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lundi 4 avril 2016

Refuser la haine

« La race humaine doit sortir des conflits en rejetant la vengeance, l’agression et l’esprit de revanche. Le moyen d’en sortir est l’amour. » 
Martin Luther King

mercredi 19 août 2015

Entre littérature et musique


« Dieu, hésitant, se tourne vers moi et me demande de trancher : Angèle, entre les livres et la musique, que dois-je conserver? Je choisis les livres parce que sans lecture il n’y a plus de mémoire, plus d’accès à la connaissance, plus de magie, plus de tremplin vers de nouvelles expériences, de nouvelles écritures, de nouvel héritage. Pourtant, si la terre se dépossédait se  dépossédait de la musique, je crois qu’elle s’effondrerait de chagrin. »
Christine Eddie, Je suis là

lundi 13 juillet 2015

Bach

« Là, le Concerto pour violon en la mineur, puis celui en mi majeur ont existé pour la première fois. Dans l’âme émerveillée de la petite fille, qui n’avais jamais entendu que du rock & roll et du country, s’est élevé quelque chose comme l’espoir, comme une lumière qu’elle n’avait jamais imaginée. Elle s’est dit : « C’est Dieu. C’est Lui. Il me parle à moi. Il me parle! » Et quand le disque a été fini, elle a prié, d’une voix transfigurée, oubliant la redoutable jointure de madame Dubé : 
- Encore, oh! Encore! » 

Marie Christine Bernard, Autoportrait au revolver 

mercredi 17 juin 2015

Pardon

 
« Les porcs-épics s’en donnaient à cœur joie. Perçaient les cœurs, qu’ils ne puissent plus aimer. Lacéraient les mains, qu’elles ne puissent plus caresser. Crevaient les yeux, qu’ils ne puissent plus voir la beauté. […] 
Enfin, l’un d’eux – homme, femme, enfant? – osa lever une main, lentement, pour la passer sur le dos de l’animal qui, un instant plus tôt, s’acharnait à lui trouer le cœur. Celui-ci poussa un petit soupir et se retourna, offrant son ventre à la caresse. Chacun, devant ce spectacle, trouva le courage de toucher son porc-épic. Et chaque porc-épic réagit pareillement. 
C’est ainsi que la parole a guéri les êtres humains. Oh, les porcs-épics sont encore là. Ils le seront toujours. Ils piquent encore, parfois. Mais ils sont désormais apprivoisés. Et on n’a qu’à prononcer à nouveau le dernier mot pour les apaiser. 
Pardon. »  
Marie-Christine Bernard, Matisiwin

mardi 12 mai 2015

Journal de Marie Uguay

Il y a des livres qui traînent longtemps dans notre PAL avant que, un beau jour, on ne les en extraie. Mon exemplaire grand format du Journal de Marie Uguay aura connu un destin autre. 

Acheté sur la recommandation de Dominique, libraire chez Olivieri (maintenant copropriétaire de TuliTu à Bruxelles), il a presque aussitôt été relégué à ma table de chevet, pourtant très rarement encombrée. (On y retrouve ces temps-ci Le marteau sans maître de René Char, que je savoure à petites doses, surtout que je dois couper les pages reliées au fur et à mesure.) En juin 2012, il m'accompagnerait en France, mais ne serait ouvert qu'au retour, dans l'avion. Au fil des mois qui ont suivi, je le feuilletterais de temps en temps, en lirais quelques pages, puis il reposerait de nouveau, intouché, parfois pendant des mois. 

Quand j'ai déménagé il y a deux ans, j'aurais pu le mettre dans mes rayons, lui faire rejoindre les autres titres de ma PAL. Que nenni. Il a été déposé une fois encore sur ma table de chevet, attendant le moment où... Il y a quelques semaines, j'ai terminé cette lecture, avec une fièvre presque dévorante, souvent bouleversée par ces pages magnifiques de Marie Uguay, par la profondeur de ses réflexions sur l'écriture, le regard posé sur son quotidien (et sa maladie), la poésie avec laquelle elle évoque cet amour impossible pour Paul, son médecin traitant. Impossible aussi de ne pas être soufflé par l'immensité des sentiments du photographe Stéphan Kovacs qui a partagé sa vie, lui le responsable de la mise en forme, des annotations et de la présentation de l'ouvrage, alors qu'elle parle d'un autre avec une telle fièvre. (Peut-on parler ici de licence poétique?) Le temps était sans doute venu de la vraie rencontre.

