servira un peu de leitmotive tout au long du roman. Pourtant, on se laisse happer par ces personnages à la fois si proches de nous et plus grands que nature. Si on ne se pâmera pas sur la beauté plastique d'une phrase, on passera assurément un agréable moment de lecture.

dimanche 21 juillet 2013

C'est de saison!

Quand on fait partie des cinq coins du globe, on n'a forcément pas tous la même définition de « saison ». La chaleur était si oppressante que je n'ai pas eu envie de sortir caméra au poing et ai proposé une des photos prises lors de l'événement 13 Bells, mais aussi celle-ci, qui a une portée presque universelle.


Photo: Lucie Renaud
Vous pouvez voir comment les copines ont décliné le thème ici...

samedi 20 juillet 2013

Une brise...

... de l'Est, venue du passé, parce qu'ici, on n'en peut plus de sentir la sueur perler...

vendredi 19 juillet 2013

J'ai bien aimé le soir aussi

J'avais noté ce titre au détour d'une visite sur une blogue, l'avait aussitôt réservé à la Grande Bibliothèque, même s'il n'était pas  encore arrivé au Québec. Quelques semaines plus tard, un avis de disponibilité atterrissait dans ma boîte de courriel. Je n'ai même pas ouvert le roman sur le champ, me plongeant dans l'un des deux autres empruntés ce jour-là et puis, un soir, j'ai senti qu'il m'appelait, que j'étais prête à la rencontre. Au choc plutôt. Pourtant, j'ai attendu près d'une semaine avant de recopier les 13 citations retenues. Encore portée par l'émotion ressentie à la lecture du livre, je me disais que, peut-être en avais-je exagéré sa portée.

Le pari demeure audacieux: raconter, dans un livre à quatre mains, dans lequel flotte le parfum de l'autofiction, l'histoire d'un amour que l'on pense condamné d'avance. Elle a 48 ans, travaille à L'Express (comme Christine Kerdellant), sort d'un mariage banal, n'a connu que des relations monogames qui s'inscrivent dans la durée. Lui, un général, marié, en a 55 et collectionne les aventures comme les étoiles sur son uniforme. « J'ai donc vingt minutes pour vous séduire », admet-il d'emblée, alors qu'elle l'interviewe pour un article de fond. Elle croit demeurer maîtresse de la situation en lui précisant qu'ils ne vivront qu'un seul weekend d'amour, à Istanbul, que l'histoire se terminera sitôt après, mais le destin les obligera à revoir leur échéancier.

À travers cela, ils écrivent: des lettres, des courriels, des textos, mais aussi des chapitres de roman, certains se voulant deux regards distincts sur un même événement. Se confient-ils en toute honnêteté? Le roman qui s'échafaude n'a-t-il pas pris une vie propre, porté par les libertés littéraires, les cachotteries amoureuses, autant d'ellipses qui rendent de plus en plus flous les contours de cet objet que l'on peaufine, que l'on élague, dont on occulte peut-être l'essentiel?
« En écrivant notre roman d’amour, nous avons craint que l’amour ne s’échappe, mais c’était le roman qui s’était affranchi de notre contrôle pour nous conduire vers son apogée, vers le gouffre. J’avais cru à la solidité des hommes et à la fragilité de leurs rêves. Mais c’était le contraire qui était vrai. »

