« Parfois, Maria écrit. L’espace de la littérature est le seul qui lui permet d’inventer suffisamment pour avoir l’impression de toucher au vrai. »Certains livres vous balaient d’un seul coup et vous déposent sur la rive, pantelants. D’autres ne s’apprivoisent qu’à rebrousse-poil, mais continuent néanmoins de vous interroger, des semaines après la lecture. Retour d’outre-mer entre indéniablement dans cette deuxième catégorie. Maria a perdu son père et sent la nécessité de faire un bilan du lien affectif qui l’unissait à lui. Elle en profitera pour laisser place aux souvenirs de son enfance passée en partie en Algérie, accepter les blessures infligées par sa mère, chercher à renouveler la perception qu’elle a de son frère, raviver la morsure de son grand amour. On se serait attendu à ce que la narratrice plonge dans la douleur, crie sa colère, nie ses cicatrices. Elle privilégie plutôt une réserve certaine, comme si la douleur ne pouvait s’appréhender que bridée, que cette circonspection se révèle la seule façon d’offrir une vie parallèle à ces êtres chers disparus : « L’espace qui fait naître les fantômes, c’est l’espace de leur récit. »
Le lecteur butera d’abord sur cette distance que l’auteure installe. Ayant connu un parcours semblable à celui de son héroïne, Julia Pawlovicz a-t-elle eu peur de franchir la frontière toujours floue de l’autofiction? A-t-elle souhaité, consciemment ou non, se dissocier de son passé en le transformant en geste littéraire? On peine par moments à adopter le rythme si particulier, à la ponctuation travaillée, presque trop balisé, instillé au récit. Pourtant, dans « Chuck », la section traitant du grand amour perdu, on se laisse emporter par un lyrisme certain.
« Chuck et Maria ne se sont pas oubliés. Ils ont envie de se salir, de se marquer l’un l’autre avec les doigts et la salive, avec l’odeur du sexe qu’ils vont porter comme une eau de toilette. Chaque parcelle de leur corps est une zone sinistrée. Ils jouent, se débattent, et font l’amour ensuite. Usés l’un par l’autre, pour se retrouver. Dans une sorte de quiétude presque. »Si, sur le moment, j’ai eu l’impression d’un rendez-vous en partie manqué, quelques semaines après, je réalise que cette voix exige néanmoins que je lui donne une seconde chance. Le feu ne peut-il pas gronder sous la glace?
4 commentaires:
Tu es plus positive que Lali !
Oui, je sais... elle n'a vraiment pas aimé! :s
Ce roman me tente beaucoup mais je sens que je vais avoir du mal à le trouver :-)
Tu pourras demander au Papou de te l'apporter (ou le poster... il est tout petit! ;)
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