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vendredi 18 mars 2016

FIFA musique


Le combat des chefs: dimanche 20 mars, 14 h

Deux monstres sacrés, deux esthétiques fort différentes, presque diamétralement opposées. L'un mise avant tout sur le contact avec le public et la pédagogie (pas moins de 10 millions de spectateurs suivaient avec passion les émissions jeunesse de Bernstein), l'autre la diffusion par voie audio ou cinématographique (jusqu'à la toute fin, Karajan relira ces films musicaux, se taillant le plus souvent la part du lion). L'un avait été affilié au parti Nazi (moins par conviction que par volonté de disposer d'un orchestre), l'autre allait mettre sur pied l'Orchestre symphonique d'Israël. Karajan privilégiait un regard presque sacré sur la musique, Bernstein l'expression. L'un se veut démagogue, l'autre démiurge et pourtant, ils se retrouvent, se complètent plutôt, quand ils se frottent à Mahler.

Du début à la fin, le documentaire mise sur les oppositions entre les deux chefs, Seiji Ozawa (qui a étudié avec Bernstein avant d'être associé à Karajan) servant de pont entre les deux, offrant certaines clés pour comprendre les forces si particulières des deux géants. « J'aime la musique et les gens, conclut Bernstein. Entre les deux, je ne sais pas ce que je préfère. » La grande différence, au fond, est là.

Le paradis perdu - Arvo Pärt: : samedi 19 mars, 19 h 30 et dimanche 20 mars, midi. On propose aussi un film autour d'Adam's Passion dimanche à midi.

Pärt reste l'un des rares compositeurs contemporains à faire l'unanimité ou presque, particulièrement au niveau du public. Langage minimaliste, souvent mystique, en séduisent en effet beaucoup dans cette ère de je-me-moi ou de dépersonnalisation.

Günter Atteln propose un portrait nuancé du compositeur, mais aussi de la production scénique qu'a tiré Robert Wilson d'Adam's Passion du compositeur estonien. Comme souvent, Wilson a fait fort avec ce portrait mettant au premier plan le sacré - et non la religion. En effet, pour lui, le religieux (tout comme le politique) n'a pas sa place sur scène. On y entendra également des extraits de Tabula rasa et Spiegel im Spiegel, ainsi que de son Credo.
Je vous recommande aussi, lors d'une présentation dans un autre cadre, le très inspirant L'art fait du bien 2 - Cirque et théâtre, qui traite de théâtre et de cirque social, ainsi que Soundhunters, une série de portraits de spécialistes en musique concrète. Fascinant. 

mardi 15 mars 2016

Roland Barthes (1915-1980), le théâtre du langage

« Je vis toujours dans la peur de ce que j'écris. » (Roland Barthes)

Certains auteurs ne perdent rien de leur pertinence. C'est certes le cas du grand Roland Barthes, décédé en 1980 des suites d'un accident de voiture. Le film du Français Thierry Thomas nous rappelle les grandes lignes de sa vie (et ses œuvres majeures) aussi bien à travers une narration plus traditionnelle que des vidéos d'époque, dans lesquelles Barthes parle de sémiologie, de littérature, de ses livres phares, mais aussi de l'amour qu'il voue à la peinture et au piano (un coin de son appartement parisien était dédié à chacune de ces disciplines, les pièces à vivre, telles la cuisine et sa chambre, étant relégués à l'étage inférieur, Barthes allant même jusqu'à dupliquer cette façon de faire dans sa maison de campagne). Comme les signes qu'il a si bien su décrypter, chaque zone a sa fonction.

La clarté de sa pensée reste d'une troublante pertinence et par moments, on aimerait bien pouvoir disposer d'une machine à voyager dans le temps pour suivre ses cours passionnants donnés au Collège de France. (Certains de ces cours sont disponibles sur Internet pour ceux qui souhaiteraient prolonger l'expérience.)

« On écrit pour un motif de jouissance, mais cela ne veut pas dire qu'on ne rencontre pas les autres. »


Vous pouvez encore vous glisser en salle pour voir ce film le vendredi 18 à 19 h 30 (Grande Bibliothèque).

samedi 12 mars 2016

Mes choix au FIFA

C'est le temps du Festival international des films sur l'art! Il vous reste encore toute une semaine pour en profiter. Je vous reparlerai de certains des films que je verrai. Parmi ceux-ci:

Théâtre: Nous autres, les autres
L'art fait du bien 2 – cirque et théâtre

Architecture:  Getting Frank Gehry

Arts visuels: Jeff Koons: Diary of a Seducer

Littérature: Roland Barthes (1915-1980), le théâtre du langage

Dansa: Un homme de danse

Musique: Le paradis perdu – Arvo Pärt | Robert Wilson
Le combat des chefs – Karajan/Bernstein
Soundhunters, A musical expedition | Soundhunters, Une expédition musicale

Inclassable: Our Gay Wedding: The Musical

Vous pouvez accéder à l'ensemble de la programmation ici...






mercredi 27 janvier 2016

Around the World in 50 Concerts

Certains anniversaires méritent d’être soulignés avec faste et l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam a sorti le grand jeu pour son 125e anniversaire, notamment en donnant 50 concerts au cours de cette saison. Si des milliers de spectateurs ont pu assister à l’un ou l’autre de ces concerts sur six continents, les cinéphiles pourront eux aussi en profiter grâce au documentaire Around the World in 50 Concerts d’Heddy Honigmann, présenté demain le 28 janvier au Cinéma du Parc.

Oui, bien sûr, le film fait une large part à la musique classique, mais s’attarde aussi au quotidien du musicien d’orchestre. On en apprend par exemple un peu plus sur les dessous des tournées (distribution des passeports à l’aéroport, violons que l’on dispose après le concert dans des housses rappelant les emballages matelassés de surgelés, parents téléphonant à leurs enfants, travail préparatoire du chef Mariss Jansons, etc.), mais ce qui séduira sans doute encore plus est le côté profondément humain de l’aventure. 

Comment oublier le séjour de l’orchestre à Soweto (et le plaisir indéniable ressenti par les enfants qui découvrent Pierre et le loup), ces deux musiciens qui remercient une chocolatière en lui offrant un concert privé qui ne la laisse pas indifférente, l’enthousiasme contagieux du contrebassiste évoquant les subtilités de sa ligne mélodique, mais aussi les dessous de la Dixième symphonie de Chostakovitch, sa préférée, l’unique coup de cymbale que le percussionniste doit donner dans une autre de Bruckner.

L’œil est tout aussi stimulé que l’oreille (paysages inspirants, salles de concert magnifiques). Un constat s’impose cruellement : peu importe le continent visité, le public est constitué essentiellement d’hommes et de femmes d’un âge plus que certain, habillé de façon cossue, en très grande majorité blanc (sauf en Afrique du Sud peut-être, et encore). L’enthousiasme des musiciens (plutôt dans la quarantaine) est pourtant ici contagieux.

