lundi 31 décembre 2007

Rétrospective 2007

Dernière journée de l'année: place au déchirant choix des moments artistiques marquants. Côté musique classique en salle, un seul moment d'émotion renversante dans toute l'année: la « Pathétique » de Tchaïkovski, oeuvre pourtant élimée s'il en est une, sous la direction de Zubin Mehta, lors du concert-bénéfice de l'OSM, le 6 décembre. Le magnétisme du chef était absolument saisissant et c'est vraiment un grand moment d'émotion qui a été vécu lors de l'interprétation absolument somptueuse de l'oeuvre. Moi qui allais au concert pour le Sacre (rien de renversant, une interprétation trop sage selon moi), j'ai été soufflée par cette première partie. Sur disque, rien n'a retenu mon attention suffisamment pour que je l'écoute en boucle et ce, malgré le fait que j'aie siégé sur un jury qui récompensait l'événement discographique de l'année. Évidemment, je ne peux passer sous silence le départ du grand Pavarotti.
Côté musique populaire et jazz, par contre, plusieurs coups de coeur en dernière partie d'année. Je retiendrai d'abord, grâce à Seb, la découverte du Esbjörn Svennson Trio, un groupe magistral, particulièrement raffiné, qui mélange sans vergogne harmonies classiques (j'écoutais la Deuxième Ballade de Liszt il y a quelques semaines et un passage m'a ramenée instantanément à leur univers si particulier), groove pop et jazz pur et dur. Trois albums plus tard, je ne suis toujours pas lassée. J'ai aussi écouté en boucle pendant un certain temps la trame sonore d'Across the Universe, le dernier opus d'Holly Cole (qui revisite des grands classiques) et Rockin' the Suburbs de Ben Folds. J'ai craqué pour Postal Service (presque tout leur disque Give up) et ai découvert les sonorités si particulières de Feist (My moon, my man reste ma préférée). Côté francophone, un grand coup de coeur: le spectacle de Pierre Lapointe avec l'Orchestre métropolitain, que j'ai malheureusement raté (j'arrivais de vacances), que ma famille m'a empêché de regarder à la télé (« Franchement, Pierre Lapointe! ») mais que j'ai découvert un dimanche après-midi de septembre à Espace musique, par hasard, au retour d'un week-end avec ma classe de culture générale. Coup de coeur instantané, fascination pour les orchestrations, plaisir brut à l'écoute. À Noël, je me suis offert de moi à moi le CD, et en transfèrerai le contenu sur mon iPod.
Côté théâtre, Rhinocéros m'a beaucoup plu, surtout grâce à la mise en scène particulièrement éclatée de Jean-Guy Legault et Ubu Roi, déjanté au maximum. Mon grand regret: avoir attendu un peu trop longtemps (une amie qui ne s'est pas décidée à temps) et ne pas avoir vu Forêts de Wadji Mouawad. Je croise les doigts que la production soit remontée de nouveau très bientôt, ayant été particulièrement séduite par Incendies, à la fin 2006.
Côté lectures, pas de lecture clé, de celles qui changent une vie. (De 2006, j'avais par exemple retenu Le temps où nous chantions de Richard Powers.) Plusieurs lectures prenantes toutefois, de celles qui marquent profondément. Dans l'ordre ou le désordre, je retiendrai du côté québécois les écrits de Robert Lalonde (mon auteur québécois de l'année, celui de 2006 ayant été Jacques Poulin), Garage Molinari de Jean-François Beauchemin et les Carnets de Douglas de Christine Eddie. Il y aurait aussi Lignes de faille de Nancy Huston (mais est-elle Canadienne ou Française?) et Le cercle parfait de Pascale Quivigier (Québécoise mettant exilée en Italie). En littérature française et étrangère, je n'oublierai pas La voix d'alto de Richard Millet, Le peintre de batailles d'Arturo Pérez-Reverte, La lucidité de José Saramago mais aussi Le secret d'Anna Enquist (qui n'a rien à voir avec l'autre, vous savez le fameux bestseller) et l'étrange mais prenant Roman russe d'Emmanuel Carrère, malgré certains tics et un nombrilisme délirant.
Que nous réserve 2008? J'ai déjà rendez-vous avec deux géants du piano: Radu Lupu (30 janvier) et Alfred Brendel (son concert d'adieu, le 24 février). Ma pile à lire reste imposante (on m'a offert quelques livres à mon anniversaire et en ai acheté d'autres grâce à un cadeau maternel) et devrait me valoir quelques plaisirs non coupables.
Bonne année à tous et que votre vie soit remplie de manifestations artistiques!

dimanche 30 décembre 2007

Nouvelles québécoises

Avant de clore l'année avec une petite rétrospective demain, je tenais à revenir quelques instants sur deux recueils de nouvelles d'auteurs québécois, lus la même journée (l'une des rares de semi-tranquillité que j'aie eu jusqu'ici).

Je lisais pour la première fois Gilles Jobidon, dont on m'avait dit le plus grand bien. Dans D'ailleurs (VLB éditeur), il nous propose un voyage en sept escales dans des lieux parfois lointains (délicieux « Ly Sanh », l'histoire touchante d'un enfant qui apprend à vivre après la perte de sa grand-mère), dans des époques improbables (« Le tiroir bleu », dont l'argument est fascinant mais qui m'a un peu perdue en route), dans des univers à la Hemingway (« D'ailleurs », une grinçante peinture de caractères) ou franchement sombres (« À suivre » et « Elsewhere », qui se dévoilent en couches multiples). Il réussit à nous toucher et à nous faire rire à la fois avec « N.Y. » (la chute est particulièrement craquante), nous laisse parfois sur notre faim (« Le pull »). L'écriture est soignée, multiple dans les tons choisis, ponctuée d'images bien ficelées. Un auteur que j'ai pris plaisir à découvrir et auquel je retournerai sans doute.

J'ai enchaîné cette lecture avec Personnages en voie de disparition de Robert Lalonde, sans doute l'auteur québécois que j'ai le plus fréquenté cette année, séduite par Le monde sur le flanc de la truite. J'avais lu à sa sortie dans une librairie la nouvelle « Le meilleur ami de l'homme » (c'était la plus courte du recueil), que j'avais trouvé terriblement efficace, mais j'avais résisté à l'achat du livre alors. Il y a quelques semaines, un ami me prêtait le recueil, me confiant ne pas être dans l'état d'esprit nécessaire pour l'apprécier. J'attendais d'avoir quelques instants de paix relative pour m'y plonger, Robert Lalonde ayant cette faculté de ralentir le temps dans ses écrits, de nous confronter à la nature environnante, à l'instant qu'il suffit de saisir pour tenter de l'arrêter. Le recueil comprend certaines nouvelles particulièrement maîtrisées. La touchante « Espèces en voie de disparition » raconte l'histoire d'un amour de jeunesse arrêté en plein vol par le destin. Dans « Première neige sur la batture », nous assistons aux derniers instants d'un homme qui se sait condamné mais qui choisit de vivre jusqu'au dernier souffle. Certaines sont un peu plus faibles, il est vrai. « Here comes the sun », « L'accidentée » et « Des nouvelles d'Afrique » m'ont sans doute moins interpellée. Si je n'avais qu'à en choisir une, j'opterais sans l'ombre d'une hésitation pour la plus longue du lot, « Un chalet, un autre, toujours le même », une histoire d'amour passionné, fusionnel, déchirant, entre le narrateur, jeune comédien (possiblement une vision sublimée du jeune Lalonde) et Daniel, un être particulièrement torturé par ses amours homosexuelles. Là où Brokeback Mountain (tant le film que la nouvelle d'Annie Proulx) jouait la carte du non-dit et du sous-entendu, Lalonde choisit la voie de l'intensité, de la densité, de l'immensité. Alors je me suis jeté sur lui et tout a été comme toujours, l'un prenant le dessus, puis l'autre. Ça ne pouvait pas être autrement. Nous étions, encore à chaque fois dans le combat, semblables, équivalents, d'égale force. C'était comme si nous ne nous affrontions pas l'un l'autre mais chargions ensemble, attaquions ensemble un même adversaire, un même ennemi, un même frère. À savourer à petites doses, mais sans modération.

vendredi 28 décembre 2007

RIP Oscar

Au travers de ce tourbillon de repas gargantuesques et de réunions familiales, une ombre est venue assombrir le tableau: l'annonce par ma mère, lors du souper de Noël, du décès d'un immense jazzman, Oscar Peterson. Si j'admets mieux connaître le travail de son ami et collègue Oliver Jones, je sais bien combien les pianistes de jazz (même les pianistes tout court) lui doivent. Une technique phénoménale, une intensité superbe mais surtout une façon de manipuler le matériau sonore pour qu'il reste toujours chant, mélodie, émotion. Un hommage lui est rendu sur le site d'Evene qu'on peut lire ici. Un dossier assez complet est aussi paru dans La Presse, que l'on peut lire .

Mais les mots ne valent rien à côté des sons, alors le voici plutôt à l'action, dans l'éternel Autumn leaves, dans le délirant Caravan, dans le magique Alice in Wonderland et dans Falling in love (with La Belle Province)

mardi 25 décembre 2007

Joyeux Noël

Une première série de repas qui déjà alourdissent le tour de taille, un autre repas gargantuesque à préparer et à ingurgiter ce soir et puis, peut-être, après, un petit répit? Bon, alors, dans 48, 72 heures, une journée à ne rien faire, suspendue entre deux? On peut toujours rêver n'est-ce pas?
Allez, alors, en attendant, un petit rigaudon de La Bottine souriante pour se requinquer peut-être? Joyeux Noël à tous!

vendredi 21 décembre 2007

Premier roman

Ces jours-ci, je suis plongée dans un premier roman. Non, pas pour le compte de La recrue du mois, ce blogue collectif auquel je participe. Ce roman est encore en fichier .doc et je l'ai imprimé sur des feuilles de papier recyclées. En plus, c'est plus long qu'une lecture habituelle, puisque j'annote, je corrige les coquilles, les petites fautes d'accord, ce genre de trucs. Pour dire vrai, je suis en train de lire la deuxième mouture d'un premier roman. La première fois, je l'ai lu comme un vrai livre, sans me poser trop de questions, en le dévorant, quoi. Bien sûr, le fait que je connaisse intimement l'auteur (une étudiante qui s'est muée d'abord en éveilleure de conscience puis en amie), les circonstances qui ont mené à sa rédaction et le sujet très intense (le personnage principal souffre de troubles alimentaires graves) m'empêchaient de me détendre comme lorsque je lis, disons, un Henning Mankell. Pourtant, j'avais été rapidement happée par l'histoire, la galerie de personnages absolument saisissante de vérité et surtout la maîtrise avec laquelle tout ceci était narré. Cette deuxième mouture, bien sûr, a été considérablement resserrée et est devenue diablement efficace. Le sujet n'a rien perdu de son intensité mais le style est devenu très fluide, une respiration, un long soupir de douleur par moments, mais l'auteure refuse de tomber dans le misérabilisme. (Et je ne dis pas seulement ça parce que c'est mon amie, je sais être critique quand nécessaire.) Bref, un texte avec un énorme potentiel selon moi (que je verrais bien récupéré par Boréal par exemple).

N'empêche, en feuilletant et en annotant ces pages, je ne peux m'empêcher de comparer ce premier récit avec ces autres que j'ai lus récemment pour le compte de La recrue justement. Si j'ai été happée par Les carnets de Douglas, Le sang des colombes et surtout Dawson Kid ne m'ont vraiment pas séduite. Spontanément, je n'aurais jamais lu Dawson Kid (et, finalement, Danny Leclair écrit vraiment bien en comparaison) mais je suis néanmoins contente de m'y être efforcée, afin d'avoir une idée des textes qui retiennent l'attention des éditeurs. Honnêtement, je ne suis pas certaine de comprendre mais, clairement, mes goûts littéraires (et mon style) semblent un peu en marge, de façon générale.

