Photo : Yu Hui-hung |
Peut-on encore parler de danse ici? Nous sommes plutôt conviés à une longue méditation, les gestes des danseurs se déployant dans l'extrêmement lenteur, chaque segment étant conçu comme un tableau qui ondoie doucement, irrévocablement, comme cette rivière de riz qui coule du début à la fin du spectacle sur la tête d'un moine, qui devient véritable homme-sablier, témoin du temps qui passe aussi bien que de celui qui s'éternise.
Si le traitement esthétique et la gestuelle se révèlent essentiellement orientaux, la superposition de la lecture d'Hesse de la quête de l'éveil (traitée dans Siddhartha) et surtout l'utilisation des magnifiques chants géorgiens rend le propos puissamment universel. Les 3,5 tonnes de riz déversées sur scène (recyclées après chaque représentation) se métamorphosent au fil des tableaux, évoquant aussi bien les rizières que la lumière du soleil, la pluie (quand le riz est déversé en rideau) ou les vagues animant un cours d'eau. La fluidité du mouvement finit par agir comme un apaisement, comme en témoignait une salle particulièrement attentive, même lors de l'épilogue, dans laquelle un danseur trace une série de cercles concentriques, mandala qui nous rappelle que la vie est par nature éphémère. Si par moments, les différences entre les danseurs semblent gommées - chacun devenant un parmi le groupe de pèlerins -, à d'autres la spécificité de leurs gestes nous rappellent que chacun est unique et chemine au fond seul sur cette difficile voie vers la libération des contraintes matérielles.
Vingt ans après sa création, Songs of the Wanderers a peut-être pris quelques rides au niveau du langage chorégraphique, mais demeure d'une rare pertinence, dans ce rythme de vie beaucoup trop rapide qui est le nôtre.
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