« J’ai photographié toute cette guerre horrible. Avec mes appareils, j’ai fixé une souffrance inconcevable, un courage inconcevable, une lâcheté inconcevable. J’ai fixé ce qu’est réellement la guerre : quelque chose d’inconcevable. Une souffrance si grande, si constante, si diabolique qu’une cathédrale comme celle de Chartres devrait ployer sous poids. Et s’écrouler de honte. »C'est en ces termes que s'exprime le personnage de Robert Capa, mythique photojournaliste, dans la pièce de théâtre Des jours et des nuits à Chartres d'Henning Mankell, récit lucide mais non dépourvu de tendresse de la mise au ban de Simone, au cœur de cette photo célèbre.
Le World Press Photo, c'est un peu ça: une série d'histoires, parfois politiques, parfois instants volés au quotidien, tantôt spectaculaires, tantôt d'une troublante intimité. Presque toujours humaines (sauf les photos présentées dans le cadre des catégories « nature ».) Terriblement humaines. Parce que, oui, même si les journaux télévisés et les manchettes des quotidiens nous saturent la rétine d'images violentes, d'hommes qui sont propulsés dans les airs après avoir mis le pied sur une grenade, d'enfants mutilés attendant que quelqu'un daigne les soigner, on a encore besoin de voir, de comprendre, de ressentir, d'être bousculé. Plus de 5 500 photographes professionnels ont transmis plus de 100 000 photos, prises dans 124 pays, au jury de l'édition 2013.
Comment ne pas être bouleversé par la photo gagnante, prise par le Suédois Paul Hansen à Gaza lors des funérailles de Suhaib (deux ans) et Muhammad (presque quatre ans) Hijazi, fauchés alors que leur maison a été détruite par une frappe israélienne en novembre dernier? (Le père a aussi été tué et la mère gravement blessée.)
Photo: Paul Hansen |
Dans un registre entièrement autre (toutes les photos sont cliquables), on ne peut que recevoir en pleine tronche la puissance de cette course de taureaux Pacu Jawi, prise en Indonésie par le Malaisien Wei Seng Chen.
Photo: Wei Seng Chen |
Comment oublier ces photos de l'équipe de basketball féminin en Somalie, alors que les femmes risquent leur vie pour pratiquer leur sport (Jan Grarup),
photo: Jan Grarup |
ces portraits de couples homosexuels vietnamiens vivant encore et toujours dans la marginalité (la série Le choix rose de Maika Elan),
Photo: Maika Elan |
le reportage sur les prostituées immigrantes qui travaillent dans des parcs en périphérie de Rome (Paolo Patrizi)
Photo: Paolo Patrizi |
ou encore l'histoire de Mirella qui, après avoir été mariée pendant 40 ans à Luigi, a choisi de s'occuper de lui pendant six ans, jusqu'à ce qu'il perde sa bataille contre la maladie d'Alzheimer (Fausto Podavini).
Photo: Fausto Podavini |
On peut voir ces photos sur le site du World Press Photo, mais on les ressent différemment quand on les voit en grand format, articulées autour de thématiques. Au deuxième palier de la salle du Marché du Bonsecours, on pourra aussi découvrir les photos lauréates de la 5e édition du Concours international de photoreportages sur les droits de la personne Anthropographia, ainsi que de très beaux portraits de femmes du Burkina Faso, croqués par Émilie Régnier.
Des activités sont proposées en périphérie de l'événement au Centre Phi, dont la projection du magnifique film d'Helen Doyle Dans un océan d'images (présenté lors du dernier FIFA) le 11 septembre à 18 h 30 et deux soirées multimédia avec le légendaire Larry Towell les 12 et 13 septembre. (Ce dernier offrira aussi un atelier aux professionnels le 14 septembre.)
Tous les détails ici.
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