Il y a quelques mois, un ami (jeune retraité) a envoyé son manuscrit aux éditeurs français. Ce manuscrit (tapuscrit?) aussi m'avait été confié pour deux relectures (j'aime bien faire partie de clubs très sélect de lecture... pour les autres, je les abhorre). L'auteur avait finalement accepté de le laisser quitter le giron paternel après plusieurs mois supplémentaires de fignolages divers. Cela tenait presque de l'arrachement. Il avait fallu insister, « Oui, il est prêt, laisse-le partir », avec une conviction inébranlable, avant qu'il ne cède à nos requêtes. Les réponses sont maintenant toutes rentrées: refus partout. Objectivement, le sujet n'était pas exactement dans l'air du temps (des souvenirs d'une enfance déchirée en Afrique du Nord, purement fictifs) et le style était peut-être finalement trop travaillé (comment oser écrire ça!) pour notre époque de consommation instantanée. Aura-t-il le courage maintenant de l'envoyer aux éditeurs québécois (malgré la non-québécitude du sujet)? Là est la question. Ses amis (dont moi) réussiront-ils à le convaincre de tenter de nouveau sa chance? Le manuscrit restera-t-il dans un fond de tiroir pour les 30 prochaines années? Ces refus laisseront-ils un goût trop amer qui éventuellement bloqueront toute possibilité d'un autre récit? Je souhaite que non. Devons-nous continuer de croire en une littérature québécoise? Bien sûr... Je vous laisse, j'ai à lire...

dimanche 16 décembre 2007

Dualité

Centième billet, rédigé de surcroît le jour de mon anniversaire (et, accessoirement, celui de Beethoven, de Kodaly et de Menahem Pressler). Une étape de franchie, d'une certaine façon, un stade symbolique. Je sais, certains blogueurs écrivent tous les jours, quoi qu'il arrive. Ce n'est pas mon cas. Mon horaire de travail est souvent trop chargé pour que je gruge ces instants de liberté contrôlée. Mais, pour une fille qui n'a jamais été capable de tenir un journal intime plus de deux jours d'affilée (ou tout court, finalement!), ce n'est pas si mal, vous ne trouvez pas?
Jeudi soir, j'étais invitée au souper de Noël de La Scena musicale. N'étant plus que collaboratrice occasionnelle (j'ai maintenant le luxe de n'écrire que sur des sujets qui me captivent, comme cette entrevue avec Jean-François Rivest ou cet article sur Radu Lupu), j'hésitais à replonger dans cet univers bien particulier que j'avais quitté il y a près de quatre ans: un univers de rêves, de passion pour la musique classique mais aussi d'échéanciers rarement respectés et de pénurie de fonds alarmante. Pressée d'accepter l'invitation à quelques reprises, j'ai fini par céder et ai rejoint une vingtaine de nouveaux et quelques rares anciens (ainsi va la vie). Lors d'un échange/vol de cadeaux, on nous avait demandé de nous présenter et de révéler un secret. J'aurais pu révéler plusieurs secrets de production, quelques anecdotes particulièrement savoureuses, j'aurais pu aussi revenir sur certains moments plus ambigus. J'ai choisi de jouer fair play et ai plutôt évoqué le concert-bénéfice du 5e anniversaire de la publication, qui s'est tenu au lendemain du 11 septembre 2001. Le concert a de fait été le premier concert donné à Montréal après l'événement. Une jeune femme s'est approchée un peu plus tard et n'a pas, elle non plus révélé de vrais secrets, mais a livré un touchant témoignage de gratitude, à mon égard particulièrement. Elle terminait son secondaire en option musique, était particulièrement brillante, avait une vie familiale des plus mouvementées à l'époque (je ne me souviens pas des détails, cela n'a aucune importance) mais écrivait déjà superbement et était totalement dédiée à la cause de la musique classique. Le temps de quelques numéros, elle était devenue collaboratrice régulière, en partie sous ma supervision. De la retrouver, jeune femme allumée, passionnée, équilibrée, qui entame en septembre une maîtrise en communications mais toujours aussi dédiée à la cause de la musique classique (elle a écrit de nouveau pour le magazine au printemps et à l'été), forcément, ça m'a touchée fortement. En fin de soirée, je l'ai prise dans mes bras, avec tendresse, avec respect, avec émotion.
La situation ne s'y prêtait pas mais, en fait, il y a bien un secret que j'aurais pu révéler ce soir-là (j'y ai pensé un instant) et que je révélerai ici, lors de ce fameux 100e billet. (C'est peut-être un faux secret car mes amis le connaissent déjà pas mais peu importe.) J'écris, sous pseudonyme, dans un autre blogue, de la fiction principalement. Il y a quelques années, l'appel de la nouvelle, de l'instant saisi, s'est fait de plus en plus pressant. En tant que journaliste (très) spécialisée, j'avais un peu l'impression d'avoir fait le tour du jardin et cette petite voix se faisait de plus en plus pressante. Je me suis d'abord rebuffée mais j'ai fini par céder. L'écriture de fiction a libéré un autre pan de ma créativité, pétri d'incertitude plutôt que d'objectivité. Tant pis, il faut que j'apprenne à l'assumer. Il y a quelques semaines, j'ai pour la première fois envoyé une nouvelle à un concours sous mon vrai nom. Quand j'ai dû taper les quelques lettres qui le composent, j'ai réalisé le poids de chacune, leur fragilité aussi...
Si vous souhaitez me lire, me connaître, autrement, c'est sur ... D'un cahier d'esquisses que vous pourrez le faire... Sinon, ce n'est pas si grave, je vous retrouve tout de même ici, comme avant, pas différente, simplement un peu plus libre...

vendredi 14 décembre 2007

Gotan Project

Je ne suis pas du tout puriste et admets fort bien les mélanges de genres. C'est sans doute pour cette raison que, à la première écoute, j'ai craqué pour le Gotan Project, groupe d'abord reconnu dans les discothèques du monde entier pour son remix de Vuelvo Al Sur en 2001. Les échantillonages électroniques intelligemment utilisés, le côté sulfureux de ce tango métissé, franchement rouge passion, la présence foudroyante du groupe sur scène, ont rapidement propulsé le groupe vers des sommets inespérés. Vous connaissez certainement Santa Maria (notamment grâce à son utilisation dans le film Shall we dance).

Mais le groupe ne ne résume pas à un seul hit. Il y aussi Un tango diferente.
De leur dernier album Lunatico, il faudrait surtout retenir Mi Confesion et le délirant Diferente, tout en douceur et en subtilité. Alors, on danse?

Dawson Kid: combat inégal

Dans le métro, Rose est témoin d’un suicide. Traité par l’auteur comme un ballet macabre méticuleusement chorégraphié, cet élément déclencheur nous plonge d’entrée de jeu dans un univers sombre, vaguement malsain, mais duquel se dégage malgré tout une certaine poésie. On suit ensuite pas à pas le parcours de Rose, jeune femme pétrie d’ambivalence et emplie d’une colère sourde, qu’elle tente de sublimer à travers la boxe mais qu’elle ne réussit jamais à contrôler entièrement (violence latente qui se transmet également à sa sexualité).

J’aurais aimé pouvoir m’attacher à cette enfant en marge d’elle-même, à cette jeune fille qui tente de s’émanciper d’un passé trouble, à cette femme qui se cherche dans une sexualité hors normes, mais je n’ai malheureusement pas réussi à le faire. Question de ton, de style? Les descriptions de l’univers si particulier de la boxe, que ce soit la salle d’entraînement, les séances avec Coach, les matchs eux-mêmes, sont particulièrement réussies et dénotent une maîtrise certaine du langage. Les retours dans le passé de Rose – notamment les allusions répétées à ce fameux texte rédigé en Secondaire I qui, selon moi, ne méritait certes pas un 10/10 – convainquent beaucoup moins.

Incapable de saisir la nature exacte de l’objet littéraire créé par Simon Girard, je me suis longuement interrogée. Cherchait-il à faire le récit d’une jeunesse blasée, revenue de tout, qui choisit la violence plutôt que la résistance? Capitalisait-il sur la tuerie de Dawson pour attirer l’attention? Devais-je percevoir le récit comme un roman d’apprentissage, dans laquelle l’héroïne tente d’exorciser un passé familial très lourd? À force de danser sur place, d’essayer de deviner la tactique de l’adversaire, difficile de se laisser happer par l’histoire, à moins qu’elle ne soit narrée avec un style exceptionnel, ce qui n’est pas le cas ici selon moi. J’ai donc abandonné la partie, à défaut d'être mise K.O.

lundi 10 décembre 2007

Sylvain Trudel: entrevue

Mystérieux, intense, reclus, Sylvain Trudel, auteur notamment de Le souffle de l'harmattan, détenteur de plusieurs prix importants, ne donne plus d'entrevues depuis quelques années, préférant l'isolement et l'amour de la femme de sa vie à la lumière des projecteurs. Il vient de remporter le Prix du Gouverneur Général pour La mer de la tranquillité, un recueil de nouvelles « prodigieux, beau comme un désert » (qui rejoindra certainement ma PAL). Il donne une rare entrevue, par écrit, à La Presse. À lire ici...

samedi 8 décembre 2007

Écrivain (en 10 leçons)

Les recettes de la Callas avait tout pour m'interpeller en principe: un sujet musical et une corrélation à la gastronomie. Pendant plus d'un an, quand j'étais rédactrice adjointe de La Scena Musicale, j'avais institué une chronique régulière (qui, apparemment, était fort suivie) de recettes musicales, La Cena musicale, dans laquelle je retraçais l'historique d'une recette à connotation musicale (les pêches Melba ou les tournedos Rossini, par exemple) et proposais en complément une recette (avec photo séduisante à l'appui). Tout ça pour vous dire que j'étais bien disposée quand j'ai ouvert ce mince ouvrage, signé par Réal Larochelle, biographe de Denys Arcand mais aussi grand spécialiste de l'opéra. Docufiction, faux roman, essai musicologique tronqué, ce livre ressemble fort à un soufflé qui n'a pas levé. Dès le début, on hésite sur le ton. Daniel Pinard (oups, pardon, Picard) vient d'accepter un contrat pour écrire un livre de recettes de la Callas. Démuni face au manque d'information disponible en archives, il fait appel à un grand spécialiste (Larochelle lui-même, ni plus ni moins). Celui-ci envoie des textes, qui hésitent entre biographie, analyse musicologique, le potinage people (par moment, on se croirait dans Paris Match, les photos en moins) et le défouloir narcissique (on ne comprendra jamais ce que les recettes de famille du spécialiste viennent faire dans l'histoire). Les fans de la Divina n'apprendront rien, ceux qui souhaitent lire un roman bien ficelé seront à tout le moins perplexes face à l'inefficacité du langage, les fins gourmets préféreront consulter un livre de recettes de leur collection. Bref, en tentant d'être un produit hybride (la cuisine fusion a souvent ses limites, comme on le sait), génétiquement modifié (si au moins on pouvait s'attacher à un personnage mais impossible), Larochelle ne convainc personne. Seule (mais mince) consolation: cette plaquette m'avait été fournie par un service de presse!