Ce documentaire est le premier d’une série de rendez-vous mensuels des RIDM.


mercredi 25 mars 2015

Seymour: an Introduction

Ethan Hawke délaisse les planches et le grand écran pour passer derrière la caméra avec Seymour: an Introduction, un portrait particulièrement sensible du pianiste, essayiste, compositeur et pédagogue Seymour Bernstein. Quand l'acteur rencontre le musicien dans une soirée, il se sent instantanément attiré par l'aura de calme que celui-ci dégage et, presque malgré lui, évoque ce trac grandissant qui le tourmente et ses questionnements par rapport aux finalités de sa vie. Bernstein aussi est passé par là quand, à 50 ans, malgré une carrière éblouissante saluée par nombre de critiques dithyrambiques, il décide de se consacrer à l'enseignement pour fuir le trac, mais aussi la commercialisation à outrance de la musique.

Comme son contemporain Menahem Pressler (qui lui, a toujours continué de se produire en concert en plus d'enseigner), auquel il me fait penser à plusieurs niveaux, Seymour Bernstein est un pianiste intègre, qui a réfléchi en profondeur autant à la mécanique de l'instrument (alors qu'il explique par exemple à un étudiant qu'il n'a pas besoin de relever entièrement la touche pour obtenir un son plein) qu'à l'essence même de la musique. Il n'a pas peur de parler du côté artisanal de la chose et des liens qui s'établissent chez tout musicien entre travail à l'instrument et sur soi. « Vous devez apprendre à écouter, aussi bien votre moi intérieur que les autres », résume de façon magistrale un de ses étudiants. 

Ethan Hawkes a choisi de présenter un portrait en kaléidoscope du maître. Il évoquera par exemple l'amour qu'il porte depuis toujours à la Sérénade de Schubert, l'année de rêve que lui a offert une riche mécène et la Guerre de Corée (les larmes lui viendront spontanément) et les concerts qu'il a donnés avec un violoniste sur le front, son besoin inhérent de solitude. On le retrouve aussi discutant avec d'anciens étudiants (la plupart devenus pianistes professionnels), en train d'enseigner chez lui ou en cours de maître. Toujours, une douceur certaine, une écoute totale, qui permet de cerner en quelques secondes le problème, de proposer aussitôt une solution concrète. Il parlera aussi de sa passion pour la composition, de l'immuabilité de la musique. « La musique ne change jamais. Quand Beethoven a mis un si bémol, il y est pour toujours », rappelle-t-il. 

Si on hoche souvent la tête en signe d'assentiment, Bernstein n'est jamais aussi éloquent que lorsqu'il laisse le piano parler à sa place. Il nous offre une véritable leçon de maître, qu'il joue Schoenberg, Beethoven, Brahms (magnifique Intermezzo opus 118 no 2, Schumann (quelle lecture du dernier mouvement de la Fantaisie!), ses propres compositions ou devienne l'orchestre dans le Deuxième de Rachmaninov.

L'arc narratif du film n'est pas sans failles. On déplorera par exemple les deux apex successifs qui laissent le spectateur vaguement confus et les inutiles superpositions d'images ethnomusicologiques sur le Brahms (l'universalité de la musique est acquise à ce moment du récit). De la même façon, l'échange de Bernstein avec le gourou spirituel m'a semblé moins pertinent (mais a sans doute permis à Hawke d'orienter sa réflexion personnelle). Ce sont des irritants somme toute mineurs. Saluons au passage le montage attentif d'Anna Gustavi, le travail sur le son  d'Hollie Bennett et Matthew Polis (qui ont par exemple choisi de ne pas gommer les bruits de la rue new-yorkaise alors que Bernstein se produit dans le cadre d'un récital intime à la demande d'Hawke) et la tendresse indéniable du réalisateur pour son si inspirant sujet. 

Le documentaire est présenté en première le jeudi 26 mars à 20h au Cinéma Excentris, à l'occasion des séances mensuelles Docville, organisées par les RIDM. Il prendra l'affiche en programmation régulière vendredi. Courez-y.

vendredi 16 mai 2014

Vrais mondes: chacun son histoire

Peut-on encore renouveler la proposition scénique et développer une nouvelle forme? Il semble que le duo Émile Proulx-Cloutier et Anaïs Barbeau-Lavalette y soit parvenu avecVrais mondes, sept documentaires scéniques captivants.
Pas de reconstitution ici comme dans le théâtre documentaire ni de réel jeu de la part des «sujets». La mise en scène minimaliste mais efficace d’Émile Proulx-Cloutier propose plutôt de les retrouver au milieu d’objets les représentant (des horloges, passion de Denis, un homme de 50 ans coincé dans un corps d’adolescent de 14 ans, ou un appareil-photo et un sac à dos pour Olivier, ancien tireur d’élite maintenant chasseur d’images), pendant que nous les découvrons à travers une bande-son qui extrait en sept ou huit minutes l’essentiel des entrevues qu’ils ont accordées à Anaïs Barbeau-Lavalette. Celle-ci accompagne d’ailleurs les participants au début de chaque tableau – réconfortant par exemple par le geste Jean-Guy devenu Jane à 60 ans, qui reste Papy pour ses petits-enfants – et demeure ensuite en retrait, présence rassurante, rappel également du partage qui a été consenti.
Pour lire le reste de ma critique, passez chez Jeu...
Vous avez jusqu'à demain pour voir le spectacle à la Cinquième Salle

samedi 29 mars 2014

FIFA - musique

Le FIFA nous en met comme d'habitude plein la vue - et les oreilles surtout - avec sa série de films musicaux. Les amateurs d'opéra ont été choyés avec la présentation de Cosi fan tutte de Mozart, dans sa relecture de Michael Haneke, mais aussi avec Unveiling Salomé (certes le grand moment de la saison 2012-13 de l'Opéra de Montréal), qui nous mène dans les coulisses d'une production mettant en vedette la soprano bulgare Penda, qui dialogue ici non seulement avec le chef d'orchestre Modestas Pitrenas lors des répétitions, mais aussi avec Christian Lacroix qui l'inclut dans son processus de création de costumes. Ce film était présenté en programme double avec Dmitri Hvorostovsky - The Music and I, le toujours très séduisant « lion de l’opéra » (qui sera en récital à Montréal en mai), un documentaire assez sage (comme celui sur Pollini réalisé par Monsaingeon), mais qui nous en apprend néanmoins beaucoup sur la carrière du chanteur.

Vous voudrez peut-être vous glisser en salle ce soir 18 h 30, dans la Salle 1 de l'UQÀM pour la reprise du programme double Colin Davis: The Man and His Music et L'autre Karajan.

Le premier se veut un portrait en souvenirs et en musique du chef d'orchestre britannique, disparu en avril 2013. Ce grand Mozartien se confie à Reiner E. Moritz, aussi bien sur son enfance musicale (le chef sera d'abord clarinettiste) que la façon dont il dirige. Il s'attarde notamment sur l'importance de respecter les musiciens devant lui, un sujet toujours délicat. Mitsuko Uchida parle quant à elle de la façon dont il invite les gens à faire de la musique, sur son refus d'imposer une vision. D'autres parleront de la beauté intrinsèque de ses interprétations, de son évolution en tant que chef d'orchestre. On ne pourra qu'être ému également de l'entendre évoquer sa femme en tricotant ou de constater la délicatesse avec laquelle il encadre les jeunes chefs lors d'un cours de maître.

