Présentée l’année dernière à la même époque, La sagesse des abeilles se révélait une
fable à la charge poétique, qui exigeait du spectateur un certain lâcher-prise,
mais qui permettait de plonger au cœur même d’un très beau texte à portée
écologique du philosophe Michel Onfray. Le même noyau dur nous revient ces jours-ci: Onfray aux textes, Jean Lamber-wild à la mise en
scène de, François Royet aux projections, Jean-Luc
Ternminarias à la musique. S'y greffent quatre comédiens et le danseur Juha Marsalo,
évoluant sur une magnifique chorégraphie de la mythique Carolyn Carlson. (Quel plaisir de pouvoir plonger dans son langage si particulier autrement qu'en vidéo!)
Cette
production présentée d’abord à Caen en 2009, qui a voyagé depuis, renvoie elle aussi à Démocrite, mais s’inspire
cette fois du Traité du rebelle
d’Ernst Jünger, qui traite autrement la figure
du Waldgänger, ce proscrit se réfugiant
dans les forêts pour fuir une société dans laquelle il ne sait plus comment s’inscrire. Le texte s’articule en deux segments : un sombre réquisitoire
contre la barbarie des hommes, malheureusement toujours aussi pertinent, et un
plaidoyer pour un recours aux forêts intérieur, le spectateur étant appelé à puiser
en lui-même et dans la contemplation de la nature pour trouver une
échappatoire à ces vagues de violence et d'incompréhension.
Alors que le texte agissait en roi et maître dans La sagesse
des abeilles, ici, il se dilue malheureusement au contact des stimulations
visuelles et auditives multiples qui bombardent le spectateur. La musique de
Terminarias, traitée de nouveau en superposition bande enregistrée traitement
en direct (vibraphone) se révèle une fois de plus envoûtante, mais écrase
souvent le propos des quatre comédiens, dont les voix se superposent de façon incantatoire, parfois aussi un tantinet artificielle. La vue, aussi biens
sollicitée par les projections 3D (en première partie) que la gestuelle
hypnotique du danseur, qui semble se métamorphoser sous nos yeux en arbre noueux dont les branches
semblent croître en parallèle des images d'arbres projetées, en oiseau perché sur une jetée, en rocher, en buisson, prend souvent le dessus sur l’ouïe, mais surtout sur la
compréhension profonde du texte. Aurait-il fallu alterner
segments dansés et lus, travailler les textures autrement? En même temps, est-il nécessaire de
comprendre les moindres rouages du texte à la première écoute? Ne vaut-il pas
mieux le recevoir de façon presque épidermique d’abord et réfléchir ensuite?
Plusieurs images d’une troublante beauté
s’immiscent dans le conscient et le subconscient du spectateur :
l’antinomie entre fragilité et force, inhérentes au genre humain, les croissance parallèles de la nature et de l'homme, ces sphères de couleur, symboles
du repli sur soi nécessaire peut-être, qui se transforment en œuvre d’art sous les
gestes du danseur, cette bruine chargée de promesse qui sert de ponctuation
entre les deux parties, cette lumière qui appelle telle un phare… Une chose est certaine: on sort de là avec des pistes de réflexion, une volonté de se réapproprier le texte, loin de toute stimulation, de retrouver son Waldgänger intérieur...
À l'Usine C jusqu'au 14 septembre.
À l'Usine C jusqu'au 14 septembre.
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