J'avais donc besoin d'un changement d'humeur totale et c'est pourquoi j'ai cédé aux avances de Philippe Ségur et de son Écrivain (en 10 leçons). Ayant encore le palais anesthésié par l'ouvrage insipide, j'ai craint que Ségur ne me serve une recette de salade mixte qui retracerait son périple d'écrivain, sourire entendu à la clé et réflexions profondes en prime. J'avais tout faux. Pur divertissement, ce livre se déguste comme un brownie moelleux, plaisir coupable s'il en est. Ça fond sous la langue, c'est doux dans la gorge et surtout, ça réconforte. Dès la première phrase, le ton est donné: « Ma vocation d'écrivain est une conséquence directe de mon échec dans la carrière de super-héros. » Philippe Ségur y glisse son double névrosé, Phil Dechine, graphiste à la ville mais écrivain qui fabule à tout propos. Entretenant une relation plus qu'ambiguë avec les téléphones notamment, avec la réalité de façon générale, Dechine finira, après avoir essuyé une tempête de refus, par être publié, chez Busch & Sachtl (la maison d'édition de Ségur est Buchet Chastel). La presse parle de son bouquin, Métaphysique du dog (Ségur se moque volontiers de son Métaphysique du chien), il fait le tour des salons (chapître particulièrement désopilant), remporte un prix (Mirabeau des vétérinaires), est invité sur un plateau de télé, chez George-Patrick Stendhal (Poivre d'Arvor, vous connaissez?), entretiendra des relations délirantes avec ses lecteurs. Le ton privilégié est celui de l'ironie bon enfant (avec une série de parenthèses délirantes qui nous plongent dans l'inconscient de ce cher Phil) mais la peinture est tout de même assez criante de vérité. « J'étais d'une bonté exténuante. Je m'étonnais moi-même d'avoir su rester aussi simple. Le succès ne m'était pas monté à la tête, on pouvait le dire. Ma bienveillance ne connaissait pas de limites. » Ayant lu plusieurs pages dans un métro bondé, je me retenais pour ne pas éclater de rire à tout moment. Un plaisir coupable, je vous dis...

On peut lire l'avis de Caro[line] ici et visiter le site de l'auteur là.

mardi 4 décembre 2007

Radu Lupu: le mage du piano

Inclassable, inégalable, inoubliable, Radu Lupu ravit depuis plus de 40 ans les auditoires du monde entier par son jeu ancré à la fois dans les profondeurs de l’instrument et l’âme du compositeur, une sensibilité musicale exceptionnelle, une facilité déconcertante mais d’une grande discrétion, une intériorité toute en subtilité et un don certain pour peindre des paysages sonores. Ses qualités pianistiques et son aura d’artiste secret le maintiennent dans une classe à part. Comme s’enthousiasmait un critique londonien, « il a les pianissimi célestes d’un Richter, les fortissimi retentissants d’un Guilels et les accords mystérieux et magiques d’un Cherkassky ». Mais si Lupu est l’un des géants du piano, il refuse toute publicité gratuite et décline systématiquement les entrevues depuis plus de 30 ans, considérant, peut-être avec raison, que ses mots ne pourraient rien révéler de plus que ce qu’il transmet, quelques soirs par année, à un public fervent. Quand on assiste à un récital de Lupu, on se glisse dans la salle presque sur la pointe des pieds, histoire de ne pas s’immiscer dans la transmission d’un nombre relativement restreint de chefs-d’œuvre du répertoire. « Le public vient à lui, il ne vient pas le chercher, il ne lui fait aucune concession », confirme Louise Forand-Samson, directrice artistique du Club musical de Québec, qui a convaincu son ami de longue date de s’arrêter une fois encore à Québec le 28 janvier prochain. (Le programme Schubert et Debussy sera repris deux jours plus tard à Montréal lors du concert-bénéfice de la Société Pro Musica.)

Vous pouvez lire la suite de l'article dans le PDF de l'édition de décembre/janvier de La Scena. Le texte commence en page 36. J'ai hâte au récital!!!

lundi 3 décembre 2007

Jour de neige

Jour de neige, de ouate blanche, de cocon moelleux. Une façon agréable de retarder le temps, de commencer la semaine autrement que sur les chapeaux des roues. Au lieu d'accumuler les heures d'enseignement comme tous les lundis, j'aurai un peu plus de temps pour procéder à mes recherches et à l'écriture de notes de programme pour un étrange amalgame Rachmaninov (Études-tableaux opus 39) et Schubert (Klavierstücke), couplage du prochain CD d'Alain Lefèvre.

Hier soir, baume pour le coeur (avant le baume de blancheur pour les yeux aujourd'hui). M, cette jeune fille à qui j'ai cédé le saxophone de mon fils, m'a téléphoné. Elle était fébrile depuis deux semaines, elle souhaitait m'appeler absolument pour m'inviter à son premier concert officiel en tant que saxophoniste (elle est membre d'une harmonie) et qui se tiendra dans moins de deux semaines. En plein milieu d'une brassée de lavage, perplexe tout d'abord face à l'identité de mon interlocutrice (je n'avais bien assimilé que la dernière syllabe de son nom et cherchait désespérément à quelle élève j'étais en train de parler, sans succès), je me suis immobilisée rapidement devant l'immensité de la demande. Une grande tendresse m'a envahie et j'ai eu l'impression d'être en train de vivre un instant marquant, celui de l'accueil d'une nouvelle membre dans une confrérie. Je ferai tout mon possible pour y être, bien sûr. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut entendre de la musique avec ses oreilles d'enfant...

samedi 1 décembre 2007

Rhinocéros

J'aime beaucoup l'univers du théâtre, sa force, sa proximité, la façon dont le texte, le jeu des acteurs nous happent, sans qu'on songe un instant à s'échapper. C'est un art vivant, vibrant, vivifiant. Quand j'ai vu que le TNM montait cette année un Ionesco, je n'ai pas hésité, je l'ai proposé à mes étudiants du cours de culture générale. Il y a deux jours, je leur ai présenté la pièce (nous irons la voir dans dix jours) mais ai d'abord amorcé mon cours par une présentation générale du médium, histoire de leur inculquer quelques repères, quelques mots de vocabulaire: commedia dell'arte, unité, Molière (à ma grande joie, une étudiante a avoué que c'était son dramaturge préféré... à ma moins grande joie, elle semblait l'une des seules à connaître son nom), le théâtre de l'absurde d'Ionesco. Je leur ai décrypté Rhinocéros (que j'ai lu avec un plaisir presque jouissif, le langage étant manipulé de façon à la fois ludique et diablement précise), leur ai expliqué le sous-texte (la pièce est un plaidoyer pour la liberté d'expression, le libre penser, contre la propagande de masse des régimes totalitaires). Je leur ai lu un extrait, complètement délirant, dans lequel le logicien réussit à prouver tout et n'importe quoi, notamment que Socrate est un chat, que les chiens sont des chats, qu'un chat sans pattes est néanmoins un chat. L'absurde poussé au maximum mais qui en même temps fait frémir. N'est-ce pas ainsi qu'un tribun convainc les masses de la pertinence de son message, qu'on bâillonne les artistes? Constat criant d'actualité, presque 50 ans après la création de la pièce...
Mon fils, intrigué, déstabilisé, envoûté par le théâtre (il considère de peut-être se perfectionner dans le domaine) est allé voir la pièce hier avec un ami (première sortie au théâtre non encadrée pour les deux jeunes hommes). Il est revenu avec le sourire, séduit. Il s'est assis sur mon lit (je terminais la pénible lecture des Recettes de la Callas qui, selon moi, n'a de positif que son nombre de pages restreint), s'est mis à me narrer certains passages, a potassé le programme de soirée en ma compagnie (son acteur fétiche, Marc Béland, y tenait le rôle de Jean), semblait avoir saisi la plupart des messages livrés par l'auteur. En échangeant avec lui, j'avais hâte de me glisser dans la salle, de plonger dans l'univers, d'accepter le rire comme la grimace. Aucun doute: le théâtre est toujours bien vivant. Heureusement...

jeudi 29 novembre 2007

Triumvirat

Il y a trois hommes dans ma vie de musicienne, trois compositeurs qui me séduisent depuis des années, trois artistes complets qui m'inspirent: Mozart, Schumann et Debussy. Bien sûr, je les ai trompés à l'occasion avec d'autres, au fil des ans, des oeuvres, des états d'âme. Comme tous les pianistes, j'ai eu mon béguin Chopin, très adolescent. J'ai fini par m'en lasser, l'ai délaissé puis y suis revenue, par choix, par conviction. Plus récemment, il y a eu Beethoven, surtout ses sonates. Je l'avais tant boudée quand j'étais plus jeune, par dépit, par envie, peut-être. Assez récemment, j'ai accepté d'entendre ce qu'il avait à me confier, mieux, de l'écouter, de le faire mien. Il y a eu Bach aussi, un autre amoureux éternel d'une certaine façon qui m'édifie à chaque fois que je le joue, qui réussit à tout me faire oublier, par peur de déraper, de rater un joyau. Je l'apprécie énormément mais lui et moi, ce n'est pas fusionnel. Il y a eu Satie aussi, qui me fait rire aux éclats à tout propos, que j'adore croiser au détour d'une phrase elliptique inscrite au coeur d'une partition, dont la fluidité m'enchante, toujours un peu à côté de la plaque. Il y a eu Stravinski aussi mais, ça, ça ne compte pas vraiment, je l'apprécie en auditrice, pas en interprète (je n'ai encore jamais osé me frotter à la version piano de Petrouchka).

Mais je reste profondément attachée à mes trois amours. J'ai déjà expliqué ici ma connivence avec Mozart, dès la première semaine de ce blogue. Si Mozart m’a d’abord été révélé par sa vie (que j'écoutais avec ferveur grâce à mon disque de la collection Le petit ménestrel), j’ai plongé dans la musique de Schumann tête première, bien avant de connaître Eusebius, Florestan, Raro, les Compagnons de David, les Philistins, Clara. L’Album pour la jeunesse a succédé, dès ma deuxième année d’apprentissage, à ma méthode de débutants. Je n’ai qu’à prendre ma partition pour me replonger plusieurs années en arrière. La couverture, où trône encore mon nom écrit en lettres enfantines, est en deux sections rapiécées; les pages sont jaunies. Sur certaines se retrouvent des doigtés. Dès qu’une des pièces était terminée, une autre était aussitôt amorcée. Plus tard dans mon apprentissage, j’ai découvert la Romance en fa dièse majeur (fallait-il que je trouve l’œuvre belle pour me persuader de jouer une œuvre avec six dièses à la clé et toutes ces altérations accidentelles!) puis de nombreuses Novelettes. À 17 ans, ce sera la révélation du Quintette avec piano alors que, lors d’un séjour de trois semaines en camp musical, je fais de la lecture à vue avec un quatuor à cordes. Ce sera un coup de foudre irrévocable, une de ces œuvres qui marque une vie et qui, chaque fois que je l’entends, continue de m’interpeller comme si c’était la première (mon rêve reste de l’interpréter au concert, ne serait-ce qu’une fois…). Il ne faut pas non plus oublier les Dichterliebe (L’amour du poète), un sommet inatteignable, le Carnaval, que j’ai interprété lors de mon récital de fin de maîtrise, et les Papillons.