Le roman aurait rapidement pu devenir un exercice de style, un concours de métaphores, l'un surenchérissant sur les bases de l'autre. Il n'en est rien. Jamais on ne se perd dans cette narration à plusieurs voix, celle de chaque amoureux, mais aussi celle de la narratrice principale, de l'instigatrice du projet - mais est-ce bien la sienne? - qui prend la plume parfois pour nous expliquer pourquoi elle a retranché certains chapitres, comment un événement freinait le rythme. Cela permet au lecteur de non seulement de déchiffrer cette histoire à travers un kaléidoscope d'instants, mais en passant de l'autre côté du miroir, dans le scriptorium. 
« Virginia Woolf prétend que rien n’existe tant que cela n’a pas été écrit. L’écriture donne leur existence aux choses, en les objectivant et en les sauvant de l’oubli. Mais j’ai payé pour savoir qu’en dévoilant le passé et le présent, elle change l’avenir. »
On réalise rapidement qu'il s'avère futile de savoir si l'histoire d'amour évoquée s'inscrit dans une certaine réalité, comment est né le projet, qui a écrit quoi ou même l'identité du mystérieux Pierre Maurienne, pseudonyme d'un essayiste. On se laisse happer par l'histoire, magnifiquement narrée, tout simplement. Le reste n'est que littérature...
 « J’aurais voulu que ce livre n’ait pas de chute. Pas parce que le dénouement ne sera jamais à la hauteur du déroulé. Mais parce que les histoires d’amour, comme toutes les histoires humaines, n’ont d’autre fin que la mort. »

jeudi 18 juillet 2013

Lire à la mer

Pas besoin de partir avec un sac rempli de livres quand on passe ses vacances à la plage d'Albena en Bulgarie. En effet, l'architecte autrichien Hermann Kompernas y a dessiné la première bibliothèque de plage d'Europe, un meuble loin de 12 mètres qui protège les livres de l'humidité et du vent.

Plus de 3000 livres, en 10 langues (dont le français bien sûr), peuvent être empruntés par les vacanciers. Vous pouvez aussi y déposer vos livres, une fois ceux-ci terminés. Une belle idée à adopter... ou adapter!


Photo: L'Express

mercredi 17 juillet 2013

L'oreille absolue

Il faut admettre que peu d’écrivains savent comment aborder le monde un peu particulier de la musique. Certains glisseront peut-être ici ou là le titre d’une chanson populaire, mais rares seront ceux qui oseront pénétrer cet univers que l’on imagine à l’air raréfié, celui de la musique dite de concert. Les puristes qui attendaient un livre dense pourront se rabattre sur une partition de leur choix et l’analyser en détail, car dans ce premier roman pour adultes, Mathieu Boutin entreprend de démystifier – démythifier plutôt – la musique classique.

David, jeune violoniste charmant, déjà vaguement blasé, accumule les contrats de quatuors dans restos, synagogues et autres lieux improbables. Un soir où il dépose en catastrophe son instrument blessé chez son luthier, il rencontre Robert, quinquagénaire membre des deuxièmes violons de l’orchestre symphonique local. Si les premiers échanges se révèlent un peu tendus, les destins des deux musiciens se verront bientôt liés par un clin d’œil du « destin » un tantinet forcé. Boutin agit ici en deus ex machina qui manque un peu de discrétion, mais on accepte la donne de bon gré, car on suit avec un plaisir presque coupable les péripéties des protagonistes principaux, mais aussi des femmes de leurs entourages respectifs, amante, amie, collègue ou mère. Le personnage de Jasmine, mère de Robert, pianiste atteinte d’Alzheimer, reste particulièrement attachant, entre ses accès de rage et sa découverte toujours renouvelée de la musique, ne se rappelant pas d’une journée à l’autre avoir jamais maîtrisé les pièces qui se retrouvent sur son lutrin. (On osera souligner en passant que les études confirment qu’un nombre infime de musiciens professionnels est atteint d’Alzheimer, les constantes connexions entre les deux hémisphères et un corps calleux plus développé servant d’antidote quasi imparable à la maladie. Un cancer du cerveau aurait été plus vraisemblable, mais là aussi, choisissons d’accepter l’incohérence...)

On peut certes saluer la volonté de Mathieu Boutin d’initier le public au grand répertoire à travers cet opus. Si les mélomanes sérieux entendront illico les thèmes des pièces évoquées en lisant certains passages, les néophytes pourront se les approprier grâce à une liste fournie en annexe qui ratisse large, mais qui ne casse pas des briques côté originalité. Les professionnels risquent par contre d’être rebutés par les explications techniques qu’ils pourraient considérer comme simplistes. D’autres lecteurs se lasseront peut-être des envahissantes insertions de cadratins et commentaires directs, du type « Il y frotta de la colophane, maintenant qu’on sait ce que c’est »… Néanmoins, j’admettrai volontiers qu’à plusieurs moments, L’oreille absolue s’est révélé un véritable page turner et que je n’ai pu m’empêcher de sourire aux clins d’œil. Un livre d’été, à lire sur la terrasse, sur le bord de la piscine ou à l’ombre du grand chêne.