Tout le monde croit connaître Karajan. Était-ce le côté flamboyant du personnage? Peut-être plus, 25 ans après sa mort. Et si, au fond, la raison était purement musicale, si elle se trouvait au cœur même de ses interprétations, dont plusieurs légendaires, notamment avec le Philharmonique de Berlin? L'autre Karajan fait la lumière sur le musicien de studio, celui qui, à toute heure du jour - et peut-être même de la nuit - appelle l'ingénieur du son pour évoquer avec lui un ajustement à apporter à un timbre, une scorie à gommer, un moment à mettre en lumière.« Avec les disques, je suis éternel. » Il a certes su profiter des possibilités que lui offraient le disque, considérant d'ailleurs le travail de studio comme une expérience entièrement dissociée de celle du concert. Il travaillera notamment sur la spatialisation, mais toujours, malgré son égo en apparence démesuré, il gardera le compositeur au centre de sa démarche, offrant à l'interprète (et à l'auditeur), « le désir non pas de rejouer l'oeuvre, mais de la revivre », comme le résume fort justement la violoniste Anne-Sophie Mutter.
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Dans un registre autre, j'ai beaucoup aimé Dreaming Chavela (reprise ce soir à 21 h, en doublé avec Mercedes Sosa: The Voice of Latin America), premier film du danseur et chorégraphe Rafael Amargo qui, lors d'une crise créatrice, décide d'aller puiser l'inspiration en partant à la recherche de sa muse, la chanteuse mexicaine Chavela Vargas (décédée en 2012), pour lui remettre en main propre une lettre de Federico Garcia Lorca. Vêtu de blanc, avec un sac rouge en bandoulière, il croise celle qui s'est occupé de la chanteuse pendant des années, quelques-uns de ses musiciens, une jeune chanteuse qu'elle a influencée, esquissant un portrait presque impressionniste de Chavela. Quand il finit par la retrouver dans sa demeure, recluse certes, mais toujours habitée par une fièvre ravageuse, le déclic se fait et il lui offre une danse, métaphore de l'inspiration retrouvée, mais aussi de la marque indélébile que la chanteuse a laissé dans les imaginaires. Un film émotif, qui nous reconnecte avec la source même du geste créateur.
EL AMOR AMARGO DE CHAVELA, Rafael Amargo [TRAILER, English subtitles] from FREAK Independent Film Agency on Vimeo.

jeudi 27 mars 2014

FIFA au théâtre

Le FIFA bat son plein et je ne vous en ai pas encore parlé... mais ce n'est pas parce que je n'ai pas vu quelques très beaux films déjà. Alors que nous amorçons le dernier droit (le festival prend malheureusement fin dimanche), je fais un bref retour ici sur les films liés au théâtre.

J'ai malheureusement raté Tunisie, l'ère d'une révolution culturelle et Patrice Chéreau: le corps au travail, parce que j'étais... au théâtre ces deux soirs-là, mais je n'ai pas raté Avec rage et courage - Le théâtre politique en Europe, un film essentiel d'Eva Schötteldreir (il reste deux représentations samedi le 29 à 16 h et dimanche le 30 à 13 h 30 à la BANQ), articulé autour de trois figures importantes du théâtre contemporain:  la directrice du Deutsches Schauspielhaus Karin Beier (directrice du théâtre de Cologne lors du tournage), l'auteur, metteur en scène et directeur du Festival d'Avignon Olivier Py (qui terminait lors du tournage son mandat à l'Odéon) et le dramaturge Simon Stephens, auteur notamment de Pornographie, artiste associé au Lyric Hammersmith de Londres, beaucoup joué en Allemagne. Ils évoquent chacun à leur façon la nécessité d'inscrire le théâtre dans l'actualité, mais aussi de permettre au spectateur de prendre position, que ce soit en l'interpellant directement ou en lui offrant une catharsis - par exemple avec Kein Licht d'Elfride Jelinek, écrit après le tsunami de Tohoku ou Ein Sturz de la même auteure, écrit en réaction à l'effondrement du centre des archives de la ville, dénonciation de l'incompétence, monté en 2010. Les artisans du théâtre d'aujourd'hui auront peut-être le courage après avoir vu ce film de poser certains gestes essentiels. À voir...

Côté théâtre d'ici, Louise Latraverse, libre et moderne se révèle pertinent pour ceux qui s'intéressent à cette comédienne, qui a aussi été animatrice de radio, auteure, directrice artistique du Quat' Sous (on nous rappelle d'ailleurs qu'elle a été celle qui a fait connaître ici Robert Lepage), mais qui reste sage dans sa facture. On reste loin du grand moment d'émotion ressenti l'année dernière après le visionnement de Le goût de vivre, magnifique film en hommage à Huguette Oligny.

Je me glisserai assurément en salle samedi pour Meeting with a Young Poet, autour de Samuel Beckett (Université Concordia, 18 h 30, en salles le 4 avril).


samedi 30 mars 2013

Le chant des ondes... bis

J'ai vu le film lors de sa première, en novembre dernier, et en garde d'excellents souvenirs. Fort de l'accueil chaleureux qu'il a reçu récemment, vous avez jusqu'au jeudi 11 avril pour voir Le Chant des Ondes à l'Excentris. J'aurais presque envie de le revoir, tiens...

mardi 26 mars 2013

FIFA: le palmarès

Je suis ravie de découvrir que je n'ai pas « échappé » trop de perles. Voici donc le palmarès de la 31e édition du Festival international du film sur l'art. Je vais essayer néanmoins de voir le lauréat du Grand Prix et Glauser (tous deux sur sur ma liste). Notons ici que j'ai tellement aimé Hard Light qu'hier, en librairie, je me suis procuré le recueil dont le film est inspiré.

Grand Prix
HELSINKI MUSIC CENTRE – PRELUDE
Matti Reinikka, Miisa Latikka (Finlande)

Prix du Jury
HARD LIGHT / LUMIÈRE CRUE
Justin Simms (Canada)

Prix du meilleur film éducatif
JOHN CAGE – JOURNEYS IN SOUND
Paul Smaczny, Allan Miller (Allemagne)

Prix de la création
GLAUSER
Christoph Kühn (Suisse)

Prix du meilleur film canadien
DANS UN OCÉAN D’IMAGES
Helen Doyle (Canada)

Prix du meilleur essai
BRANCUSI
Alain Fleischer (France)

Prix du meilleur portrait
SOL LEWITT
Chris Teerink (Pays-Bas)

Prix de la meilleure biographie
HUGUETTE OLIGNY, LE GOÛT DE VIVRE
Pascal Gélinas (Canada)

Prix du meilleur film pour la télévision
THE DREAMS OF WILLIAM GOLDING
Adam Low (Royaume-Uni)

Prix Liliane Stewart pour les Arts du design
THE SUCCESSOR OF KAKIEMON
Suzanne Raes (Pays-Bas)

Mention spéciale
THE MAN WHO INVENTED HIMSELF – DUANE MICHALS
Camille Guichard (France)

Prix Tremplin pour le monde ARTV
LA LONGUEUR DE L’ALPHABET / THE LENGTH OF THE ALPHABET
Joe Balass (Canada)

Prix du public ARTV
CORNO
Guy Edoin (Canada)

samedi 23 mars 2013

FIFA: le temps qui passe

Deux très beaux films, en compétition officielle (croisons les doigts, même si les jeux sont déjà faits), réalisés ici, qui s'attardent, avec une tendresse certaine, au temps qui passe et ne revient plus.