J'ai réalisé ce soir que, au fond, ces trois êtres m'interpellent profondément peut-être en grande partie parce qu'ils ont tous trois dansé une valse-hésitation entre musique et écriture. Mozart a signé plus de 1000 lettres, parfois ludiques, parfois déchirantes. On y retrouve des critiques musicales absolument cinglantes (on peut imaginer qu'il n'avait que peu de respect pour les petites musiques et les musiciens qui les produisaient), d'autres qui témoignent de son enthousiasme. Schumann possède une grande maîtrise non seulement du langage musical mais aussi littéraire. Ses articles dans la Neue Zeitschrift für Musik sont des pièces d’anthologie, d’une grande finesse, que la journaliste en moi ne peut qu’admirer. Ses hésitations, alors que jeune adulte, il oscille entre la musique et la littérature, me parlent aussi éloquemment que sa musique. « J’ai maudit le destin. Mais maintenant que je puis méditer sur tout cela, j’embrasse toutes choses dans leur ensemble et je reconnais clairement que le Destin a bien fait ce qu’il a fait. Je n’étais qu’une vague bouillonnante et je m’écriais : “Pourquoi faut-il justement que ce soit moi qui soit ainsi déchiré par la tempête?” Mais la tempête se calma et les flots retrouvèrent leur limpidité. Je vis alors que cette poussière qui recouvrait le sable lumineux avait été entraînée, et pourtant elle demeurait en suspens sur le sol lumineux. Des certitudes et des idées sur la vie prirent corps en moi; je vis alors que j’étais devenu plus clair pour moi. » (La Vie du chasseur, 1826) Debussy a signé sous le pseudonyme de Monsieur Croche des textes particulièrement incisifs mais qui démontrent néanmoins sa profonde compréhension du médium. Lui qui avait souhaité être peintre et avait tâté un peu de la poésie ne pouvait que se sentir interpellé par l'impressionnisme et le surréalisme, ces mouvements qui rêvaient d’une fusion des arts. Il désirait abolir les barrières du langage pour en faire ressortir les correspondances. « Mais, sapristi, la musique, c’est du rêve dont on écarte les voiles! Ce n’est même pas l’expression du sentiment, c’est le sentiment lui-même », s’insurgeait-il d’ailleurs dans une lettre datée du 9 septembre 1892. Union des arts, des genres, des publics, des époques... Pas si surprenant qu'ils continuent de combler mon petit côté idéaliste...

Pour vous laisser en musique, le premier mouvement du Quintette de Schumann:

lundi 26 novembre 2007

E.S.T.

Une entrevue avec le Esbjörn Svensson Trio chez Evene.fr ce matin. Décidément, maintenant que les connais et les admire, ils sont partout. Goldwrap se retrouvait même dans les vidéos MSN! Ils attendaient sans doute que je les découvre. (Hum!) À lire ici...

dimanche 25 novembre 2007

Se résoudre aux adieux

Je l'avoue d'emblée, j'aime beaucoup les romans épistolaires. Je sais, c'est à contre-courant de la réalité SMS, du tchat et des expressions calquées de l'anglais. J'aime le côté rétro de la lettre (fut-elle courrier électronique songé, sur lequel on s'est penché pendant de longues minutes), j'aime la façon dont on y réfléchit tout haut, tout en ouvrant la porte, de temps en temps, à une possible intervention de l'ami, du lecteur... Enfant, j'entretenais déjà des relations épistolaires et le facteur était mon héros, celui que je vénérais. (J'ai sérieusement songé devenir factrice mais, éventuellement, je me suis bien rendue compte que, malheureusement, le facteur apportait plus souvent des factures que des lettres d'amour.)
Bien sûr, ici, nous n'avons qu'un seul côté de l'histoire, celui de Louise, qui essaie de panser sa peine d'amour et qui cherche à se perdre, dans l'espoir de se retrouver, à La Havane, Venise, dans l'Orient-Express... Elle envoie des bouteilles à la mer, avec l'espoir futile qu'il les lira. On On n’écrit jamais pour les autres, jamais. On n’écrit que pour soi. On prétend dialoguer mais tout n’est que soliloque. Elle finira par se concentrer sur le geste, sur le discours, sur elle-même, dessinant peu à peu l'histoire d'un amour condamné dès le départ, à petites touches, le plus souvent tendres mais quelquefois mordantes. L'écriture de Philippe Besson (auteur que je lisais ici pour la première fois) est fluide, lyrique, terriblement féminine même. On entre entièrement dans l'univers de Louise, on se fond en elle, on vit à travers elle et son périple intérieur, de sa lente guérison, le temps de quelques heures suspendues. Il ne mesure pas exactement l'ampleur des dégâts que tu as causés mais il la devine assurément lorsque, posant ses doigts sur ma peau, il épouse le creux de mes plaies. Ses caresses m'aident à les soigner, ces plaies, enfin.
En remettant le livre à la bibliothèque aujourd'hui, je n'ai pas pu résister: j'ai emprunté un livre de lettres d'amour d'écrivains, histoire de prolonger l'incursion dans cet univers légèrement suranné.

On peut lire ici un extrait du livre.
Les avis du journal Marianne et d'In cold blog

samedi 24 novembre 2007

Le Sacre du printemps et Béjart

On se souvient toujours de la première fois... Si cette phrase fait généralement référence au premier baiser, elle peut sans nul doute s'appliquer à l'écoute du Sacre du printemps d'Igor Stravinski. Certains l'auront peut-être apprivoisé très tôt, étendus sur le tapis du salon, trame sonore soutenant le récit de la fin de l'ère de dinosaures dans Fantasia. Monde perdu en ébullition, vision de la naissance et de la déchéance d'une époque qui a de tout temps marqué l'imaginaire enfantin, Walt Disney y a su admirablement utiliser l'œuvre de Stravinski. (Mes enfants l'ont connu de cette façon et peuvent en reconnaître des extraits de quelques secondes sans problème.) Certains ont peut-être vu la chorégraphie déstabilisante de Marie Chouinard (son Sacre est devenu un classique de la danse québécoise). Moi, je l'ai découvert dans la version de Maurice Béjart au début des années 1970, fort probablement dans la version du film que l'on retrouve ici. Quand j'ai appris la nouvelle de la mort de Béjart, il y a quelques jours, j'ai immédiatement eu des images du Sacre en tête.

Les images tribales fortes, la musique extrêmement rythmée et aux dissonances marquées, le sujet païen du livret m'avaient particulièrement déstabilisée (j'étais très jeune encore). Pour dire vrai, ils étonnent encore, près d'un siècle après la création du ballet. (Il y a quelques années, j'ai vu des abonnés de longue date de l'OSM quitter la salle à l'entracte, sans doute encore effrayés par la modernité de l'oeuvre. Ils ont raté une interprétation magistrale de Rafaël Frubeck de Burgos qui a détaillé l'oeuvre de façon magnifique, me révélant des strates que je n'y avais jamais décelées, même après des dizaines d'écoute.) Pourtant, une fois qu'on l'a entendu une première fois, on n'a de cesse que de renouveler l'expérience, d'y plonger plus profondément , de s'approprier cette oeuvre phare du répertoire symphonique du XXe siècle. L'OSM le présentera, le 6 décembre, lors de son concert-bénéfice, sous la direction de son ex-directeur musical, Zubin Mehta. Inutile de préciser que j'ai déjà mes billets (et que j'ai insisté pour en écrire les notes de programme)!

jeudi 22 novembre 2007

La caverne d'Ali-Baba

Deuxième visite au Centre de musique canadienne de la semaine ce matin, cette fois pour ramasser les partitions promises aux lauréats de la journée de récitals de la semaine de la musique canadienne. Après discussion avec Mireille Gagné, directrice régionale du Québec et après avoir feuilleté quelques partitions de divers niveaux, sous l'oeil attentif de Louis-Noël Fontaine, nous avons fait un choix de partitions d'après les niveaux des élèves à récompenser, que j'avais regroupés grosso modo en débutant (préparatoire à 3e année), intermédiaire (4e à 6e) et avancé (7e et plus). L'après-midi même de mon passage, Mme Gagné me rappelait pour m'annoncer que les partitions étaient prêtes et qu'elle avait choisi de récompenser les 30 élèves méritoires. Quelle générosité!
Ce matin, retour dans la caverne d'Ali-baba (fascinant, tout ce qu'on trouve sur les murs et dans l'ordinateur de recherche!), avec une excitation qui ressemblait fort à celle que l'on ressent à quelques secondes de déballer un cadeau de Noël quand on est enfant. Comme je suis grande maintenant (hum!), j'ai réussi à attendre d'arriver à la maison avant de découvrir quelles partitions avaient été glissées dans la hotte de la Mère Musique canadienne. Évidemment, une fois arrivée, j'étais incapable d'attendre une seconde de plus et je me suis jetée sur le piano pour déchiffrer celles que je ne connaissais pas encore.
Les plus petits pourront jouer avec bonheur Les soirées du vendredi de Raynald Arsenault, une série de sept courtes pièces très descriptives (grâce aux miracles de la technologie, on a pu extraire huit copies papier des entrailles de l'ordinateur central en un tour de main!). Les intermédiaires auront à se mettre sous les doigts Évocations, six pièces qui relatent le périple de la route de Compostelle de la compositrice Nicole Rodrigue ainsi que Babillage de la même auteure (très humoristique, bien sûr) ainsi que de Petites Études et Trois Pièces pour la légende dorée de Clermont Pépin et Bourrasque lunaire de Suzanne Hébert-Tremblay. Les plus avancés découvriront avec plaisir (souhaitons-le!) la Valse de l'asile de Walter Boudreau, les Trois Préludes de Rodolphe Mathieu, le Nocturne (Hommage à Gabriel Fauré) de Clermont Pépin, L'île et l'eau de Suzanne Hébert-Tremblay, La féline aux humeurs violacées de Michel Frigon, les Trois Préludes de Roger Matton (une découverte fort agréable pour ma part) ainsi que deux partitions d'Alain Payette, ses Deux petites ballades pour piano (dédiées à ses enfants) et, mon coup de coeur du lot, L'eau salée, une peinture d'atmosphères particulièrement réussie (que je me procurerai moi-même la prochaine fois que je remettrai les pieds dans la salle des trésors!). C'est presque comme Noël en novembre, surtout avec la neige qui semble vouloir s'installer!
Cet événement, malgré son vague côté opéra dramatique de série B (pensez Mephistopheles de Boïto dans la production de l'Opéra de Montréal d'il y a quelques années et essayez de ne pas rire), aura été finalement fort positif, parce qu'il m'a révélé, hors de tout doute, la richesse du répertoire canadien. Reste à le partager maintenant avec les élèves, les autres profs, les auditeurs, les curieux, les autres...
J'oubliais presque: bonne Sainte-Cécile!

mercredi 21 novembre 2007

« L'éducation est un processus de vie, et non une préparation à la vie. »