De nombreux papillons de couleur ont accompagné ma lecture, témoins du temps qui passe, des thèmes qui m'interpellaient le plus selon les époques, souvenirs du côté absolument incontournable (pour moi du moins) de cette lecture.

Je m'en voudrais de ne pas partager avec vous quelques perles...

« Pour créer, il faut tout désapprendre, il faut douter de tout, regarder chaque chose avec étonnement, détruire les formes et produire des sens multiples, fluctuants et émouvants. » (p. 181) 
« Mon œuvre ne doit pas dévorer ma vie, mais la multiplier, l’éclairer, lui apprendre à dépasser les frontières. Reculer l’impitoyable méprise entre le concret et le mot, entre la médiocrité du vécu et l’intensité du regard. » (p. 217-8) 
« Il faudrait que la phrase naisse, que le rythme s’instaure, mais les mots tintent approximatifs, dérisoires, fugitifs. L’impossibilité d’écrire m’occupe bien plus que l’écriture elle-même. » (p. 245) 
« Je suis heureuse, je voudrais que cette vie ne cesse jamais. Montréal est à moi comme un beau "désordre universel". Je l’aime partout, tout le temps, à toute heure (même en anglais). Je ne pourrais pas quitter cette terre, cette aisance, ce laisser-aller de ciel et de terrains vagues. Se lever tard ou tôt ne change rien. Aller au cinéma, c’est ma messe. Le rituel m’enchante. Mes poèmes sont des films fulgurants, furtifs, fixes. » (p. 270) 
« Que serions-nous sans la beauté, que nous resterait-il d’humanité? Sans Schubert, sans les Baigneuses de Renoir, sans la poésie d’Apollinaire, que serait le monde? Sans ces montagnes magnifiques et ce lac splendide comme un paysage japonais, qui serions-nous et comment pourrions-nous vivre, qu’est-ce qui nous retiendrait? Sans ce visage aimé dont toute beauté nous semble jaillir, comment pourrions-nous continuer de vivre? » (p. 313) 
« Tant que l’on peut écrire sur son angoisse, c’est qu’elle est encore familière, du moins qu’elle ne transforme pas encore entièrement le monde, mais nous le rend seulement malaisé et terrifiant. La maladie me fait atteindre des niveaux d’angoisse tels que le monde me devient complètement étranger et hors des limites mêmes de la terreur, c’est-à-dire dans l’insignifiance totale. Aucun mot n’a d’emprise sur la réalité, cette réalité qui me rejette. Je ne puis plus écrire, j’en suis doublement malheureuse, doublement angoissée, encore et plus seule. C’est une solitude inaltérable que même la création n’arrive pas à rompre. » (p. 315, déchirants derniers mots du journal, avant le décès prématuré de la poète)

mardi 5 mai 2015

Fuite

« Elle ne lisait plus de livres. Moi non plus. L’excitation était trop forte pour que les pensées se concentrent sur les mots immobiles. De toute façon, si la fiction avait pu remplacer nos jours, il y a longtemps que nous aurions été sauvées. Si les romans avaient pu nous servir de maison, nous aurions cessé de chercher la fuite. » 
Mikella Nicol, Les filles bleues de l'été
Silke Otto-Knapp, AGO

lundi 6 avril 2015

Écrire

Une création Chris Maynard
Écrire est tremblement
Qui veut devenir danse
Écrire et crier dans son sang
Graver dans sa propre écorce
Par en dedans
Écrire
Forceps pour s’extirper du temps
Écrire et puis dormir
Après une bonne saignée
Le grand corps blanc du rêve
Rétablit sa lumière
Suture au point perdu
Écrire

Christian Vézina, L'inventaire des miracles

mercredi 25 février 2015

L'écriture vue par Jean-François Beauchemin

Dans Une enfance mal fermée, Jean-François Beauchemin revient sur sa jeunesse, le départ de ses parents, sa vie quotidienne. Son lien à l'écriture demeure particulièrement fascinant. Quelques citations choisies à partager...

