lundi 14 avril 2014

T'en souviens-tu, Godin?

T’en souviens-tu, Godin
ast­heure que t’es dé­puté
t’en souviens-tu
de l’homme qui frissonne
qui at­tend l’autobus du petit matin
après son chiffre de nuit
t’en souviens-tu des mal pris
qui sont sul’bien-être
de celui qui couche dans la neige
des trop vieux pour tra­vailler
qui sont trop jeunes pour la pen­sion
des mille mé­tiers mille mi­sères
l’amiantosé le co­to­nisé
le bys­si­nosé le si­li­cosé
celui qui tousse sa journée
celui qui crache sa vie
celui qui s’arrache les pou­mons
celui qui râle dans sa cui­sine
celui qui se plogue sur sa bon­bonne d’oxygène
il n’attend rien d’autre
que l’bon dieu vienne le cher­cher
t’en souviens-tu
des pous­seurs de moppes
des ra­mas­seurs d’urine
dans les hô­pi­taux
ceux qui ont deux jobbes
une pour la nuitte
une pour le jour
pour ar­river à se bû­cher
une paie comme du monde
t’en souviens-tu, Godin
qu’il faut rêver aujourd’hui
pour sa­voir ce qu’on fera demain?

Gé­rald Godin
Les bot­ter­lots

3 commentaires:

Marion a dit…

Wow ! Merci Lucie !

Honte sur moi, je l'avoue humblement, je ne connaissais pas Gérald Godin. Voici donc, grâce à toi, une autre de mes lacunes de comblée.

Ce texte me parle de manière intime. Tout un choc en le lisant ce matin.

J'ai juste une petite question, en fait deux. Que signifient les termes « botterlots » et « byssinosé ».

Merci encore et belle journée.

Marion

Lucie a dit…

Si tu viens à Montréal, métro Mt-Royal, un de ses poèmes, Le tango de Montréal est inscrit sur un mur.

J'avoue que je ne sais pas plus que toi ce que les deux termes veulent dire. Peut-être le titre prend-il son sens quand on lit le recueil en entier. J'ai pensé à un clin d’œil à Waterloo (échec), mais cela n'a peut-être rien à voir.

Marion a dit…

Je viens de réserver « Ils ne demandaient qu'à brûler » à la bibliothèque.

Si l'ensemble des textes a la même intensité que celui que tu as choisi, ce sera assurément une lecture qui fera date dans ma vie de lectrice !

Politique et poésie... J'ai hâte d'en lire plus !

Belle soirée à toi Lucie ( je retourne à ma pompe ! ;-)).