John Dewey, extrait du Credo pédagogique

mardi 20 novembre 2007

Semaine de la musique canadienne

Saviez-vous que cette semaine, d'un océan à l'autre (eh oui, from coast to coast), se déroule la semaine de la musique canadienne? L'événement annuel, qui se tient depuis 1960 (ce n'est pas rien!) souhaite faire connaître la musique canadienne au grand public, inciter les professeurs et les jeunes musiciens à s'approprier le répertoire canadien contemporain et, bien sûr, à encourager les compositeurs et les interprètes canadiens. On pouvait par exemple télécharger gratuitement sur le site canadien de l'association deux partitions originales (l'une pour piano, l'autre pour chant et piano).
Trois récitals ont eu lieu samedi dernier à Montréal et ont permis à tous ceux présents d'apprécier la vitalité de ce répertoire. Si plusieurs jeunes pianistes ont opté pour des valeurs sûres (lire, datant du début du XXe siècle plutôt qu'écrites hier matin), certains n'ont pas hésité à nous émouvoir par La valse de l'asile de Walter Boudreau (écrite pour la pièce de théâtre L'Asile de la pureté de Gaudreau, il y a quelques années à peine), une pièce particulièrement envoûtante, digne d'un Fellini ou même à créer des oeuvres de compositrices. On a ainsi pu découvrir de cette façon le talent de Mélina Claude (qui a écrit plusieurs pièces pour de jeunes élèves) et de Danielle Fournier dont on entendait pour la première fois semble-t-il Bleu indien, (une pièce que je me procurerai tout bientôt). Un juge des plus amicaux était à l'écoute et je tiens à le remercier ici publiquement. Sans Michel Fournier (oui, le même qui laisse à l'occasion des commentaires ici!), l'aventure aurait été beaucoup moins enrichissante pour les jeunes étudiants (le respect et l'émerveillement qui brillaient dans leur regard quand Michel leur a parlé à tous après les récitals étaient particulièrement éloquents) et l'organisatrice (oui, moi).
En tant que coordonnatrice de l'événement, je me suis heurtée à des remous plutôt houleux, qui me laisse un goût légèrement amer dans la bouche (je tiens à noter ici que tout ceci a été fait de façon purement bénévole). Je trouve dommage que certaines personnes choisissent de s'opposer au changement par principe plutôt que par conviction. Rassurez-vous, je ne me servirai pas ici de la place publique pour régler mes comptes (je ne pense pas, honnêtement, qu'ils se règleront), bien au contraire. J'attirerai seulement votre attention sur notre jeunesse vibrante qui, aujourd'hui comme hier, n'a pas changé tant que cela et est encore capable de nous éblouir, de nous séduire, de nous convaincre, de nous émouvoir, à travers une oeuvre musicale. Sainte-Cécile, la sainte patronne des musiciens, dont on célèbrera la fête le 22 novembre, peut être fière de la relève!

lundi 19 novembre 2007

Mozart en ligne(s)

En ce début de semaine, un petit film d'animation italien absolument délicieux, qui fait sourire et attendrit. Mozart est décidément, encore et toujours, une grande inspiration!

vendredi 16 novembre 2007

Semer le doute

Peut-on être artiste sans se laisser habiter par le doute? Il faut simplement éviter, pour rester relativement sain d'esprit, de ne pas se laisser ronger par lui. Parfois, on se sent suffisamment fort pour lui tirer la langue, parfois, on rougit de honte devant lui. Quand on travaille un instrument (à la limite, quand on joue avec les mots, mais c'est un peu différent, du moins pour moi), on est confronté constamment à ce doute. Comment dois-je phraser? Qu'est-ce que je veux transmettre? Où est la très fine ligne entre la personnalité du compositeur et la mienne? Combien de moi suis-je prête à révéler à travers les sons d'un autre? Mais qu'a-t-il vraiment voulu dire?

Il peut être relativement facile quand on s’y attarde de lire derrière des mots mais les musiciens souhaitent avant tout toucher l’autre, le public, son double, à travers cet autre langage, celui qui vient chercher si loin, qui traverse autant qu'il libère, qui transporte, qui soutient, qui permet de transmettre d'infinies subtilités que les mots sont incapables de rendre. En musique comme en amour, il faut savoir lâcher prise, ne pas avoir peur de se perdre. Même quand on s'égare, on finit toujours par s'y retrouver.

jeudi 15 novembre 2007

Les carnets de Douglas

Cet attrayant roman se lit comme une histoire d’amours multiples et démultipliées : amour improbable entre Douglas (Romain) et Elena, inconditionnel, presque fiévreux envers Rose, le bébé à naître, penchant ignoré de Léandre envers Elena, tendresse infinie de Léandre et Gabrielle envers la petite Rose, relation fusionnelle de Rose avec son arbre, de Douglas avec la nature, lien intime avec la musique.

Avec douceur et conviction à la fois, l’écriture d’une grande limpidité de Christine Eddie fait basculer le lecteur dans un univers presque onirique. La plume poétique de l’auteur cisèle les paysages, les fait surgir devant nous. Sa voix unique nous raconte, presque en pointillés, le destin extraordinaire de personnages atypiques mais auxquels on s’attache en un instant. Discrètement, ils se découvrent peu à peu, dévoilent leur richesse intérieure, nous touchent par la profondeur de la faille qui les traverse, nous confrontent à la petitesse du monde qui les entoure, à l’intolérance, à la suprématie du progrès technologique.

Christine Eddie jette un regard tendre sur cet univers en suspension et choisit de le traiter de façon presque voilée, comme pourraient le faire certains cinéastes, avec un filtre. Les courts chapitres sont d’ailleurs astucieusement regroupés à l’intérieur de sections à connotations cinématographiques : repérage, gros plan (et fondu au blanc), plan d’ensemble, fondus enchaînés, accéléré, musique, fin, générique. En gravant sur la pellicule les différents éléments qui composent sa fresque, elle laisse au lecteur la possibilité d’y inscrire son propre scénario, d’y jeter un éclairage subjectif, de colorer à sa façon les zones volontairement laissées en plan. Une voix unique, musicale, qui sait à merveille dépeindre la vie qui palpite sous la surface.

Pour lire les commentaires des autres collaborateurs au blogue La recrue du mois...

lundi 12 novembre 2007

Hommage à Hélène Grimaud

Trouvé, ce matin, sur un site poétique, une superbe lettre ouverte à Hélène Grimaud, toutes en nuances et en subtilité. Pour la lire, c'est ici...

dimanche 11 novembre 2007

Derrière les livres

Un billet fascinant de Danny Laferrière dans La Presse de ce matin, dans lequel il se penche sur l'écrivain derrière le livre, sur le processus d'écriture, sur la part de l'auteur qu'on peut découvrir entre les lignes.
Pour Whitman, l'écrivain se trouve derrière son livre, mais en lisant on le fait apparaître devant soi. Et quand il est là, on replace le livre dans la bibliothèque, on prépare le thé, et on revient s'asseoir calmement pour converser avec cet esprit qui a traversé parfois les siècles pour nous retrouver ici. Lire la suite de l'article...

samedi 10 novembre 2007

Les musiques de mes amis

Ça y est, vous vous dites que je manque franchement d'originalité dans mes choix de titres. Peut-être avez-vous un peu raison. Avec la proximité favorisée par la blogoboule, j'ai fait toutes sortes de découvertes, certaines littéraires (plusieurs blogueurs littéraires sont franchement compulsifs et je n'arrive pas à saisir comment ils peuvent lire un bouquin par jour!), d'autres de vie (certains écrits secouent profondément, quand on accepte de se laisser toucher), d'autres musicaux.
Étant malheureusement devenue un tantinet blasée musicalement au fil des ans, je n'avais pas été sujette à un vent d'enthousiasme de ce côté-là depuis bien longtemps. Quand on reçoit des disques à commenter pour le boulot, parfois non sollicités, on finit par ne penser qu'en termes d'interprétations (si je ne suis pas séduite après dix secondes, j'aurai de la difficulté à accrocher après), de comparaisons (que je trouve la plupart du temps assez vides du sens, j'aime mieux me concentrer sur le point de vue des interprètes, sur la transmission du message que d'étaler mes connaissances discographiques à tout vent), de prise de son (j'admets que, là-dessus, je ne suis pas très maniaque). Bref, on oublie le simple plaisir d'écouter de la musique, juste comme ça, juste parce que.

En visitant des sites d’amis blogueurs, j’ai fait récemment toutes sortes de découvertes. Sébastien, en fan d’une ferveur exceptionnelle, m’a ainsi fait découvrir Esjbörn Svensson Trio, un groupe de jazz suédois, surprenant, qui se considère lui-même comme un groupe de pop. Avec ses sonorités uniques qui allient jazz aux grooves drum & bass, à certains éléments de musique électronique, rythmiques funky ou emprunts au rock et à la pop mais également à la musique classique européenne, E.S.T. possède un son bien à lui. Grand expérimentateur, les mélodies et les harmonisations du pianiste sont loin d’être prévisibles. Ayant épuisé tout ce qui se trouvait sur Youtube (pas tant de titres que ça, malheureusement), j’étais prête à plonger et à me procurer un disque! Après avoir épluché les bacs des disquaires spécialisés de la rue Sainte-Catherine, j’ai pu constater que seuls deux des disques du groupe, le dernier (Tuesday Wonderland) et un vieux live (daté de 1995) étaient disponibles ici. J’aurais souhaité me procurer Seven Days of Falling, qui comprend la pièce du même titre, que j’avais laissé s’immiscer en moi tout doucement mais qui n'est disponible que difficilement sur Internet.

Deux jours après, je flanchais et mettais la main sur Tuesday Wonderland, qui comprend notamment l’excellent Goldwrap.

Mais mon histoire ne s’arrête pas ici. Tant qu’à fouler le sol du temple de la musique, sur trois étages, j’ai fait un tour au département de la pop, domaine que j’avais fortement négligé au cours des dernières années. En visitant le site de Luzur, j’avais succombé doucement au charme de la voix de Feist. Au début, j’ai un peu souri (l’auteur semblait autant séduit par la beauté et la plastique de la chanteuse que par ses chansons) puis je me suis mise à fredonner sans raison My moon, my man, particulièrement contagieux (et un vidéo particulièrement bien conçu). La semaine suivante, j’entendais Feist dans un café, quelques jours après l’un de mes élèves adultes m’en parlait! Je me suis dit que ce devait être un signe et je me suis donc procurée Reminder, le dernier album de la chanteuse originaire de la Nouvelle-Écosse mais qui a grandi dans l’Ouest canadien avant de se fixer à Toronto.
Sur le même site, j’avais découvert deux jours avant The Postal Service, un groupe de la scène indépendante de la côte Ouest américaine, et leur chanson Such great heights. En me promenant sur Youtube (vous allez commencer à croire que je ne bosse jamais!), j’ai découvert d’autres titres du groupe (dont un remake complètement déjanté de Against all odds). En jetant un coup d’œil aux liens, j’ai appris que Ben Folds avait fait un cover (superbe) de la chanson. Je me suis alors rappelée combien j’avais écouté Forever and ever amen de Ben Folds Five (ici le lancinant Brick) et ai constaté que mon engouement pour le piano et la voix de Folds était intacte. J’ai donc décidé de rattraper le temps perdu et ai acheté deux albums, Rocking in the Suburbs et Supersunnyspeedgraphic… Sur le premier, je vous recommande particulièrement Still fighting it, une touchante ballade écrite pour son fils (qu'on voit dans le vidéo), The luckiest et Learn to live with what you are, dont le vidéo est particulièrement craquant.

Je vous rassure tout de suite, il n’y aura pas de troisième segment à ces xxx de mes amis. Je n’ai aucune intention de dévoiler vos noirs desseins ou vos aspirations les plus lumineuses. À moins que je ne parle de vos recettes? Mais non, je blague… Allez, je vous laisse, j'ai des disques à écouter!

vendredi 9 novembre 2007

La musique klezmer

Univers fascinant que celui de la musique klezmer. J'ai dû me pencher sur le sujet pour la rédaction d'un document pédagogique et j'ai été séduite par ce que j'ai pu apprendre.

