Depuis son premier texte publié, Guillaume Corbeil ne cache pas une certaine fascination pour les formes musicales baroques. Dans le stupéfiant L’art de la fugue, le sujet y était présenté avec son contre-sujet, avant d’être renversé, suggéré, cité (à travers un mot, un adjectif) dans une nouvelle sans lien apparent avec la précédente. Plus récemment, dans Cinq visages pour Camille Brunelle, il nous proposait assurément un univers polyphonique dense, lui aussi porteur de lectures en strates.
Avec Tu iras la chercher, il revient au thème de la fugue, à prendre au sens littéral aussi bien que musical. Une femme, jamais nommée, part à la recherche d’elle-même, ou plutôt de son double. Est-elle devenue en esprit ce personnage de téléroman qui la fascine? N’est-elle capable d’accepter la vacuité de sa vie qu’en se projetant dans un ailleurs parallèle, dans lequel sa voix n’est plus la même? «Tu as vu tellement de scènes dans ta vie / Comment savoir lesquelles tu as vécues à la première personne? »
Adoptant une narration au « tu », l’auteur favorise une distanciation, une démultiplication du motif identitaire. Cela pourrait créer une barrière entre comédienne et public, mais étrangement, cela permet plutôt à ce dernier de se glisser dans les interstices du texte, de croire qu’il lui est uniquement destiné, que d’une certaine façon il jaillit de lui, que Marie-France Lambert, admirable de contrôle, donnant l’impression au fur et à mesure de se liquéfier devant nous, comme si elle perdait tout contour défini, devenait notre propre voix.
Vous pouvez lire le reste de ma critique sur le site de Jeu...
À l'Espace Go jusqu'au 22 mars 2014
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