Huguette Oligny, le goût de vivre

La comédienne vient de célébrer son 91e anniversaire, mais elle possède encore une beauté intérieure qui transcende tous les affronts du temps (si légers sur son magnifique visage). Elle le dit d'ailleurs d'emblée: « Je suis la femme la plus heureuse du monde ! » Sous l’œil attentif et attendri de son beau-fils, Daniel Gélinas, elle se révèle, à petits pans: en tant qu'artiste, femme, mère aussi... une mère qui a vécu avec grande douleur la séparation d'avec ses petits (neuf ans!) après son divorce d'avec son premier mari.

À travers les témoignages de son amie Margot Lescop (une bombe d'énergie à 96 ans!), de ses partenaires au théâtre et au petit écran, Françoise Faucher, Françoise Graton, Gilles Pelletier, Gérard Poirier, on la découvre multiple, muse, femme forte, attachante, qui a toujours mordu dans la vie, devenue profondément croyante, mais surtout parfaitement consciente du temps qui passe et ne reviendra plus. « Je te remercie de me consacrer du temps, car ça compte, le temps! » On sent que le réalisateur (qui a précédemment consacré un film à son père, Gratien Gélinas) aime profondément son sujet et cet amour se lit comme un contrepoint au récit, duquel la musique n'est pas absent, puisque Huguette Oligny a inspiré à André Mathieu quelques pages, dont une, découverte tout récemment, que lui offre en cadeau Alain Lefèvre.

Au fil des séquences, le film devient aussi une réflexion sur la vieillesse, sur le traitement que l'on réserve à nos aînés. (Il y a quelque chose d'assez troublant à entendre Gilles Pelletier, 88 ans depuis hier, se questionner avant d'aller voir son amie, par peur d'être témoin de son déclin.) Un film dont on ne sort pas indemne.

Il reste une représentation supplémentaire du film demain après-midi, 16 h.

Hard Light / Lumière crue

Justin Simms nous propose avec Hard Light un documentaire qui refuse la linéarité, préférant intercaler des séquences en noir et blanc inspirées des récits de Michael Crummey, lus en voix off par l'auteur terre-neuvien, et ses réflexions alors qu'il revient sur certains souvenirs, mais s'interroge surtout sur le rôle de la mémoire collective, du danger de perdre son identité si l'on oublie ses racines, les modes de vie d'alors.

Dès les premières séquences du film, on est envouté par cette voix si particulière, qui raconte avec une rare poésie les instants volés au quotidien de ses parents, de ses grands-parents. On sort du visionnement avec une furieuse envie de lire l'auteur, mais aussi d'arrêter le temps (Menons-nous réellement une vie meilleure que celle de nos grands-parents? Serons-nous un jour satisfait de ce que nous possédons?) et de prévoir des vacances à Terre-Neuve... Le film en est un de guérison pour le réalisateur qui se révèle à la toute fin, expliquant à l'auteur que Hard Light, découvert dans une bibliothèque amie, lui a permis de reprendre pied dans une réalité qui semblait le fuir, goût à la vie. Certains livres peuvent changer une vie. Parfois, nous avons besoin d'un rappel...

Le film sera bientôt disponible sur le site de l'Office national du film.


vendredi 22 mars 2013

FIFA: photo


Vendredi dernier, j'ai replongé avec délice dans l'univers de l'artiste un peu iconoclaste, qui travaille aussi bien la photo que la vidéo ou les installations, avec Sophie Calle, sans titre. Le personnage lui-même, qui se met presque constamment en scène dans ses projets - se met en abime, devrais-je plutôt dire - reste fascinant. On pourrait la croire torturée, volontiers déconnectée de la réalité; on découvre plutôt une femme qui aime rigoler, même - surtout? - de la mort, qui se sert de ses projets à large connotation autofictive pour désamorcer les douleurs qui pourraient la ronger, freiner son élan créateur. On la découvre ici dans son quotidien et à travers certains projets-clés, qui se raconte elle-même, quitte son appartement pendant un certain temps pour que la réalisatrice puisse  piocher comme bon lui semble dans ses archives, refusant le dialogue attendu intervieweuse/interviewée. La vie est bien trop courte pour s'embêter de ce genre de conventions, semble-t-elle nous dire, par exemple quand elle n'hésite pas à nous convier à devenir témoin de l'achat du lot de son dernier repos, lieu où elle a réalisé ses toutes premières photos, en Californie. Savoureux.

De facture très classique, presque clinique, La nouvelle objectivité allemande propose un regard sur l'École de Düsseldorf, fondée dans les années 1960 par Bernd et Hilla Becher, qui avaient alors choisi d'entreprendre un inventaire photographique de bâtiments industriels voués à la destruction. Ici, peu importe la fonction de la structure photographiée (château d'eau, silos, hauts fourneaux), le regard doit apprendre à reconnaître l'assemblage des formes, les lignes horizontales et verticales se trouvant parfaitement définies, les jeux d'ombres proscrits, le sujet se révélant de façon géométrique, en tant que matière première, sculpture en deux dimensions. Le film s'attarde aussi bien aux travaux des Becher que de certains de leurs étudiants les plus influents: Candida Höfer, Petra Wünderlich, Thomas Struth, Thomas Ruff et Andréas Gursky dont la photographie 99 cent a été vendue en 2007 plus de 3 millions de dollars et Rhein II plus de 4 millions quelques années plus tard.


Le film est présenté ce soir 21 h au Musée d'art contemporain et dimanche 18 h 30 au Centre Phi.


Le siècle de Cartier-Bresson nous invite dans un univers tout autre, les prises de vue du célèbre photographe français, reconnaissables entre mille, misant avant toute chose sur un point de vue subjectif, sur l'instant arraché au sujet - que le photographe n'hésite pas à qualifier de « viol » - qui doit néanmoins être traité avec le plus grand respect. Pour lui, il est essentiel d'unir œil, tête et cœur en une même ligne de mire. Refusant les traitements ou correctifs apportés aux photos, fidèle à son Leica dont il apprécie les proportions, Cartier-Bresson croit foncièrement en l'intuition du moment, quand le doigt fige l'instant. Comme chez les Becher peut-être, le noir et blanc permet une certaine abstraction, de raconter l'histoire autrement, sans transposition, mais avec une force certaine. « Il y a l'instant, puis l'éternité. Entre les deux: le vide. » Un très beau portrait.

La photographie devient inspiration, complément littéraire dans l'envoutant film Dans les pas de Joseph Conrad. Ici, une collection de photos prises au Congo dans les années 1890, propriété d'un antiquaire, devient contrepoint visuel aux mots de Conrad, fil narratif subjectif, qui permet la naissance d'un étonnant carnet imaginaire qui s'appuie pourtant uniquement sur les textes de l'auteur. Les images sont traitées de façon fort habile, donnant parfois l'impression de surgir d'un rêve, avant de se reconstruire sous nos yeux. Une fois magnifié par la caméra, le grain des photos devient texture, coup de pinceau, permettant au spectateur de s'approprier ce récit de voyage impressionniste.