Tradition musicale des Juifs ashkénazes, la musique klezmer s’est développée à partir du XVe siècle. Ses origines plongeraient vraisemblablement dans la musique moyen-orientale et turque mais aussi dans celles des Slaves et des Tziganes. En raison de ses origines, la langue de prédilection de la chanson klezmer est le yiddish, un mélange d’hébreu, d’allemand, de polonais et de russe. La musique klezmer a survécu au fil des siècles grâce à sa volonté de sauvegarder son essence tout en acceptant de l’enrichir des cultures environnantes. Elle est devenue en quelque sorte la synthèse de plusieurs siècles d'interactions entres Juifs et non Juifs. (Dans cette ère d'accomodements déraisonnables, on ne peut que s'arrêter pour réfléchir un instant. J'invite d'ailleurs les Québécois de souche - et les autres - à signer une pétition contre l'intolérance ici. Parfois, ces jours-ci, j'ai presque honte d'être Québécoise de souche! Fin de la parenthèse politique.)
Jouer de la musique klezmer se rapproche étrangement de la narration d’une histoire. C’est pourquoi les thèmes repris dans les chansons klezmer font le plus souvent référence à la vie communautaire juive, au Shabbat et aux fêtes religieuses. On y évoque aussi les éléments de la vie quotidienne. La mère étant une figure emblématique dans la culture ashkénaze, on retrouve plusieurs airs qui lui sont dédiés (dont le plus connu reste Yiddishe Mamma). Certaines chansons traitent de sujets qui affectent la vie d’un village tout entier, que ce soit un incendie au shtetl (village) ou l’émigration vers les États-Unis (par exemple, la chanson Di Grine Kuzine). Cette émigration a d’ailleurs permis l’intégration d’éléments de jazz au langage musical klezmer traditionnel.
La musique klezmer étant à l’origine une musique de danse, surtout jouée dans les mariages, le tempo se modifiait en cours d’exécution pour s’adapter à la fatigue des danseurs (et des musiciens). Cette flexibilité du tempo est restée inscrite au cœur même de cette tradition musicale.
En tant que représentante de la tradition culturelle ashkénaze, la musique klezmer reprend plusieurs des éléments musicaux qui y sont associés. Les complaintes des clarinettes, si typiques du genre, se veulent une imitation du son du shofar, un instrument à vent sculpté dans une corne de bélier, ancêtre de la trompette, utilisé lors des offices de Rosh Hashana (nouvel an du calendrier hébraïque) et Yom Kippour (aussi appelé jour du grand pardon). Son aspect répétitif évoque quant à lui le chant du hazzan, le chantre de la synagogue.

Si vous souhaitez approfondir le sujet, je vous recommande le site suivant, extrêmement complet (en anglais). La meilleure chose à faire pour se l'approprier est bien sûr de l'écouter. Pour entendre le clarinettiste Giora Feidman, c'est ici ou . Le violoniste et chef d’orchestre Itzhak Perlman se joint à un groupe klezmer ici et l'ensemble Kleztory nous séduit parou sur leur Myspace.
Prochaine chronique musicale dans un tout autre registre, comme vous le verrez. Patience, patience...

lundi 5 novembre 2007

Jean-François Rivest

Pour ceux qui ont peut-être été intrigués par l'enthousiasme démontré lors de cette rencontre avec Jean-François Rivest, chef en résidence de l'OSM, professeur à l'Université de Montréal et surtout, véritable boule d'intensité, voici l'article que j'ai signé pour La Scena Musicale. Vous pouvez consulter le PDF de l'article ici (le texte débute à la page 12 mais sentez-vous libres de feuilleter le reste!).

dimanche 4 novembre 2007

Les livres de mes amis

Deux couvertures rouges, deux univers différents, mais deux conteurs, chacun à leur façon. Avant tout, deux livres qui sont plus proches de moi dans la chaîne de transmission que la plupart des livres que je retrouve habituellement en librairie, deux livres dédicacés. L'un m'a été offert par mon amie homonyme à la fin de l'été, l'autre par l'auteur lui-même. Dans le cas de Kaya de Robert Blake, l'auteur m'a contacté il y a quelques semaines par courriel, ayant eu vent de mon site (par cette amie commune sans doute), cherchant à savoir si j'avais lu son livre. Dans l'autre, Le mariage d'Anne d'Orval de Sébastien Fritsch, le livre est arrivé, livraison toute spéciale, dans les valises d'un couple d'amis de l'auteur, vendredi dernier. Autre lien qui les rapproche, ces deux livres font plonger dans des univers que je ne fréquente habituellement pas: le conte philosophique (même si j'admets avoir eu ma passe Paulo Coelho) et le roman historique (enfin, pas vraiment, vous allez comprendre pourquoi dans quelques lignes).
Kaya est le deuxième conte de Blake, qui avait signé un charmant Voyage il y a quelques années. Mon amie me l'avait prêté et je l'avais dévoré en une soirée, comme ce fut le cas avec Kaya. Dans Le Voyage, les redites m'avaient un peu lassées, je l'admets ici. Chaque chapître, chaque nouvelle petite histoire, étaient introduits de la même manière, en escalade si l'on veut, une technique qui fonctionne particulièrement bien quand on raconte une histoire de vive voix mais qui me semblaient moins convaincante à l'écrit. Dans Kaya, plusieurs de ces redites, de ces clins d'oeil de l'auteur/conteur, ont été gommés et, de ce fait, la lecture en est devenue beaucoup plus aisée. M. Jacquot (personnage du premier livre) passe du rôle de passeur à celui d'acteur, suite au défi de Mister Charles, qui lui parle de l'île imaginaire de Coll, cette île qui vient à nous. Il y rencontre un attachant lutin, Larin, qui n'a pas la langue dans sa poche et plus d'une histoire millénaire dans sa besace: celle du Semeur d'étoiles, du Roi Aramos, des frères jumeaux devenus ennemis Atimore et Ackmore. En deuxième partie de livre, M. Jacquot doit compléter l'histoire de Kaya, qui dormait dans ses cartons depuis trop longtemps. Le style de l'auteur devient alors beaucoup plus fluide (les dialogues de commentaires disparaissent presque entièrement) et j'ai alors plongé, comme une enfant, dans l'univers magique. La langue coulait, les images affluaient, je me retrouvais, assise en indien, à écouter une jolie histoire au coin du feu (et, hum, si on se fie à la photo du quatrième de couverture, j'aimerais bien me faire raconter une histoire par ce charmant monsieur... fermons vite la parenthèse!). Marchant le dos bien droit, la main gauche sur la tête de mon épée, je vis la plus belle des clairières au milieu d'une île, le ciel et les étoiles dans la peau d'une femme. J'eus peine à la regarder tellement mes yeux étaient éblouis par la lumière qui l'enveloppait. Mon coeur battait si fort que les boutons de ma veste eurent envie d'éclater. Si vous avez aimé L'alchimiste, vous apprécierez ce livre...
Reculons maintenant 800 ans en arrière pour aborder l'univers du Mariage d'Anne d'Orval. Je l'avoue d'emblée ici, j'ai voulu lire le livre parce que j'ai appris à connaître, à apprécier l'auteur à travers son blogue. Depuis, il y a eu des messages plus personnels échangés, hors blogosphère et maintenant, j'apprivoise l'humain derrière l'auteur. Alors, évidemment, j'ai plongé dans le livre avec un enthousiasme prudent. En effet, comment réagir si j'avais détesté l'univers du roman? Quand j'ai eu le livre en main vendredi dernier, je me suis sentie comme une gamine. J'étais à peine rendue à la voiture que j'avais décacheté l'enveloppe, avais jeté un coup d'oeil au quatrième de couverture (histoire de mettre un visage sur les mots) avant de lire avec ravissement la dédicace. Quand même, ce n'est pas rien, je suis la première lectrice québécoise de l'auteur! Un privilège, tout de même (le livre sera apparemment distribué ici en 2008, à suivre...). Malgré la dizaine de livres qui attendent sur ma PAL (pile à lire), le soir même, j'y plongeais, avalant trois chapîtres d'un coup, avec un plaisir presque coupable. Moi qui n'ai lu aucun des Jeanne Bourin, ai adoré Les rois maudits à la télé mais n'ai jamais pensé une seconde à lire la somme de livres qui a inspiré la série, n'ai lu qu'un Umberto Eco (même pas Le nom de la rose, que j'ai vu en film, cependant, avec plaisir), j'étais un peu réticente à plonger dans l'univers médiéval et ses histoires de preux chevaliers et de donzelles au teint pâle. Si les premiers chapîtres du livre sont effectivement dédiés à la peinture d'époque, la galerie de personnages, plutôt atypique, m'a immédiatement séduite. Ils échangèrent tout d'abord sur les différences de leurs pays respectifs. Clément fit du sien un tableau des plus simples, mais qui suffit à Anne pour se sentir déjà partie à ses côtés. La voix qu'elle écoutait avait le goût du sel éparpillé aux vents, la tendresse du sable, sa blancheur froide. Elle s'animait ensuite de la puissance des flots. Elle dessinait les gestes maternels que l'onde lance sur les lointains secrets des profondeurs. Elle invitait à embrasser, parmi les rochers noirs, les échos des derniers cris des pêcheurs noyés. J'aurais voulu être Anne d'Orval, celle que tous vénéraient au premier regard, j'en étais presque jalouse. Et puis, tout à coup, l'histoire se bouscule, nous fait basculer dans un tout autre univers. On commence à douter de ce qu'on a lu, on cherche des indices, on entre volontairement dans un immense jeu de piste. Plus important, peut-être: Anne d'Orval devient une femme de chair et de sang et non plus une icône. Les péripéties se multiplient, on tourne les pages de façon quasi compulsive; je me croyais par moments dans une superproduction américaine. Doucement, la violence, le code de vie strict, les saccages typiquement masculins sont balayés par le feu, la passion, les déchirements, les renoncements, des choix habituellement beaucoup plus féminins. J'ai aimé le ton, aussi, presque suranné, comme si je me faisais raconter l'histoire par la vieille femme (la narratrice), dans un château mal chauffé, faisant semblant d'être absorbée par mon ouvrage de broderie (on peut toujours rêver) mais étant toute ouïe, les sens grands ouverts.
Deux fables, deux univers... toujours la même vie qui bat, à travers les siècles.

mercredi 31 octobre 2007

La musique comme expression de l'horreur

Eh oui, ce soir, la grand'messe des petits vampires, des sorciers sympathiques, des squelettes qui dansent la claquette et des sourires coquins. Mais quoi donc écouter en cette journée sous le signe du mystère, de la nuit, de la magie parfois noire?
Comment les compositeurs s’y prennent-ils pour écrire de la musique qui évoque mystère et peur? Certaines mélodies nous rendent nerveux avant même qu’on remarque le danger à l’écran. Une des musiques de films les plus réussies dans le genre reste celle de Jaws, les dents de la mer, du célèbre John Williams. On devine tout de suite en l’entendant qu’un grave danger attend le héros.
La musique la plus sonore n’est pas nécessairement la plus effrayante. Parfois, il s’agit que la musique s’arrête ou devienne soudain très douce pour que le suspense se coupe au couteau. On peut alors entendre le moindre bruit, la moindre respiration, le souffle du diable. Les staccatos (des notes très courtes) peuvent être utilisés à ce moment-là pour souligner ces faibles bruits.
Plusieurs compositeurs ont écrit des œuvres inspirées par l’horreur. On peut mentionner : La Nuit sur le mont Chauve de Moussorgski (1867), popularisé par le Fantasia de Walt Disney, Hallowe’en de Charles Ives (1906), Nuits de Iannis Xenakis (1967), City Life de Steve Reich ou Hallucinations de John Corigliano (1981). Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima de Krzysztov Penderecki (1959) reste une œuvre particulièrement prenante (attention, images assez choquantes dans la vidé0). « Puisse le Thrène exprimer ma ferme conviction que les sacrifices d’Hiroshima ne soient jamais oubliés et perdus », notait le compositeur. Black Angels de George Crumb (1970), écrite pendant la guerre du Vietnam, se veut une représentation musicale de l’opposition entre Dieu et le diable (merci tidoigts pour cette découverte!). Musica Ricercata (II) de György Ligeti, utilisée récemment dans le film Eyes Wide Shut, nous plonge dans l’angoisse avec sa seconde mineure lancinante. Mais c'est sur une autre oeuvre de Ligeti que je vous laisse, sa treizième (bien sûr!) étude, « L'escalier du diable »

samedi 27 octobre 2007

Second souffle

Oui, je sais, je sais... je vous ai lâchement négligés... plus d'une semaine de silence, c'est presque inacceptable! Pourtant, ce n'est pas comme s'il ne s'était rien passé dans la dernière semaine. Oui, bien sûr, après m'être pâmée sur l'intensité de cette fameuse entrevue de jeudi dernier, j'ai dû retomber sur terre suffisamment longtemps pour cogiter, décanter et présenter le tout de façon cohérente mais attrayante (enfin, j'ai essayé!). Tant qu'à avoir les deux mains dans du matériel d'entrevue, j'en ai profité pour monter un topo « entrevue » pour ma classe de culture générale. Ça a semblé les allumer pas mal plus que le contrôle sur les actualités du début du cours, pendant lequel j'ai eu droit à plusieurs fous rires nerveux du type « mais elle est complètement tombée sur le coco, la madame, comment veux-tu que je connaisse la réponse à cette question? » Pourtant, j'avais fait passé le quiz en question (18 questions d'actualité récente plus une question à mini-développement) à mon fils qui avait répondu facilement à toutes les questions sauf deux. Des exemples de la torture infligée? Quel est le nom du mime français décédé en septembre? De quel pays Rangoon est-elle la capitale? Nommez-moi deux chroniqueurs de La Presse. C'est pas la fin du monde, si? Je dois dire que je n'ai pas très hâte de corriger tout ça... hum... je vais laisser passer le week-end avant!