lundi 15 juillet 2013

Recrue estivale

« Oui, la musique est antéprédicative. Oui, elle existe avant le langage et ne veut rien dire. Mais n’étant porteuse d’aucun sens, elle les possède tous », expliquait le philosophe Michel Serres dans une entrevue pour Télérama en juillet 2011, alors qu’il lançait son essai simplement intitulé Musique. N’est-il pas futile de vouloir décrire la musique en mots? Ne résume-t-elle pas toutes les langues? Peut-on l’inscrire au cœur d’un roman? Mathieu Boutin, notre Recrue ce mois-ci, le croit. Cela donne un livre tout en légèreté, des personnages attachants, une initiation en douceur pour ceux qui ont peur de ne pas s’y retrouver et nombre de clins d’œil savoureux pour ceux qui connaissent déjà cet univers. Jamais on n’a l’impression d’être témoin d’un exercice de style. Cela ne relève pas du hasard, puisque l’auteur dit lui-même dans le questionnaire : « Si on parle de structure, je suis tout là. C’est comme de l’architecture. La plus efficace n’est pas toujours visible. La structure c’est une façon sournoise mais bienveillante de manipuler le lecteur. C’est presque un autre personnage qui souffle des choses à l’oreille du lecteur. En fait, c’est même plus ninja que ça. Une structure bien menée peut être un roman en soi, un roman en filigrane de l’histoire, en contrepoint. Une autre lecture. » L’auteur se livrera aussi, en toute simplicité, mardi prochain, le 23 juillet, sur les ondes de CKCU.

Dans un autre registre, nous vous proposons aussi ce mois-ci une lecture en duo des Pavés dans la mare de Nicolas Delisle-L’Heureux. Venise Landry a tout de suite été happée par cette histoire à tiroirs, la multiplicité des liens que le protagoniste entretient avec son entourage, cet engagement qui s’inscrit au cœur du titre. Marie-Jeanne Leduc a préféré l’analyse de la crise de confiance du jeune homme envers la société capitaliste dans laquelle nous vivons et le regard que l’auteur porte sur les révolutions passées.

Les amateurs de sagas historiques ne seront pas en reste avec Écris-moi, Marie-Jeanne, qui opte pour une double narration, linéaire et épistolaire. En écho, Brigitte Pilote s’inspire dans son deuxième roman, Motel Lorraine,  de l’assassinat de Martin Luther King pour offrir un texte choral, galerie de personnages autant que peinture d’époque. La poésie minimaliste de Bruno Lemieux se révèlera sans doute une panacée idéale pour qui souhaite s’arrêter à l’infime mouvement des choses et des êtres. Je me pose en théorème/ métronome dans le miroir/le bras à la rencontre du bras / s’éloigne de la mesure/ ma chair en images. La musique est décidément partout…

Pour découvrir le nouveau courant de La Recrue...



dimanche 14 juillet 2013

Maria de Barros: un spectacle généreux

Je n'aime peut-être rien autant que le plaisir de débarquer quelque part sans trop savoir ce qui se passera et en sortir avec l'impression d'un rendez-vous essentiel, que ce soit en galerie d'art, lors d'une manifestation extérieure ou en salle. Vendredi soir, la découverte relevait de cette dernière catégorie, alors que j'accompagnais Lali au spectacle de Maria de Barros présenté par le Festival Nuits d'Afrique. J'avais entendu un album tout au plus de la filleule de Cesaria Evora, mais ai suivi Lali les yeux fermés ou presque, puisqu'elle avait déjà entendu la dame en spectacle lors d'une édition précédente du FIJM, surtout que cela me permettrait de découvrir un nouveau lieu, le Cabaret du Mile-End, des plus chaleureux parce que de dimensions relativement intimes.