Le film est encore présenté demain soir, mais affiche déjà complet.

Même s'il a été présenté le week-end dernier, je m'en voudrais de ne pas revenir sur le magnifique Dans un océan d'images (j'ai entendu le tumulte du monde), qui continue de me hanter à plusieurs niveaux depuis. Ce film sur le photojournalisme, pratiqué notamment en zones de guerre, se veut un véritable questionnement sur notre compréhension des images. Comme le fait remarquer un des intervenants, si nous apprenons à lire à l'école primaire, nous apprend-on jamais à lire les images? Comment peut-on encore extraire un sens d'un cliché quand, chaque jour, des milliers d'images assaillent notre rétine? Peut-on encore se laisser émouvoir par une image prise en zone de conflits, par le regard d'une enfant qui ne comprend pas le monde dans lequel elle vit à des milliers de kilomètres de chez nous? Si on traverse de l'autre côté de l'objectif, le photojournaliste peut-il vivre avec le souvenir de ces instants d'une violence souvent insupportables ?

On y découvre notamment le travail poétique de Lana Šlezić en Afghanistan (qui travaille avec un appareil-photo qu'elle insère dans une boîte, ce qui permet aux visages de rayonner tels des icônes), les transpositions de photos en objets de Philip Blenkinsop (qui couvre les conflits en Asie), l’engagement politique d’Alfredo Jaar (qui lors d'une exposition sur le Rwanda, n'a pas hésité à cacher les photos pour n'en extraire que les légendes, frustré sans doute que les gens ne « voient » plus), les mises en scène miniatures de guerre de Paolo Ventura (qui peuvent à première vue sembler presque inoffensives, mais qui possèdent une réelle charge), le travail narratif de Stanley Greene, la lecture de Geert van Kesteren de la guerre en Irak, la lutte en images contre la mafia en Sicile de Letizia Battaglia ou les troublantes installations de Bertrand Carrière en Normandie, véritable travail de mémoire, comme le sont les romans graphiques de Sera Phousera Ing qui relatent les années sombres du Cambodge. Souhaitons que le film soit présenté en salle ultérieurement et que le jury y ait été sensible. (Le palmarès sera révélé demain soir et le prix du public lundi.)

jeudi 21 mars 2013

FIFA: en avant, musique (2e segment)

Je vous propose aujourd'hui un quatuor de documentaires biographiques, d'approches et d'esthétiques plutôt différentes, deux laissant toute la place ou presque à l'artiste mis en lumière, les deux autres proposant un portrait composite, grâce à une multiplicité des analyses.

In Search of Haydn se décline comme un documentaire de facture très classique, la vie du compositeur étant présentée de façon essentiellement chronologique, le parcours historique (doublé de documents d'époques et de visites des lieux habités ou visités) se trouvant toujours magnifié par des extraits d’œuvres ciblées, qui nous permettent de connaître aussi bien le Haydn des quatuors ou des symphonies que celui des sonates pour piano (magnifiques démonstrations par l'exemple d'Emanuel Ax et Marc-André Hamelin notamment) ou des airs. On oublie trop souvent que Haydn a amorcé sa carrière musicale en tant que petit chanteur et qu'il sait magnifiquement écrire pour la voix, en proposant des pages en apparence accessibles d'un point de vue technique, mais qui demande une maturité réelle au niveau de l'interprétation. (On pourrait en dire autant de ses sonates pour piano sans doute, martyrisées par les jeunes pianistes, mais dont la grande subtilité devient apparente sous les doigts des vrais maîtres.) On découvre un Haydn moins sage qu'on ne le pensait, entretenant quelques amours parallèles, bon vivant, conscient aussi de l'image qu'il projetait à son époque (et, de façon fort intéressante, de la nécessité jusqu'à un certain point de contrôler celle-ci, un geste somme toute assez avant-gardiste).

John Cage: Journeys in Sound brosse un portrait large du compositeur américain iconoclaste, dont on célébrait en 2012 le centenaire de naissance. On le découvre lui aussi à travers des extraits d'œuvres-clés (notamment pour piano préparé), mais aussi en studio, alors qu'il monte un film en se servant d'une feuille de probabilités obtenue grâce au I-Ching (il aurait été intéressant de voir le résultat final, au moins quelques séquences d'ailleurs), ou encore lorsqu'il cueille des champignons dans la forêt environnant sa résidence, qu'il travaille pour son partenaire de vie, le chorégraphe Merce Cunningham, ou qu'il dialogue avec John Lennon et Yoko Ono (rencontre au sommet assez troublante il faut l'admettre). Profondément moderne parce que hors du temps, son œuvre continue d'intriguer, mais aussi d'influencer, aussi bien autres compositeurs (dont Wolfgang Rihm ici) qu'interprètes (Irvine Arditti par exemple).

Road Movie: un portrait de John Adams cède la parole au compositeur américain qui a toujours possédé une réelle facilité à s'exprimer, tant oralement que par écrit (dans son livre Hallelujah Junction par exemple). Si le documentaire nous propose une narration linéaire, volontiers chronologique (Adams évoquera d'ailleurs son admiration pour le travail de Cage), assez sage, les propos du compositeur sont entrecoupés de segments musicaux souvent magnifiques, parfois même magiques. (Je pense ici notamment aux images accompagnant les extraits de The Dharma at Big Sur ou Phrygian Gates.) On y voit aussi des extraits de Shaker Loops, de Road Movies, de ses opéras Doctor Atomic et Nixon in China, d'Eldorado, d'Hallelujah Junction (agrémenté de photos prises par sa femme dans la Sierra Valley), de son Gospel According to the Other Mary (segment qui nous rappelle qu'Adams n'est pas à classer dans la catégorie des compositeurs misogynes, loin de là) ou du troublant Transmigration of Souls, écrit en souvenir des victimes des attentats du 11-Septembre. Un parcours presque sans faute, que l'on continuera bien sûr à suivre. 

Ces deux films seront présentés en duo vendredi le 22 mars à 18 h 30 au Musée d'art contemporain.

