Pour prouver ma bonne volonté, un triplé poésie québécoise parce que, oui, notre poésie se porte bien, qu'elle a bien peu à envier à celle des cousins par-delà la grande mare, qu'elle se décline de tant de façons différentes, chaque voix se révélant unique, mais reconnaissable.
Si dans Sans toi je n'aurais pas regardé si haut, Denise Desautels nous proposait une balade dans un parc La Fontaine autant réel que sublimé, dans Ce désir toujours nous propose un abécédaire de création, de réflexion, qui nous permet aussi bien de rentrer dans la « chambre à soi » de la poète que dans celle de l'amoureuse. On retrouve le Fils comme la meilleure amie, trop tôt décédée (K.), le Père, la mère (Ô), l'amoureux (Gilles), mais aussi des réflexions sur l'écriture (Bibliothèque et Écrire particulièrement), sur le labyrinthe des miroirs intérieurs, sur la sculpture, le toucher, la réconciliation. L'objet pourrait s'avérer hétéroclite; pourtant, partout, on reconnaît le souffle unique de la poète, son regard si particulier sur le quotidien, sur l'abstraction du geste d'écriture.
« J’écris, comme tu dis que tu peins, répétant, bafouillant, avec une main qui s’obstine à raconter des bribes d’histoires venues de loin, enfouies sous tant de renoncements; une main qui marque et rature chaque surface polie, qui vrille la terre, villes et cimetières, jusqu’à ce qu’une hirondelle en jaillisse. Car ce qu’il y a de mouvement au creux de cette paume gauche s’appelle un espoir. »
Registre aussi en demi-teintes pour Martine Audet, redécouverte alors que j'arpentais la Rue de la poésie il y a deux semaines. Dans Le ciel n'est qu'un détour à brûler, d'abord exposition présentée à la Maison de la culture Plateau Mont-Royal au printemps 2009, on la découvre à la fois comme poète et photographe - presque plasticienne. Sous son regard, prennent vie des feuilles blanches, sur lesquelles on devine des mots, froissées, déchirées, auxquelles se superposent parfois des touches de couleurs. On aurait pu considérer les assemblages comme des natures mortes. Plutôt, on y décèle volumes, reliefs, ombres, on y devine le geste créateur, pulsation essentielle au milieu des paysages parfois désertiques des courts poèmes juxtaposés, entre haïkus et aphorismes.
« De courtes pauses / entre les morts / gonflent la poitrine / comme des neiges / comme un regret / des fictions »ou encore
« D’humides pavanes / peut-être les plus fiers chevaux / l’éphémère occupe le rêve / d’un visage aimé / le poème – il est vrai – / se conserve plus longtemps »Rien de suranné dans La sueur des airs climatisés du très prolifique Simon Boulerice, dramaturge, romancier, acteur, danseur... Ici, l'été est brûlant, les premiers amours laissent pantois. On rêve, mais on rit aussi. On découvre l'autre, au quotidien, sans tambour ni trompettes, sans ponctuation ni majuscules.
« je veux courir vers la furie de mon enfance / avec toi dans les jambes /et de l’automne dans le vent »Les corps s'emballent, se cherchent, se retrouvent, on délaisse les matières étudiées pendant l'année pour apprivoiser une toute autre géographie, on rêve d'évasions, sans lourdeur, sans rancœur.
«Nous faisons des projets de carrière / nous deviendrons producteurs de films XXX /des films complets / avec de l'amour mêlé au désir /des films de tendresse / avec des érections naturelles et des filles heureuses /des filles qui se sentent en sécurité / qui ont envie d'être là / dans ces bras-là /
des filles avec des seins normaux /des bouches normales / des gars capables de dire je t'aime / avant d'éjaculer »
2 commentaires:
Merci pour la découverte! Je suis terriblement inculte en poésie québécoise.
De belles découvertes !! Moi qui n'y connais rien (ou fort peu ^^) en poésie, ça me donne pourtant envie...
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