Portée par un band de cinq musiciens (trois du Cap-Vert, deux du Brésil) qui exultaient un plaisir manifeste à l'accompagner, la superbe chanteuse sanglée dans des tenues de diva (mais qui est descendue de ses escarpins après quelques pièces à peine, histoire de danser avec plus de liberté) a offert un spectacle aux couleurs multiples, passant du registre intime (délicieux Caresse-moi ou magnifique Manha de Carnaval ou par exemple) à l'effervescence la plus pure (Mi Nada Um Ca Tem, Sol di manha ou Regadera), sans oublier un hommage émouvant à la grande Cesaria (Sodade).

Le public, visiblement conquis, a envahi la piste de danse (et même la scène) à plusieurs reprises, a repris avec un bel enthousiasme certaines phrases clés des chansons proposées. Après deux rappels contagieux, je suis sortie avec un sourire franc et peut-être même un petit déhanchement involontaire.

Deux pièces aux couleurs différentes pour découvrir Maria...

jeudi 11 juillet 2013

Le nom de la lumière

Ce texte de Pierre Le Coz, acheté il y a deux ans dans une certaine grande surface parisienne, alors que je bouquinais avec celle qui depuis est devenue une amie fidèle, se veut un voyage de l'ombre à la lumière, du passé au présent, du non-dit à l'expression. Dense, mais pas inaccessible, il se lit plus comme un recueil de poésie qu'un roman. J'en partage quelques extraits avec vous, histoire que vous puissiez vivre ce langage si particulier de l'intérieur.

« Le langage alors était ce fruit pendu à l’arbre du silence. » (p. 9)

« Du soleil en effet ne restait qu’une trace violente : la couture pourpre qui se résorbait, telle une cicatrice, à l’extrémité du jour. » (p. 71)


« C’était une pièce très lente qu’il jouait, une fugue dont les voix semblaient surgir de la nuit pour dialoguer à nouveau, comme à chaque fois qu’on interprétait le morceau, au-dessus du noir abîme de l’absence. » (p. 79)


« La poésie, ni la mienne ni celle des autres, ne trouvait grâce à ses yeux; elle était, m’expliquait-il, une contradiction dans les termes; elle tentait d’approcher avec des mots ce qui précisément n’est pas de l’ordre du dicible. On ne fixe pas ce qui, par essence, ne fait que passer, n’est là qu’en visite; l’intention de poésie ruinait par avance toute poésie. » (p. 87)
« L’écriture était encore, à sa manière, une correspondance, mais correspondance à sens unique, entre un qui parle et un qui se tait, entre un qui propose et un qui se dérobe obstinément. » (p. 92)


mardi 9 juillet 2013

Exercice d'abandon

« Et il lui vint une étrange idée : n’était-ce pas une chance, finalement, que le hasard les ait fait se rencontrer. Peu importaient les circonstances, peu importait qu’ils soient tous les deux embarqués dans une histoire dont ils étaient les victimes, ils étaient ensemble et cela lui suffisait. »
Des histoires d'adultère, on en a sans doute lues des centaines au fil des ans, qu'elles soient signéespar de grands noms ou d'illustres inconnus. Pourtant, peu de livres sont consacrés à ceux qui restent, que l'on a quittés et sans doute encore bien moins qui mettent en scène les deux exclus qui se rencontrent, se racontent et tissent, le temps d'un voyage entre deux escales sur le Mékong, des liens qui leur deviennent propres. On ne saura jamais pourquoi deux membres de ce quadrilatère ont quitté un matin le navire, ni même s'ils étaient amoureux. On découvrira à peine quelques bribes de leur vie passée, à travers des vêtements laissés derrière, un souvenir, un secret échangé, les deux protagonistes refusant les faux-fuyants, sans être encore entièrement capables de se réinscrire dans une réalité qu'ils n'ont pas choisie. Le propos est ailleurs.