En hommage au baryton allemand Fischer-Dieskau, décédé en mai 2012, le FIFA a eu l'excellente idée de nous présenter Dietrich Fischer-Dieskau: la voix de l'âme de Bruno Monsaigeon. Là aussi, on laisse essentiellement la parole au sujet, qui se révèle avec candeur et chaleur, qu'il évoque certains moments de sa carrière (notamment le choix conscient de cesser de chanter le 31 décembre 1992 pour se consacrer à la direction d'orchestre et à la peinture) ou partage ses réflexions sur la musique en général ou le plaisir de changer d'accompagnateurs, révélant que chacun de ses pianistes lui a révélé quelque chose de différent sur lui-même. Monsaingeon propose d'ailleurs un habile montage d'un même lied, certains des plus grands pianistes se succédant dans le rôle de l'accompagnateur. Il y avait quelque chose d'assez troublant à retrouver le jeune Brendel, le caustique Gerald Moore, le toujours précis Wolfgang Sawallisch (lui aussi décédé dans les derniers mois), l'effervescent Daniel Barenboïm, le complice Christoph Eschenbach ou le magnifique Svatislav Richter (que l'on n'attendait pourtant pas dans un rôle de collaboration, bien à tort). Qu'il soit sur scène, en récital, en train de travailler avec sa femme Julia Varady, qu'il transmette sa passion du lied à de jeunes chanteurs, qu'il dirige dans la fosse, les moments retenus par Monsaingeon nous rappellent combien Fischer-Dieskau demeure un géant, pourtant toujours d'une grande humilité. « L'important est de découvrir la musique à travers les musiciens, et non les musiciens à travers la musique », dit-il lui-même dans le film. J'ai ressenti avec encore plus de cruauté son absence en quittant la salle. Heureusement qu'il nous a laissé un immense legs discographique.

mardi 19 mars 2013

FIFA: en avant musique! (1er segment)

Bien sûr, je n'ai pas noté uniquement des films musicaux à mon agenda FIFA, mais quand même, ce serait dommage de se priver quand l'offre est si intéressante. Voici un tour d'horizon des six films musicaux vus au cours des derniers jours.


Les Quatre Saisons d'Antoine

Peut-on encore réinventer les Quatre Saisons de Vivaldi, de façon pédagogique en plus? Il semblerait que oui. Un grand-père luthier (Pierre Richard) offre un livre blanc magique à son petit-fils pour son anniversaire. Dans ce dernier, il peut dessiner ce qu'il veut, y coller fleurs ou feuilles, autant d'éléments qui s'animent sous nos yeux et servent fort habilement de toile de fond aux musiciens du Concerto italiano dirigés par Rinaldo Alessandrini. Ici, l'encre devient eau, les rognures de bois flocons de neige, un point à point révèle de monstre du givre, un œuf s'ouvre à coups de marteau au printemps... Surtout, on voit les musiciens, brillants interprètes, et sent le plaisir manifeste qu'ils ont de participer à ce dialogue entre musique et images. Poétique.

Music in the Air: A History of Classical Music on Television 


Le film débute par une interprétation des plus pompiers de la célébrissime Marche Radetzky, scandée à qui mieux-mieux par un public visiblement ravi lors d'un concert viennois du Nouvel An. Une seconde, on craint le pire et puis non, travelling arrière, le film nous plonge dans des documents d'archive, notamment le premier concert télévisé, de New York, avec Toscanini au pupitre. Aucun doute, le genre du concert filmé a beaucoup évolué au fil des ans. Dommage que, de ce côté-ci de l'Atlantique, notre télévision d'état ne considère plus la cohabitation avec les grandes œuvres du répertoire chose essentielle. N'empêche. On apprend par exemple avec fascination que Karajan était un maniaque de l'image, que les concerts filmés du Philharmonique de Berlin ont pris des heures à être montés, histoire de proposer la prise de vue idéale à tout moment, que chaque geste musical soit magnifié. On est loin ici du gros plan sur les mains du pianiste ou sur les cheveux qui s'ébouriffent lors d'un mouvement intempestif. Et que dire de ces foules qui se massent maintenant au cinéma pour voir les émissions retransmises du Met ou cette Traviata suisse, tournée comme un flashmob dans une gare ferroviaire? Réconfortant.

Set the Piano Stool on Fire

Celui-là, je l'attendais avec une impatience presque fervente. Ceux qui me connaissent savent combien je vénère Alfred Brendel, ayant même considéré faire le voyage à Berlin exprès pour assister aux célébrations entourant son 80e anniversaire de naissance il y a deux ans. On le découvre ici dans un nouveau rôle, celui de pédagogue, de mentor du jeune pianiste américain Kit Armstrong, véritable génie qui, à cinq ans avait déjà terminé l'étude des programmes de mathématiques du secondaire et à neuf ans, suivait des cours à l'université dans le domaine! 

Sa mère, troublée par ses habilités mathématiques, a décidé de lui offrir une « distraction » en lui proposant des leçons de piano. Quelques cours d'initiation dans une école « pour tous » ont réussi à convaincre tout le monde que, là aussi, on avait affaire à un potentiel exceptionnel. Des heures durant (sa mère lui donnait même à manger pendant qu'il continuait à jouer!), il a travaillé son instrument, s'est mis à composer. Avec lui, tout va dix fois plus vite que chez tout le monde (comme pour Mozart et Mendelssohn, sans doute), sauf peut-être la maturité émotive. Difficile sans doute de se lier avec des amis, un ou une petit(e) ami(e) quand on passe sa vie devant un instrument, à programmer un jeu vidéo ou à résoudre des équations mathématiques de haut niveau. (Le jeune homme a complété une maîtrise en mathématiques à l'âge de 17 ans.) 

Brendel ici se révèle d'une chaleur extraordinaire, ouvrant avec une visible joie sa demeure (et son cœur) au jeune homme, ravi quand il lui apporte un gâteau à déguster avec le thé. On le sent fasciné par le phénomène, mais il ne baissera pas la garde, s'attardant à décortiquer tel motif, telle intention, à vouloir porter la musique toujours plus loin. Quand il met la main sur le piano pour démontrer, on entend tout de suite le maître, celui qui a réfléchi aux œuvres depuis si longtemps, celui qui comprend les pièges qu'elles comportent. Filmé l'année où Brendel faisait ses adieux à la scène, le documentaire nous offre en prime un Lac de Wallendstadt poétique, troublant de fragilité (on croit même un instant que le pianiste s'effondrera en larmes avant la fin de la pièce), joué au Plush Festival, dans le Dorset. Inspirant.

Le  mystère musical coréen

Depuis quelques années, on retrouve musiciens et chanteurs coréens dans les grands concours internationaux, dont ils dominent souvent les palmarès. Comment et pourquoi sont-ils devenus une force? Ce documentaire belge décortique le phénomène dès les premières leçons. Par exemple, depuis 2008, la KNIGA permet aux enfants doués de suivre des leçons, de jouer dans des ensembles, d'être encadrés par les meilleurs professeurs. Certains feront ensuite tout naturellement le saut vers la K-ARTS, une université multi-arts de plus de 3000 étudiants, dans laquelle enseignent 130 professeurs, qui offrent aux musiciens 92 studios occupés jusqu'aux petites heures du matin, souvent par plus d'un musicien à la fois! D'autres préféreront un programme plus large et s'inscriront à l'Université nationale de Séoul (28 000 étudiants). 

Peu importe le parcours, il est clair que les Coréens ont développé un véritable culte de l'excellence. Ici, on n'exporte pas vraiment de ressources naturelles (présentes en trop petites quantités), mais le talent et l'intelligence. Le pays compte pas moins de 170 000 musiciens professionnels et 88 % de la population possède un diplôme universitaire. Bien sûr, ces choix de société deviennent synonymes de compétition. Dès l'enfance, les jeunes artistes doivent se battre pour être solistes, être choisis pour représenter leur pays sur la scène nationale ou internationale. Plus vieux, plusieurs étudieront en Europe, histoire d'obtenir un diplôme qui vaudra plus et leur permettra d'accéder aux meilleurs postes de pédagogues, mais surtout d'assimiler la culture occidentale. Il devient aussi plus facile pour eux de se déplacer d'un concours à l'autre, de devenir des « touristes de concours » comme un jeune chanteur l'explique en rigolant, heureux de retrouver « la mafia coréenne » en finale! Plus expansifs de nature que d'autres musiciens asiatiques (conséquence de leur choix de s'inspirer du modèle américain probablement), les Coréens semblent maintenant au sommet et pourraient bien y rester. Éclairant.