Dans la dernière semaine, il y a eu aussi de belles rencontres! (Je vous entends d'ici: « Bon, ça y est, elle s'emballe de nouveau! ») J'ai ainsi rencontré Venise en vrai dimanche dernier. Si! Si! J'ai pu apprécier son magnifique domaine haut perché, rencontré son charmant chum de mari (comme elle l'appelle) et échanger sur la littérature et la vie en général avec cette femme remplie de ludicité et de profondeur.

Hier soir, j'ai enfin procédé à l'échange de paquets livresques avec les amis de Sébastien (absolument charmants, vous pouvez me croire sur parole!). Comme ils ne retournent pas en France avant une semaine et que je ne sais pas quand Sébastien finira par avoir son paquet de littérature québécoise, je ne vous révélerai donc pas tout de suite ce que j'y ai glissé (Sébastien est curieux de nature, j'en suis persuadée). Je vous dirai simplement que le choix a été déchirant et je remercie tout ceux qui ont laissé des suggestions. Je les note dans mon carnet!
Et puis, dans un tout autre ordre d'idée, j'ai offert une deuxième vie à un instrument de musique qui dormait chez moi. Ceux qui me lisent depuis quelques mois se souviendront peut-être de l'intense déchirement que j'avais ressenti lorsque j'avais été témoin du passage à la casse de l'instrument de musique de mes voisins. Hier, j'ai plutôt eu le plaisir de céder un instrument inhabité à une nouvelle musicienne. Mon fils a travaillé le saxophone pendant trois années, avant de se décourager, puis d'opter pour la guitare électrique, puis d'arrêter de nouveau. J'avais donc un excellent instrument qui dormait dans sa boîte depuis trop longtemps. Lors d'une conversation de messagerie instantanée (vive la technologie!), j'ai appris que la fille d'une amie de longue date (nous nous sommes rencontrées dans un camp musical quand nous avions 14 et 15 ans et sommes toujours restées en contact) s'était entichée de l'instrument et avait débuté des ateliers d'harmonie. Saisissant au bond le destin, je lui ai donc proposé l'instrument en question. En journée pédagogique hier, la jeune musicienne est venue essayer le saxo en question. Enthousiasme communicatif, folie douce à la voir s'approprier la bête, plaisir pur d'assister à une rencontre aussi intime, en direct. Je jette un coup d'oeil dans le coin de mon bureau, là où trônait (bon, d'accord, traînait) la boîte depuis trop longtemps. Oui, c'est vrai, il y a maintenant là un vide mais je sais qu'au fond, il y a un plein, ailleurs, dans une autre maison, et ça me réconcilie avec mon rôle de passeur. Transmettre les bases du langage, transmettre l'amour de la musique, transmettre la vie. Si je me concentre bien fort, je t'entends d'ici, M.! Surtout, continue d'y croire! Je laisse ici un extrait des Tableaux de Provence de Paule Maurice, « La farandole des jeunes filles » pour t'inspirer.

vendredi 19 octobre 2007

Littérature québécoise: vos coups de coeur

Dans une semaine et quelque, je procédérai à un échange. Non, non, je n'échangerai pas ma maison contre une résidence en Provence (j'aimerais bien, remarquez!). J'échangerai plutôt deux paquets de livres. Dans l'un, directement de la France via les amis de Seb, en voyage d'agrément à Montréal, deux copies dédicacées du Mariage d'Anne d'Orval, l'une pour moi, l'autre pour... Anne Dorval! Eh oui, même si Seb ne connaissait pas l'existence de cette actrice québécoise, adulée (bon, d'accord, j'en mets un peu mais mon fils est un fan fini de la série) pour ses doubles rôles de Criquette et Ashley dans l'iconoclaste Le coeur a ses raisons, quand il a écrit son livre historique... Dans l'autre, il y aura un ou deux auteurs québécois, histoire de mieux faire connaître à Sébastien notre littérature... J'ai déjà quelques idées de ce que j'y glisserai mais j'aimerais bien avoir vos suggestions. S'il est séduit (comme je l'espère), il pourra toujours piger dans votre liste éventuellement!

Pour ceux qui constatent avec étonnement que ma liste de lectures semble stationnaire depuis quelque temps, je m'en excuse... J'ai été si débordée par mes multiples activités professionnelles (un jour, peut-être, j'apprendrai à dire non) que j'ai surtout lu récemment des documents musicaux spécialisés. Ma pile à lire commence à ressembler étrangement à la Tour de Pise mais j'espère (croisons les doigts) avoir quelques instants ce week-end pour me plonger et terminer par exemple Demian d'Hermann Hesse, un livre que j'ai reçu dans un autre échange de paquets il y a quelques semaines, de la part de tidoigts (l'échange s'est alors déroulé à Paris). La magie de la blogosphère, je vous dis!

jeudi 18 octobre 2007

Le plaisir des rencontres

Ce matin, presque coup sur coup, deux entrevues (j'avais un autre rendez-vous entre les deux mais j'ai abdiqué, je n'étais pas capable d'y voler à vitesse supersonique). L'un est chef d'orchestre (il sera en couverture de La Scena Musicale en novembre), l'autre trompettiste (il participe à une série de concerts jeune public des Jeunesses Musicales). L'un a la chevelure un peu éparse, l'autre sombrement bouclée. Deux hommes fort différents mais deux passionnés, au verbe porté haut et fort, qui chamboulent tout sur leur passage, qui tiennent absolument à transmettre, qui sont prêts à prendre les grands moyens pour y parvenir. L'un a même parlé d'une « croisade, d'une vocation, celle de donner des outils aux jeunes pour garder cette ferveur-là » et, bien sûr, ça m'a immédiatement allumée.

Cela faisait quelques mois que je n'avais pas réalisé d'entrevues « live » et je réalise combien tout ceci m'avait manqué. Bien sûr, c'est formidable d'écrire des textes sur un sujet ou l'autre, de servir de courroie de transmission, surtout quand le sujet est inspirant (comme ce fut le cas avec Norman McLaren, par exemple) mais quand j'ai le privilège de réaliser une entrevue où l'on sent avec l'autre une connexion d'une belle intensité (une combustion spontanée d'une certaine façon), je remercie le ciel d'avoir la bonté de m'accorder un tel privilège.

La célébrité des personnes interviewées n'y est pour rien. L'échange que j'ai eu avec Yo-Yo Ma a été magique mais Maurizio Pollini par exemple était l'un de ces interviewés particulièrement glissants et évasifs (probablement parce qu'il s'exprime mieux en musique qu'en mots, comme Radu Lupu). Certains artistes se croient grands mais ne réussissent à démontrer en entrevue que leur petitesse (inutile d'insister, je ne révélerai pas de noms). Certains ont été tellement brûlés (mauvaises critiques, propos cités hors contexte) qu'il est difficile de les approcher et qu'il faut travailler doublement pour saisir la faille. Et il y a ces autres, intenses, contagieux, qu'on sent habités, qui nous habitent pendant quelques heures, quelques jours, souvent au-delà de la complétion de l'article. Parfois (souvent), je fais un boulot vraiment gratifiant...

mardi 16 octobre 2007

Across the universe... encore

J'avoue, j'ai craqué... J'étais au centre-ville pour un rendez-vous ce midi et n'ai pu résister à l'appel du HMV! J'ai donc acheté la trame sonore (la version en 2 CDs, complète) du film Across the universe. Juste de feuilleter le livret au retour m'a replongé dans l'univers bien particulier du film... Un classique en devenir, du moins pour moi! Des fois, il faut accepter de se faire plaisir...

lundi 15 octobre 2007

Dany Leclair: Le sang des colombes

Un petit village québécois comme tant d’autres, une galerie de personnages plus grands que nature, une tragédie qui ne saura dévier de sa course : Dany Leclair brosse avec ce premier roman, Le sang des colombes, un tableau en couleurs sombres mais lumineuses à la fois. Roman Maric, terroriste spécialiste en explosifs, est responsable des attentats récents qu’a connus la métropole, revendiqués par le MASQ (Mouvement anonyme pour la souveraineté du Québec). Entre deux contrats, il cherche refuge dans le morne Saint-Alexis. Afin de s’intégrer plus ou moins au tissu tricoté serré du village, il se lie d’amitié avec le peintre Gauthier, qui lui propose un emploi d’homme à tout faire chez la veuve Lemoyne. Il y fera la rencontre de deux sœurs rivales, Elsa et Nadja, qui voudraient bien toutes les deux convaincre le bel inconnu de s’installer définitivement dans la région.

Même si le sous-texte de ce roman ne peut qu’être teinté de violence, Leclair réussit à nous en détourner suffisamment longtemps pour que le lecteur établisse une belle complicité avec les personnages. Roman est profondément interpellé par l’art et la littérature; Gauthier tente de sublimer sa violence intérieure (et son alcoolisme) en une création artistique; Hubert, le maire du village, un esprit fin, se réfugie dans les livres et les échanges intellectuels avec Roman; Nadja, sous ses dehors raisonnables, ne peut complètement éteindre la flamme de la passion.

Même si j’ai été le plus souvent happée par cette courte histoire, j’ai aussi été agacée par quelques invraisemblances. Roman n’est pas terroriste par conviction mais vulgaire mercenaire. Si, à l’origine, sa soif de liberté s’abreuve aux injustices connues dans son pays d’origine (la Roumanie), il offre ni plus ni moins ses services aux cellules terroristes d’un peu partout. Autre visage du terrorisme, plus mercantile qu’intégriste? Peut-être. J’aurais aimé pouvoir plonger dans la dualité entre l’homme de terrain et l’être un peu éthéré qui se réfugie dans l’art. On ne comprend jamais tout à fait ce qui alimente cette violence presque gratuite qui l’anime. (On est loin ici des pages exceptionnelles sur le sujet de Yasmina Khadra.) Dans un autre registre, comment croire que la veuve Lemoyne ait pu nommer ses filles Elsa et Nadja, prénoms tout sauf « pure laine »? Comment accepter que des villageois si conservateurs aient pu élire un maire à l’homosexualité latente (puis admise)? Dans les passages sur l’art et la littérature, on sent le pédagogue, le combattant qui, tous les jours, doit tenter de séduire la jeunesse en habillant la littérature d’un vêtement attrayant, soulignant à grands traits les caractéristiques, les références (fort intéressantes au demeurant) et cela m’a semblé un peu surfait. De la même façon, le symbole (la toile qui donne son titre au livre) aurait eu avantage à être un peu mieux intégré à la trame narrative. Cette scène d’une violence inouïe m’a semblé plus motif plaqué qu’élément essentiel au dénouement de l’histoire.