« Oui, il me semble que la littérature n’est pas tellement autre chose qu’un assemblage de matériaux simples (les mots), maintenus ensemble par des boulons et des rivets, si on veut, ou par un mortier (la joie). Un assemblage éclaboussé par l’esprit, si j’ose dire, fait en pleine lumière, mais guère plus qu’un assemblage. » (p. 20) 
« Puis, le visage tourné vers le nord magnétique, j’ai compris un jour qu’écrire des livres de ne m’irait pas mal, puisque j’avais depuis toujours au fond de moi-même les éléments nécessaires : le silence, une sensibilité de grand blessé, une aptitude pour l’architecture, un certain goût pour les phrases. » (p. 28) 
« Ce n’est pas une recherche, un écrivain n’est pas un chercheur. C’est un éclairagiste qui rectifie sans cesse le mouvement subtil de la lumière et de l’ombre jetées sur les mots par l’esprit. » (p. 130) 
« Comment construire un livre? En puisant parmi tous les mots éparpillés plus ou moins au hasard dans l’esprit (comme les matériaux dans l’atelier d’un ouvrier), puis en choisissant avec sensibilité la place que chacun occuper au sein des phrases. » (p. 158) 
« Par exemple, je suis devenu écrivain au moment où le malheur m’arrivait de partout, mais c’est lorsque nous sommes heureux qu’il faut commencer à être artiste. » (p. 172)



jeudi 5 février 2015

Pastorale américaine

Un ami qui est en train de lire le roman de Philip Roth m'a fait parvenir cette citation qui ne peut que porter à réflexion...
« On lutte contre sa propre superficialité, son manque de profondeur, pour essayer d’arriver devant autrui sans attente irréaliste, sans cargaison de préjugés, d’espoirs, d’arrogance; on ne veut pas faire le tank, on laisse son canon, ses mitrailleuses et son blindage; on arrive devant autrui sans le menacer, on marche pieds nus sur ses dix orteils au lieu d’écraser la pelouse sous ses chenilles; on arrive l’esprit ouvert, pour l’aborder d’égal à égal, d’homme à homme comme on disait jadis. Et, avec tout ça, on se trompe à tous les coups. Comme si on n’avait pas plus de cervelle qu’un tank. On se trompe avant même de rencontrer les gens, quand on imagine la rencontre avec eux; on se trompe quand on est avec eux; et puis quand on rentre chez soi, et qu’on raconte la rencontre à quelqu'un d’autre, on se trompe de nouveau. Or, comme la réciproque est généralement vraie, personne n’y voit que du feu, ce n’est qu’illusion, malentendu qui confine à la farce. Pourtant, comment s’y prendre dans cette affaire si importante - les autres- qui se vide de toute la signification que nous lui supposons et sombre dans le ridicule, tant nous sommes mal équipés pour nous représenter le fonctionnement intérieur d’autrui et ses mobiles cachés? Est-ce qu’il faut pour autant que chacun s’en aille de son côté, s’enferme dans sa tour d’ivoire, isolée de tout bruit, comme les écrivains solitaires, et fasse naître les gens à partir de mots, pour postuler ensuite que ces êtres de mots sont plus vrais que les vrais, que nous massacrons tous les jours par notre ignorance? Le fait est que comprendre les autres n’est pas la règle, dans la vie. L’histoire de la vie, c’est de se tromper sur leur compte, encore et encore, encore et toujours, avec acharnement et, après y avoir bien réfléchi, se tromper à nouveau. C’est même comme ça qu’on sait qu’on est vivant: on se trompe. Peut être que le mieux serait de renoncer à avoir tort ou raison sur autrui, et continuer, rien que pour la balade. Mais si vous y arrivez, vous.. alors vous avez de la chance. »

Marc-Antoine Mathieu, extrait de S.E.N.S.

mercredi 14 janvier 2015

L'écrivain véritable

« Mais qu’il invente sa vie ou la retrouve, qu’il imagine le réel ou le décrive, l’écrivain véritable est toujours celui qui, par l’imagination ou le souvenir, le rêve ou l’observation, débouche sur la connaissance du réel, quelqu’un qui raconte sa vie comme si c’était la vie de quelqu’un d’autre et de quelqu’un d’autre comme si c’était la sienne. » 

Yvon Rivard, Aimer, enseigner 

vendredi 9 janvier 2015

Aller au-delà...