Il reste une représentation, le 20 mars à 18 h 30, au Musée McCord.





dimanche 17 mars 2013

Créer au féminin

Peut-on créer et procréer? Une femme peut-elle s'extraire suffisamment du quotidien, des mille petits gestes d'attention portés à un enfant, pour retrouver un espace mental de solitude qui lui permettra de retrouver sa voix intérieure, son égo qui crie pour sortir, ira jusqu'à avancer la danseuse et chorégraphe Mylène Roy? La comédienne québécoise Geneviève Rioux, elle même mère, tente avec Crée-moi, crée-moi pas (coscénarisé avec Marie-Pascale Laurencelle et Halima Elkhatabi), d'offrir un portrait le plus nuancé possible de la situation. Si le parcours de deux femmes qu'elle admire (Nancy Huston et Agnès Jaoui) a servi de catalyseur à l'entreprise, elle ratisse ici très large, mais jamais ne se disperse.

On la retrouve par exemple avec la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette, qui a tourné son film Inch'Allah dans des conditions difficiles, un premier bébé à ses côtés. La dramaturge Évelyne de la Chenelière, qui a installé son bureau d'écriture dans le couloir d'une maison dans laquelle courent quatre enfants, compare l'effondrement presque quotidien des certitudes quand on élève un enfant à la création et n'hésite pas à affirmer: « Ce n'est pas les enfants, le lavage, qui fond des œuvres trop pauvres! » La cinéaste d'animation Marie-Josée Saint-Pierre, mère de trois filles, qui a accepté, presque à contrecœur, mais en réalisant que l'occasion ne se représenterait jamais, une résidence de trois mois à Sapporo alors que sa deuxième fille n'avait que six mois, représente bien la dualité des attentes envers les créateurs hommes ou femmes. L'entourage d'un homme aurait-il même froncé les sourcils dans de telles circonstances? Brigitte Haentjens, sans enfant, parle quant à elle de la nécessité d'« assumer l'égoïsme de la création », alors que Robert Lepage et René-Richard Cyr confirment qu'ils n'auraient jamais pu faire une carrière aussi saluée avec des enfants. Troublant... La sculptrice Valérie Blass (exposée dans les galeries et musées les plus prestigieux, mère de deux enfants) avance qu'une bonne exposition suffit souvent à lancer la carrière d'un artiste de sexe masculin, mais que la femme, elle, doit faire ses preuves encore et encore avant qu'on y croit.

Nancy Huston qui a réfléchi à la question dans nombre de ses essais, rappelle que la création exige silence, solitude et que la plupart des femmes ressentent une grande culpabilité à les demander. « Si elles sont dans la maison, elles ne réussiront pas à ne pas être là. » Pascale Navarro avance quant à elle que « la création part de la faille, de la vulnérabilité ». Au fond, cela ne rendrait-il pas les femmes les candidates idéales à la création?

Un très beau film, qui sera présenté le 23 mars à 18 h 30. Détails ici... Après un tel visionnement, je n'ai pas eu le choix de glisser Une chambre à soi de Virginia Woolf dans mon sac...

On peut voir le film le samedi 23 mars 18 h 30 à la Cinquième Salle.

trailer cmcmp H264 from BazzoBazzo on Vimeo.

jeudi 14 mars 2013

Le 31e FIFA commence aujourd'hui

Dès aujourd'hui et jusqu'au 24 mars, je me laisserai happer par les films proposés lors de cette 31e édition du Festival international du film sur l'art. La presse dispose de certains privilèges, dont des projections en matinée, ce qui me permettra à l'occasion de vous parler de mes impressions, même avant que le film ne soit présenté pour le public. Je ne pourrai évidemment pas voir les 248 films (28 pays représentés), mais déjà voici certains titres qui retiennent mon attention.

Films canadiens: Dans un océan d’images d’Helen Doyle, film qui explore le travail de plusieurs photojournalistes, notamment en Algérie, en Afghanistan, en Irak et au Cambodge, et Crée-moi, crée-moi pas de Marie-Pascale Laurencelle (compétition officielle), une réflexion sur la place des femmes comme créatrices dans l’espace public.

Architecture:  Bolchoï, une renaissance, Diller Scofidio + Renfro: Reimagining Lincoln Center and the High Line,  Fallingwater: Frank Lloyd Wright’s Masterwork, Helsinki Music Centre — Prelude et Sagrada : Le mystère de la création.
Art contemporain: Art 21 — Art in the Twenty-First Century: History et Sophie Calle, sans titre.

Danse: The Ballet Masters, Joffrey: Mavericks of American Dance, Merce Cunningham, la danse en héritage, Rain et Virtuosi.

Littérature: The Fatwa — Salman’s Story, Gao Xingjian, celui qui marche seul, Michel Butor, l’écrivain migrateur et Water Marked.


Musique: John Cage — Journeys in Sound, Le Mystère musical coréen, Punkt: A Revolution in Live Composing, Road movie, un portrait de John Adams, Dietrich Fischer-Dieskau: la voix de l'âme (film de Bruno Monsaingeon) et Set the Piano Stool on Fire (qui relate la passation de savoir entre Kit Amstrong, jeune musicien surdoué, et son mentor, Alfred Brendel).


Peinture, sculpture et photographie: Léger au front, La Toile blanche d’Edward Hopper, The Man Who Invented Himself — Duane Michals, Brancusi, La Nouvelle objectivité allemande et Le Siècle de Cartier-Bresson.

Théâtre: Jonathan Miller et Within a Tempest. The Island.

La programmation complète ici...

samedi 10 novembre 2012

Envoutant instrument

Les Ondes Martenot déstabilisent et apaisent à la fois, comme si l'instrument faisait vibrer une parcelle mal assumée de notre âme, l'emplit d'une nostalgie inconnue, l'« évide », comme l'avance d'ailleurs l'ondiste Suzanne Binet-Audet dans le documentaire Le Chant des ondes de Caroline Martel, présenté en première mondiale jeudi soir dans le cadre des RIDM. Comment son inventeur a-t-il pu insuffler cette vibrante parcelle d'humanité dans un instrument pourtant électronique? Mystère...

La réalisatrice Caroline Martel propose un voyage presque immersif, dans lequel la musique joue évidemment un rôle essentiel, ponctuant les instants atmosphériques de documents d'archive (fascinant de voir l'instrument démontré à la télévision d'alors ou d'entendre le disque promotionnel, son inventeur croyant que l'instrument deviendrait celui que tous rêveraient de posséder), de conversations avec des ondistes (comme celle en apparence impromptue entre les membres de l'Ensemble d’ondes de Montréal qui évoquent ce qui les a attirés dans l'instrument) ou encore avec Jean-Louis Martenot (fils de Maurice) ou Jeanloup Dierstein, « grand sorcier de la lutherie électronique », qui tente de mener l'instrument ailleurs.