Malgré ces réserves, j’ai été convaincue par le style de l’auteur, le sujet improbable qui pousse à la réflexion (et si, ici aussi, les terroristes sévissaient?), la maîtrise des descriptions, les strates des différents personnages. Je lirai sans doute avec curiosité le deuxième opus de l’auteur.

Pour lire les autres commentaires de mes corédactrices, c'est ici.

samedi 13 octobre 2007

Appel à tous les pianistes et mélomanes

J'aurai dans le cours du prochain mois à rédiger un article sur Radu Lupu, ce géant du piano. Ceux qui suivent un peu la carrière de ce personnage absolument atypique, maître des pianississimi, grand architecte des édifices sonores, peintre subtil, savent qu'il n'accorde presque jamais d'entrevues. Quand il l'a fait, il faut bien l'admettre, les « révélations » ont été moins que fulgurantes. Il préfère, probablement avec raison, s'exprimer à travers son clavier.
Je vous laisse donc la parole. Si vous avez un enregistrement fétiche, souhaitez vous exprimer sur le pianiste, relater une expérience de concert, vous pouvez le faire en laissant un commentaire sur ce billet bien sûr ou, si vous en avez plus à dire (ou tenez à le garder plus intime), en me contactant par courriel ici. Mon article fera un bilan de sa carrière mais je tiens surtout à parler de son jeu, de sa perception par les mélomanes, par les autres pianistes, afin de brosser un tableau le plus « pianistique » possible.
Au plaisir de vous lire sur le sujet!
On le retrouve ici dans les 32 Variations de Beethoven. La 2e partie est .

mardi 9 octobre 2007

Across the universe

Je l'avoue ici humblement: les Beatles, jadis autrefois, ont servi de catalyseur, ont été un révélateur. En effet, j'avais baigné exclusivement depuis ma plus tendre enfance dans la musique classique. Mon père écoutait la Chaîne culturelle de Radio-Canada ou des disques classiques toute la journée, mes parents m'amenaient tous les vendredis soirs aux concerts gratuits de Radio-Canada salle Claude-Champagne et mes deux disques préférés étaient respectivement Le petit prince de Saint-Exupéry et l'album dédié à Mozart de la collection Le petit ménestrel. Quand j'ai franchi le seuil symbolique de l'école secondaire, j'ai aussi franchi celui de la musique populaire, grâce aux Beatles et I can't get no (satisfaction) des Rolling Stones, une amie (dont le nom m'échappe pourtant aujourd'hui) m'ayant fait une compilation sur cassette des plus grands hits des Fab Four. J'ai éventuellement usé à la corde l'album bleu (injouable maintenant), Rock and Roll et quelques autres. Pendant des années, religieusement, la première chanson qui ouvrait les partys de sous-sol (parfois chez moi, parfois chez des copains) était Twist and Shout des Beatles. De quoi vous plonger illico dans une ambiance festive (oui, je sais, c'était un remake, mais qu'importe!)
Alors, bien sûr, quand j'ai vu la bande-annonce cet été du film Across the universe, truffée de chansons des Beatles, j'ai été immédiatement séduite. Après la lecture d'une critique dithyrambique, je savais que je ne pourrais pas attendre la sortie DVD du film alors je me suis assumée. (Ayant regretté amèrement de ne pas avoir vu Moulin Rouge sur grand écran, je ne voulais pas reproduire la même erreur ici.)
La bande sonore du film mais aussi le scénario sont inspirés des chansons des Beatles. Sur fond musical presque omniprésent, on se replonge dans les années de contestation entourant la guerre du Vietnam. Jude, un docker de Liverpool (craquant Jim Sturgess, fragile et intense à la fois, qui a un petit air du jeune McCartney) se rend aux États-Unis pour retrouver son père, un G.I. américain qui a abandonné sa mère avant sa naissance. Concierge à Princeton, pourvu d'une autre famille, il se sent incapable de l'intégrer à sa vie. Malgré tout, Jude se fait rapidement de nouveaux amis, Max (le rebelle type, gosse de riche, interprété par Joe Andersen) et sa soeur Lucy (Evan Rachel Wood en blonde aux convictions pacifiques assumées). Pour Jude, c'est le coup de foudre. Un soir, sur un coup de tête, Max et Jude partent pour New York, y rencontrent Sadie, très Janis Joplin (magnifiquement interprétée par Dana Fuchs), Prudence, en quête d'elle-même (délicieuse T.V. Carpio), JoJo, émule d'Hendrix (plus grand que nature Martin Luther McCoy) mais se trouvent bientôt plongés au coeur même de la contestation face à la guerre du Vietnam. Le film alterne dès lors entre comédie romantique (Lucy finira par habiter New York), dramatique (les scènes de guerre sont particulièrement saisissantes) et peinture d'époque (les grandes marches pour la paix, l'assassinat de Martin Luther King, les délires psychédéliques).
Les 33 (34 si on compte la reprise de She loves you dans All you need is love) chansons des Beatles, interprétées par les acteurs principaux, font progresser l'action autant qu'ils permettent aux personnages de s'exprimer. Certaines sont réorchestrées de façon minimale (Because est sublime de simplicité mais sert de toile de fond à l'une des scènes les plus envoûtantes du film) tandis que d'autres sont entièrement revampées, le plus souvent de façon plus punchées que les originaux (par exemple, Oh darling!, traitée à la Jimi Hendrix ou I want you (She's so heavy), décapant, chanté par Uncle Sam et ses sbires, dans un numéro délirant). Si vous vous considérez puriste, vous serez peut-être choqué par certaines des libertées prises. Pour ma part, j'ai été entièrement séduite par ces nouvelles versions, à tel point que je considère très sérieusement l'acquisition de la trame sonore originale. Si habituellement on a plutôt tendance à admirer les mélodies accrocheuses du tandem Lennon/McCartney, on vit ici chaque parole avec une puissance décuplée.
Au rang des vedettes invitées, on note Bono (qui interprète une version complètement éclatée de I am the walrus mais qui force un peu la note), Selma Hayek (en infirmière voluptueuse) et Joe Cocker (trois petits rôles). Jeff Beck signe aussi une version instrumentale de A day in the life dont vous vous souviendrez. À voir absolument si vous aimez les comédies musicales et/ou les Beatles.
Le site officiel (ou l'on peut voir quatre clips) et la bande-annonce:

jeudi 4 octobre 2007

Birmanie libre?

La situation en Birmanie vous révolte? Le sort des journalistes de guerre vous interpelle? Alors, dépêchez-vous de lire cet excellent billet de Sammy sur le sujet!

mercredi 3 octobre 2007

Hommage à McLaren: mariage réussi entre images et musique

Hier soir, grand moment: faire (re)découvrir la musique classique à des jeunes de 14 et 15 ans, essayer de les convaincre que ce n'était pas aussi ringard qu'ils ne le croyaient, que l'expérience pouvait être enrichissante, que le langage n'était pas devenu obsolète. Même si la sortie n'était pas obligatoire, plus de la moitié (des 39) avait répondu présent. Je les avais préparés le mieux possible en leur parlant de Norman McLaren, les avais avertis que la première partie serait peut-être moins « cool » (la Première de Beethoven n'est pas exactement un chef-d'oeuvre) mais que, selon moi, ils apprécieraient le mariage images et musique de la seconde partie. Avant le concert, une fois qu'ils furent installés dans leurs sièges (superbement situés, merci G.!), j'ai fait un tour rapide pour leur rappeler ce que j'attendais d'eux (essentiellement une critique d'environ 350 mots du concert, travail soutenu par quelques pistes élaborées au cours précédent) et les inciter à prendre des notes avant qu'ils n'aient tout oublié. J'ai fait de même mais je suis persuadée que je n'aurai certainement pas retenu les mêmes éléments.



Malgré une attaque plus qu'approximative et quelques imprécisions dans les descentes des vents, la richesse des couleurs orchestrales assemblées par Kent Nagano m'a rapidement convaincue dans la Première Symphonie de Beethoven. Pour une fois, le choix de tempo du chef permettait à la phrase de respirer, de s'articuler de façon cohérente. Si le deuxième mouvement m'a semblé un peu précipité, le troisième, le premier vrai scherzo beethovénien, témoignait d'une belle énergie. On aurait par contre apprécié un peu plus de précision de la part des cornistes lors des quelques interventions et dans l'ouverture de Rossini, choix pétillant qui m'a semblé un excellent prélude à une soirée cinéma.

La deuxième partie du concert, plus substantielle, liait les images de quatre films de McLaren à des musiques interprétées par l'OSM. Saluons ici le remarquable travail du compositeur et pianiste improvisateur Gabriel Thibaudeau qui a bien su saisir l'essence des deux films qu'il a mis en musique. Dans Blinkity Blank, une oeuvre où se jumellent images abstraites et personnages à peine esquissés, catalyseurs d'un récit embryonnaire mais présenté de façon très rythmée, la partition s'est avérée très efficace. Dans Voisins, fable antimilitariste d'une grande portée, Gabriel Thibaudeau s'est réellement surpassé, nous offrant une partition encore plus puissante que la trame originale de McLaren, où se mêlaient l'humour caustique de Chostakovitch, certaines atmosphères à la Scriabine, des orchestrations tantôt limpides, tantôt somptueuses et des improvisations relevées. Kent Nagano avait choisi d'entrelacer des contredanses et une allemande de Mozart aux présentations des quatre films, choix qui me paraissait quelque peu excentrique sur papier mais qui convaincait plutôt (malgré l'interprétation qui manquait de précision et les contours parfois flous). Les petites pièces de Mozart devenaient des friandises acidulées qui laissaient le temps aux images de McLaren de s'imprégner dans le conscient du spectateur. L'exubérante Danse allemande m'a fait penser à ces fameux trous normands servis dans les restaurants raffinés et qui nettoie le palais avant la poursuite d'un repas fastueux. Ici, elle servait de pause bienvenue entre la violence brutale des dernières séquences de Voisins (qui en quelques secondes, nous fait passer du sourire bon enfant au rire grinçant puis au silence pantois) et l'horreur pure de Hell Unlimited, film pacifiste qui démontre et démonte les mécanismes de la guerre (essentiellement économiques) grâce à des images particulièrement lourdes de sens, avant de proposer une résistance passive du peuple qui, en unissant ses forces, pourrait (peut?) renverser la vapeur. Les deux célèbres adagios (ceux d'Albinoni et de Barber) accompagnaient les images du film, choix peut-être pas le plus original mais néanmoins efficace. On aurait souhaité que le concert s'achève sur ces images plutôt que de nous proposer un dessert presque décadent, le « Prélude et Liebestod » du Tristan und Isolde de Wagner. Timbres magnifiques, découpages subtils et profondeur de l'interprétation n'ont toutefois pas réussi à me convaincre (ni les élèves) de la nécessité de présenter cette oeuvre en conclusion de programme.



Alors, l'opération charme aura-t-elle réussi? Exclusion faite du Wagner (de trop), tous semblaient convaincus par l'expérience et m'ont remerciée chaleureusement. J'ai hâte de lire leurs critiques la semaine prochaine. J'en reproduirai ici quelques extraits car ce n'est pas tous les jours qu'on peut compter sur la présence de plus de 20 critiques dans la salle!