« La peur me gaine, c’est grâce à elle que je me tiens droite. » 
Marie-Christine Arbour, Schizo
La chasse à l'homme est terminée, les assassins ont eux aussi été tués. Une onde de choc secoue les médias sociaux depuis l'attentat de Charlie Hebdo. Avec raison. On incrimine, on s'insurge, on condamne. La blessure est encore trop fraîche, trop douloureuse. Il faudra prendre une certaine distance, faire très attention au prochain geste qui sera posé, par nos gouvernements, mais aussi par chacun d'entre nous. Le durcissement unilatéral des positions n'a jamais été une réponse adéquate à la folie. Prenons le temps de nous interroger.
« Il ne restait que l’amour. Que cet ineffable mystère qu’on appelle Amour – avec un grand A pour dire combien il nous dépasse – et qui ne se trouve nulle part ailleurs qu’en soi. Lorsque tout s’en vas, il reste cet Amour. Ce tronc ne casse pas sous les vents, n’est pas emporté par le temps, plutôt, il reconstitue inlassablement ses branches. » 
Hélène Dorion, Recommencements 

jeudi 28 août 2014

Le poème est...

« Déplacer une virgule change le poème. Le genre est un bon terreau pour la névrose de la perfection. Je passe des éternités à ôter un mot, pour le remettre, pour l’ôter de nouveau. Finir un poème, c’est faire son deuil des variantes. » (p. 32) 

« Le poème est icône. Le poème est oiseau. Le poème est fruit. La poésie a de particulier qu’elle peut se définir par n’importe quoi, pour autant que le lecteur ait la compétence de faire parler la définition. » (p. 57)


Michael Delisle, Le feu de mon père

jeudi 24 juillet 2014

Question de rythme

« C'est trop rythmé? Cette musique n'est pas rythmée, dit Paul. Elle cogne indéfiniment sur le même temps. Comme une brute sur la tête de son adversaire mort. Une musique rythmée est une musique qui réfléchit sur la diversité et la complexité des rythmes. » 

Christian Gailly, Dernier amour

vendredi 18 juillet 2014

Les poètes franco-ontariens

Les poètes franco-ontarienssont des idiots-savantsmais ils gagnent toujoursà la loterie Ils sont toujoursà a recherche
de la sortie de secours Dans leur cœur
ils sont leur propre
pays Toute leur vie
ils ont cherché
l’âme sœur Ils ne veulent pas finir
par lui faire l’amour
sur son lit de mort


Patrice Desbiens, Rouleaux de printemps

mercredi 2 juillet 2014

La très grande solitude de l’écrivain pragois Franz Kafka

Quelques citations tirées du très beau recueil d'André Roy, La très grande solitude de l'écrivain pragois Franz Kafka

« Il faut être humainement libre / pour être éternellement écrivain, / donc condamné » (p. 20)

« Est-ce que la nuit artificielle du cinéma / ressemble à la nuit naturelle de l’écriture? » (p. 22)

« Se séparer de sa chair comme d’un ennemi. / Tout est prêt avant l’écriture : / la résurrection de ses facultés, / la consolation par sa fatigue. / Franz redoute pourtant ce qu’il désire, / coupe sa détresse au couteau; / sait qu’écrire exige qu’il dépérisse,  / qu’il tire au-dehors tout son intérieur. / N’a cependant pas voulu s’incarner dans un mauvais corps. » (L’intérieur de la détresse, p. 51)


« Des taches blanches sur son âme. / Du dedans nocturne, il sort né chaque jour; / comme Rilke, Kierkegaard, Musil, / dit se réveiller condamné chaque matin; / cherche désespérément des mots précis / qu’il découpera ensuite; / nomme ce qui est entré dans ses yeux durant la nuit. / À Berlin comme à Prague, / Franz possède la force écrivante  / pour décrire le pur dedans sec de la fiction. » (L’intérieur des jours, p. 54)

mardi 10 juin 2014

La fille de Debussy

« J’en oublie presque de parler de la Suite bergamasque. J’ai joué le Prélude cette semaine. C’est une musique du matin, aussi je la jouais tous les jours avant mon chocolat chaud. Elle ouvre ses fenêtres sur un jardin de juin. Quand on la joue, on a du soleil plein les doigts. »

Damian Luce, La fille de Debussy


Pour lire mon commentaire de lecture, passez sur le blogue d'Analekta...

dimanche 8 juin 2014

Exécuter

« Ce qu’il y a d’extraordinaire dans la musique, ce qui la rend peut-être supérieure à tous les autres arts – quoi qu’en ait dit André Malraux, ce visiteur de musées, qui la considérait comme un art mineur –, c’est qu’elle est abandonné plus que les autres aux hasards, aux chances, aux risques de l’exécution, qu’elle existe presque uniquement par l’exécution et donc refuse de vieillir puisqu’elle est sans cesse transformée, assassinée, réanimée par l’exécution. »

 Gilles Marcotte, L’amateur de musique

mardi 13 mai 2014

Que feras-tu avec...