Certains des échanges captés par la réalisatrice sont profondément touchants, comme lorsque l'on perçoit la pointe de nostalgie de Jean-Louis Martenot (qui n'ose accuser un père sans doute trop souvent absent) ou que Suzanne Binet-Audet rencontre Jonny Greenwood (du groupe Radiohead), sur scène, salle Wilfrid-Pelletier. « Je me sens comme si Elton John rencontrait Glenn Gould », résume-t-il. On saisit immédiatement l'envie presque viscérale de Binet-Audet à toucher les instruments de Greenwood, chaque instrument disposant d'un circuit légèrement différent, autant que cette révérence de Greenwood.

On sort de la salle sombre avec une envie presque viscérale de s'approprier l'instrument ou tout au moins de découvrir le répertoire que les compositeurs lui ont consacré. Un film à voir (reprise le 13 novembre à 21 h 15 à la Cinémathèque québécoise et diffusion en salles en janvier), mais surtout à ressentir!

Un site très complet est consacré au film, qui traite aussi bien de l'instrument et ses particularités que du répertoire entendu. À découvrir ici...



mercredi 7 novembre 2012

Le chant des ondes

L'instrument est mystérieux à souhait même pour un musicien professionnel, laisse encore le quidam perplexe (comme j'ai pu le constater quand l'OSM a donné la Turangalîla de Messiaen l'année dernière et que mon voisin ne cessait de tenter d'expliquer l'instrument à celle qui l'accompagnait, sans se rendre compte que l'acoustique de la salle maximisait la transmission de son message). Demain, aux Rencontres internationales documentaire de Montréal, Le chant des ondes, un film de Caroline Martel retraçant le parcours étonnant de cet esprit sera présenté en première mondiale à l'Excentris. Une soirée festive, avec performances sur Ondes Martenot, est ensuite proposée à la Cinémathèque.

lundi 30 juillet 2012

Marina Abramovic: The Artist is Present

Certains livres semblent croiser votre route précisément au bon moment. Pourrait-on en dire autant d'un film, documentaire de surcroît? J'ai certainement eu cette impression samedi quand je suis sortie, complètement bouleversée, du visionnement de Marina Abramovic: The Artist is Present.

Le film suit l'artiste, alors qu'elle se prépare psychologiquement et physiquement pour ce qui se révélera sans doute le moment le plus significatif de sa carrière côté reconnaissance: une importante rétrospective de son œuvre présentée au Musem of Modern Art de New York, de mars à mai 2010. On la découvre à la fois euphorique et vaguement terrifiée, lors du tournage de clips de présentation de l'exposition. Pour celle que l'on considère la « grand-mère de la performance », à qui l'on doit nombre d'événements d'une rare puissance, elle y voit enfin la réponse à la question qu'on lui a posée si souvent au cours de sa carrière: « But why is this art? » (Mais pourquoi est-ce de l'art?)

Pendant qu'à un étage du musée, on présente des vidéos et que d'autres artistes reproduisent certaines de ses pièces les plus célèbres, elle s'installera, chaque jour, pendant trois mois, presque totalement immobile, dans ce qu'elle appellera le « carré de lumière », lieu de rencontre silencieuse dans lequel, un membre à la fois, le public est invité à la rejoindre, d'abord de l'autre côté d'une table, puis éventuellement, sans barrière. Aucune parole n'est permise, aucun geste vers l'artiste toléré (il faut voir combien les gardes de sécurité sont aux abois): tout passera par le regard. La performance envahit, se prolonge dans le quotidien, tant dans la vie de l'artiste que des participants ou témoins de ces troublants « dialogues d'énergie », geste artistique qui questionne, émeut, agresse, soulage tour à tour. Intercalées entre ces brèves rencontres, d'une intensité souvent fulgurante, les coréalisateurs reviennent sur la carrière de l'artiste, sur sa relation amoureuse avec Ulay (véritable coup au cœur, tant pour l'ancien couple que pour le spectateur, quand il s'assoit devant elle au musée), sur la nécessité pour Marina de toujours jouer, d'avoir un besoin viscéral de l'amour du public - de lui faire l'amour - pour se réaliser.

Je suis sortie de la salle incapable sur le coup de verbaliser ce que je venais de vivre, avec la sensation d'être totalement drainée et apaisée à la fois, par la puissance de son regard, son expressivité, la douleur qu'on lit en un instant sur le visage des gens qui s'assoient devant elle. Cela aurait pu être froid, clinique; au contraire, après une mise en contexte, l'émotion éclabousse, sans filtre ou presque. Le réalisateur Matthew Akers explique pourtant que, formé à l'université en peinture et en sculpture, il ne croyait pas alors au « performance art » et était très sceptique en acceptant de se joindre au projet. Pourrait-il transmettre le côté évanescent, délétère, d'un événement qui, par définition, ne peut être fixé dans l'instant et n'a pas besoin d'être documenté? Aucun doute dans mon esprit: le défi a été brillamment relevé. 


samedi 28 juillet 2012

Gerhard Richter: Painting

L'artiste allemand, au centre d'une très réussie rétrospective au Centre Pompidou à Paris, a célébré son 80e anniversaire en février. Il a également su inspirer la réalisatrice allemande Corinna Belz, qui signe un documentaire entre abstraction et narration fragmentée, qui vient de prendre l'affiche à Montréal au Cinéma du Parc (et à Paris, en marge de l'expo).

Pendant six mois, Belz s'est fondu dans l'ombre de Richter, témoin plutôt qu’interlocuteur, ce qui permet de tracer un portrait d'abord en gestes du peintre, qui se décline au présent continu. (En ce sens, le titre fait  référence à l'action et non à l'objet.) Quelques entrevues d'archives ponctuent ici et là le propos, certaines phrases elliptiques de l'artiste (sur son départ de la RDA, sur le regard des autres, sur son enfance) servent de respirations, de points de suspension, mais les moments les plus troublants du film (qui continuent de hanter bien après) restent ceux pendant lesquels on assiste à la naissance d'une œuvre, Richter travaillant à gestes mesurés, superposant des couleurs vives avant d'en extraire avec l'un de ses racloirs la densité, les textures, le sous-texte.

Nous assistons, fascinés, à ce dialogue avec la toile, la couleur, le propos. Jusqu'où devra-t-il aller avant que l'œuvre puisse poursuivre son existence de façon indépendante, transmettre une certaine finitude? En le suivant, on sent de façon presque viscérale sa crainte de dépasser ce fameux stade, ballet/bataille avec la matière, les choix qui deviennent de plus en plus restreints au fur et à mesure du processus, les questionnements qui semblent l'agiter, même après toutes ces années de travail. À un moment, il confie que la présence de la caméra le pousse à bouger différemment, le brime, qu'elle teinte son propre regard sur la toile en mouvance, qu'il a perdu certains de ses repères, mais il accepte la nouvelle donne. Son langage ne se veut-il pas au fond l'atteinte d'un délicat équilibre entre maîtrise et abandon, l'important n'étant pas tant la finalité que la série de gestes qui y ont mené?