Le FIFA nous en met comme d'habitude plein la vue - et les oreilles surtout - avec sa série de films musicaux. Les amateurs d'opéra ont été choyés avec la présentation de Cosi fan tutte de Mozart, dans sa relecture de Michael Haneke, mais aussi avec Unveiling Salomé (certes le grand moment de la saison 2012-13 de l'Opéra de Montréal), qui nous mène dans les coulisses d'une production mettant en vedette la soprano bulgare Penda, qui dialogue ici non seulement avec le chef d'orchestre Modestas Pitrenas lors des répétitions, mais aussi avec Christian Lacroix qui l'inclut dans son processus de création de costumes. Ce film était présenté en programme double avec Dmitri Hvorostovsky - The Music and I, le toujours très séduisant « lion de l’opéra » (qui sera en récital à Montréal en mai), un documentaire assez sage (comme celui sur Pollini réalisé par Monsaingeon), mais qui nous en apprend néanmoins beaucoup sur la carrière du chanteur.
Vous voudrez peut-être vous glisser en salle ce soir 18 h 30, dans la Salle 1 de l'UQÀM pour la reprise du programme double Colin Davis: The Man and His Music et L'autre Karajan.
Le premier se veut un portrait en souvenirs et en musique du chef d'orchestre britannique, disparu en avril 2013. Ce grand Mozartien se confie à Reiner E. Moritz, aussi bien sur son enfance musicale (le chef sera d'abord clarinettiste) que la façon dont il dirige. Il s'attarde notamment sur l'importance de respecter les musiciens devant lui, un sujet toujours délicat. Mitsuko Uchida parle quant à elle de la façon dont il invite les gens à faire de la musique, sur son refus d'imposer une vision. D'autres parleront de la beauté intrinsèque de ses interprétations, de son évolution en tant que chef d'orchestre. On ne pourra qu'être ému également de l'entendre évoquer sa femme en tricotant ou de constater la délicatesse avec laquelle il encadre les jeunes chefs lors d'un cours de maître.
Tout le monde croit connaître Karajan. Était-ce le côté flamboyant du personnage? Peut-être plus, 25 ans après sa mort. Et si, au fond, la raison était purement musicale, si elle se trouvait au cœur même de ses interprétations, dont plusieurs légendaires, notamment avec le Philharmonique de Berlin? L'autre Karajan fait la lumière sur le musicien de studio, celui qui, à toute heure du jour - et peut-être même de la nuit - appelle l'ingénieur du son pour évoquer avec lui un ajustement à apporter à un timbre, une scorie à gommer, un moment à mettre en lumière.« Avec les disques, je suis éternel. » Il a certes su profiter des possibilités que lui offraient le disque, considérant d'ailleurs le travail de studio comme une expérience entièrement dissociée de celle du concert. Il travaillera notamment sur la spatialisation, mais toujours, malgré son égo en apparence démesuré, il gardera le compositeur au centre de sa démarche, offrant à l'interprète (et à l'auditeur), « le désir non pas de rejouer l'oeuvre, mais de la revivre », comme le résume fort justement la violoniste Anne-Sophie Mutter.
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Dans un registre autre, j'ai beaucoup aimé Dreaming Chavela (reprise ce soir à 21 h, en doublé avec Mercedes Sosa: The Voice of Latin America), premier film du danseur et chorégraphe Rafael Amargo qui, lors d'une crise créatrice, décide d'aller puiser l'inspiration en partant à la recherche de sa muse, la chanteuse mexicaine Chavela Vargas (décédée en 2012), pour lui remettre en main propre une lettre de Federico Garcia Lorca. Vêtu de blanc, avec un sac rouge en bandoulière, il croise celle qui s'est occupé de la chanteuse pendant des années, quelques-uns de ses musiciens, une jeune chanteuse qu'elle a influencée, esquissant un portrait presque impressionniste de Chavela. Quand il finit par la retrouver dans sa demeure, recluse certes, mais toujours habitée par une fièvre ravageuse, le déclic se fait et il lui offre une danse, métaphore de l'inspiration retrouvée, mais aussi de la marque indélébile que la chanteuse a laissé dans les imaginaires. Un film émotif, qui nous reconnecte avec la source même du geste créateur.
EL AMOR AMARGO DE CHAVELA, Rafael Amargo [TRAILER, English subtitles] from FREAK Independent Film Agency on Vimeo.
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