Je me suis reconnue dans ce passage de Chez la reine d'Alexandre Mc Cabe, notre recrue de mai (numéro en ligne dans deux jours)... La littérature et la musique sont souvent proches parentes.
« Ousque té rendu, là? » Pierre avait un léger hoquet en terminant sa deuxième bière. « J’étudie en littérature à l’université. »  « Oh… qu’est ce’ tu vas faire ‘ec ça? » Je ne m’offusquais pas de ce commentaire que j’entendais souvent et qui avait fini par ne plus me heurter. J’y voyais une inquiétude bienveillante plus qu’un manque de considération pour mon choix d’études. À cette époque, j’étais moi-même encore incertain de la voie que j’avais empruntée. Rien ne m’avait destiné aux lettres sinon peut-être ma sensibilité romantique qu’au sortir de l’adolescence j’avais reconnue chez quelques poètes dont les vers m’avaient plu. Ma curiosité littéraire s’était longtemps bornée à ma mièvrerie. J’avais cherché dans leurs recueils l’amour idéalisé dont je me réclamais. […] La question de Pierre me faisait toutefois craindre la métamorphose subreptice qui semblait s’opérer depuis le début de ma formation. À mes retours à Sainte-Béatrix, je sentais combien la littérature avait creusé un fossé entre les miens et moi. Incapable de condescendance, je ne voyais aucune supériorité dans ma nouvelle condition, mais plutôt ue différence qu’il me fallait désormais assumer. […] Les livres m’arrachaient lentement à la vie que j’avais connue et à ceux qui m’avaient tant donné depuis l’enfance. Puis, comme dans les limbes, entre une vie aimée à délaisser et une vie neuve à conquérir, je cherchais encore à tâtons les assises sur lesquelles me rebâtir. (p. 96-98)

lundi 14 avril 2014

T'en souviens-tu, Godin?

T’en souviens-tu, Godin
ast­heure que t’es dé­puté
t’en souviens-tu
de l’homme qui frissonne
qui at­tend l’autobus du petit matin
après son chiffre de nuit
t’en souviens-tu des mal pris
qui sont sul’bien-être
de celui qui couche dans la neige
des trop vieux pour tra­vailler
qui sont trop jeunes pour la pen­sion
des mille mé­tiers mille mi­sères
l’amiantosé le co­to­nisé
le bys­si­nosé le si­li­cosé
celui qui tousse sa journée
celui qui crache sa vie
celui qui s’arrache les pou­mons
celui qui râle dans sa cui­sine
celui qui se plogue sur sa bon­bonne d’oxygène
il n’attend rien d’autre
que l’bon dieu vienne le cher­cher
t’en souviens-tu
des pous­seurs de moppes
des ra­mas­seurs d’urine
dans les hô­pi­taux
ceux qui ont deux jobbes
une pour la nuitte
une pour le jour
pour ar­river à se bû­cher
une paie comme du monde
t’en souviens-tu, Godin
qu’il faut rêver aujourd’hui
pour sa­voir ce qu’on fera demain?

Gé­rald Godin
Les bot­ter­lots

lundi 24 mars 2014

Rêves

« Ce ne sont pas uniquement nos propres rêves, ce sont aussi ceux des autres qui nous aident à persévérer. D’abord parce que, ne venant pas de nous, ils sont plus tangibles et moins capricieux que ceux que nous manufacturons dans notre solitude. Mais surtout parce que, pour peu que nous acceptions de suivre les chemins qu’ils dessinent pour nous, ils se font bientôt les reflets de paysages, de transformations, de devenirs que nous abritions en nous, insoupçonnés, et que, sans leur vigilance et leur regard insoumis, nous n’aurions jamais crus possibles. » 

Emmanuel Kattan, Le portrait de la reine