Catherine Guillebaud, que je découvre ici grâce à une pioche plutôt chanceuse au rayon nouveautés de la Grande Bibliothèque, possède une plume d'une grande sensibilité, qui refuse pourtant toute sensiblerie. Les sentiments s'esquissent peut-être en demi-teintes, mais ne manquent jamais de relief. On se retrouve rapidement happé par ce huis-clos accepté, cette fuite à l'intérieur de deux êtres comme tant d'autres qui ne souhaitent pas faire face aux regards plus ou moins appuyés des autres passagers de cette croisière où tous ne s'amusent pas avec désinvolture.



samedi 6 juillet 2013

Bain au festival

Après m'être à peine trempée l'orteil dans le Festival de jazz de Montréal avec le spectacle de Woodkid (qui, du jazz n'est point), j'ai eu envie de retrouver l'essence même du genre, deux soirs de suite, en salle, en extérieur, histoire de vraiment prendre le pouls de cette édition.

Jeudi soir, malgré un centre-ville en demi-blackout (qui a mis le propriétaire du Upstairs sur les dents un certain temps), j'ai réussi à me glisser en fond de salle (puis en terrasse) pour entendre la mythique Helen Merrill. Une voix somptueuse sur disque, une feuille de route fracassante, une palette expressive que plusieurs pourraient lui envier et encore impériale dans les « coulisses » (en haut de l'escalier du Upstairs) à presque 83 ans, alors que l'excellent trio de Ted Rosenthal préparait la salle... Malheureusement, là devra s'arrêter ma liste de superlatifs, car la dame, si elle possède encore des graves troublants, n'est plus que l'ombre de la légende qu'elle a déjà été. Voyons ce tour de chant comme un écho de sa divine présence et retrouvons-la plutôt sur disque.

Direction Théâtre Jean-Duceppe ensuite pour le 10e anniversaire du film Les Triplettes de Bellevile, présenté avec musique en direct par Benoît Charest et le Terrible Orchestre de Bellevile. J'ai découvert avec grand plaisir ce film dont je n'avais vu que des extraits ici et là, mais ai surtout été soufflée par la densité de la partition de Charest, magnifiquement livrée par la bande des compères qui y sont même allés à l'occasion de quelques « steppettes » (un segment de podorythmie absolument délicieux). Chapeau!

Hier soir, registre complètement autre, alors que deux pianistes plutôt iconoclastes, Vijay Iyer (que j'aime beaucoup) et Craig Taborn (que je découvrais), nous offraient un programme de deux pianos. On était ici beaucoup plus proche du récital de musique contemporaine que du jazz « qui swing », ce qui se relevait beaucoup plus exigeant pour l'auditeur, mais que de beaux moments! On avait l'impression d'avoir affaire à une hydre à deux têtes pensantes, aux jeux et atouts complémentaires. Un réel travail sur les textures a été réalisé par Iyer (qui nous a proposé plusieurs cellules atmosphériques brillantes) et Taborn (belle utilisation de l'intérieur du piano et des basses pulsantes notamment). J'ai cru entendre tour à tour Debussy, Ravel (le début de La Valse, avec cette impression de son qui émerge du magma), Schoenberg, des relents de boogie-woogie et de walking bass, mais le tout filtré par deux grands alchimistes.




Soirée découverte ensuite, au hasard des propositions sur les scènes extérieures. Je me suis baladée entre les sonorités « smooth jazz » de Laïka, tout en retenue, le feu brûlant de la chanteuse Christine Salem, originaire de la Réunion, admirablement soutenue par deux percussionnistes à l'énergie apparemment sans limite (j'explorerai assurément son album), le blues traditionnel de The Harpooniste & The Axe Murderer (non, mais quel nom improbable de duo!) et le funk explosif de The Dynamites et Charles Walker dont j'ai avalé le set complet avec un plaisir presque goulu. (J'ai fortement considéré de rester pour entendre le deuxième set à 23 h, c'est dire.) Chaud devant!

 

jeudi 4 juillet 2013

You're just a ghost

Je me glisse en salle ce soir pour deux événements du Festival de jazz (la grande Helen Merrill et le 10e anniversaire des Triplettes de Belleville, le film étant accompagné de musique en direct), mais je dois admettre que je regrette de ne pas l'avoir fait avant-hier pour écouter ce très talentueux jeune homme, Thomas Enhco, pianiste classique et jazz. (Les deux genres sont devenus de plus proches parents au fil des ans, il faut bien l'admettre.) Le voici avec son trio dans You're Just a Ghost...

mercredi 3 juillet 2013

Troisième Bagatelle de Ligeti

Le Galliard Ensemble célèbre son 20e anniversaire avec une vidéo plutôt évocatrice d'une plage de son album Opus Number Zoo (titre d'une des œuvres de Bério au programme), consacré à des quintettes à vent écrits au 20e siècle. On le retrouve dans la troisième bagatelle de Ligeti. une valse un brin décalée, « à l'orgue de Barbarie », l'un des six des onze segments arrangés pour quintette à vents du Musica Ricercata (écrit pour piano). L’œuvre date de 1953, alors que le compositeur avait 30 ans et enseignait à Budapest.


mardi 2 juillet 2013

Woodkid: l'osmose

J'ai découvert Woodkid au début février, lors de la sortie du clip pour I love you, un bijou en noir et blanc, que j'avais illico partagé avec vous. Bien sûr, je n'en resterais pas là. Dès le lendemain, je commençais à arpenter les corridors du Net pour m'approprier le son bien particulier de ce surdoué qui, après une formation en piano classique, s'est plutôt dirigé vers le graphisme et la réalisation de vidéos, pour des grosses pointures telles Lana del Ray, Taylor Swift et Katy Perry. J'ai résisté quelques jours tout au plus lors de la sortie de son premier album avant de l'acheter, charmée par cette pop intelligente que je qualifierais de cinématographique. Les arrangements se veulent touffus, l'échantillonnage jamais gratuit, la voix riche, les textes plutôt travaillés. J'étais donc particulièrement fébrile de le découvrir en spectacle, dans le cadre du Festival de jazz de Montréal. (Les organisateurs ont-ils écouté attentivement cet album? Qu'a-t-il de jazz? Mais ne boudons pas notre plaisir.)

Massées à quelques mètres de la scène d'un Metropolis bondé, derrière un duo de géants, Topinambulle et moi trépignions d'impatience, incapables d'accrocher à la pop-électro gentillette de Mozart's Sister. Une impression d'avoir été invitées dans un loft industriel et d'être témoins d'une improvisation, certes sympa, mais pas particulièrement aboutie. Enfin, la musique d'ambiance s'est tue et les comparses de Woodkid se sont installés, vêtus de noir, plus grands que nature. L'appel des cuivres, porté notamment par le souffle du tuba, a suffi à transporter la salle en quelques secondes. Visiblement, la salle (et je m'inclus) était conquise d'avance, saluant le chanteur français comme s'il était un héros. Quelques notes de Baltimore's Fireflies ont suffi pour comprendre que ce serait un grand soir, que le spectacle se voulait conceptualisé de A à Z, que la puissance des instrumentistes ferait trembler la baraque (et vriller les tympans), que les éclairages ne relèveraient pas de l'improvisation et que les projections demeureraient au service de la musique. Ces premières images d'une immense cathédrale coupaient le souffle, les deux percussionnistes, au début silencieux, servant d'une certaine façon de gardiens du temple de chaque côté de l'écran.

Woodkid et ses sept complices - un claviériste, un programmeur, un trompettiste, deux trombonistes dont l'un faisait aussi office de tubiste et deux percussionnistes tout simplement explosifs; on aura rarement eu droit à une telle charge de testostérone sur une même scène - allaient chauffer la salle à blanc, faisant monter la clameur quand bon leur semblait, mais la forçant également à une écoute attentive, par moments presque religieuse.

Toutes les plages de l'excellent premier album The Golden Age ont été exploitées au maximum, s'inscrivant dans un tout cohérent, qui se déclinait en noir et blanc, qui nous a laissés le souffle coupé, le cœur un peu en rade (quoi? déjà terminé?) après un explosif Run Boy Run. Je serai assurément en salle lors de son prochain passage à Montréal, dans un habillage symphonique peut-être?