Comme
si de rien n’était adoptait une forme entre recueil de nouvelles, novella et
roman. Quatre protagonistes, quatre moments-clé, soulignés un peu trop fortement
par un narrateur omniscient, ce qui avait alors un peu freiné mon enthousiasme
de lecture. Je n’émettrai aucune réserve de la sorte ici, alors que Maxime
Collins choisit de se concentrer sur le personnage de Gabriel, le suivant sur
une période de 17 ans, de 2003 à 2020. Comment réussir à transmettre son
évolution dans le temps? En le retrouvant une fois par année, au tournant de
l’année, moment charnière où même les plus insouciants feront un retour sur
eux-mêmes : motivations, déceptions, amours qui se nouent ou se dissipent,
amitiés qui résistent ou non au passage des ans. Le processus aurait rapidement pu devenir artificiel, mais il n’en est rien. Le lecteur accepte l’ellipse
temporelle sans sourciller, en témoin consentant, comme peut l’être un ami que
l’on ne voit pas souvent, mais avec lequel on a l’impression de poursuivre une
même conversation continue.
Tout comme les personnages de Comme si de rien n’était, Gabriel se cherche. Il s’interroge sur
son identité sexuelle (bi ou homo), son avenir professionnel, les liens qu’il
entretient avec ses amis. Il est surtout rongé par l’amour qu’il éprouve pour
Luc, qui l’asservit, sexuellement, mais aussi émotivement. Prêt à tout pour
conserver l’amour de celui qu’il croit l’homme de sa vie – même quand celui-ci
le trompe ouvertement –, il est prêt à tout accepter pour une bribe d’amour,
une caresse. « […] mon ventre se
contractait et j’avais envie de vomir dès que je pensais à un autre homme. Il
n’y en aurait pas d’autres. Plus jamais. Il n’y avait que Luc. Le sexe avec
Luc, la vie avec Luc, l’amour de Luc. » Et puis, un soir, alors que
tout semble de nouveau possible, la vie de Gab bascule, irrémédiablement.
Maxime Collins sait indéniablement comment raconter une
histoire, camper un personnage – qu’il lui ressemble ou non n’a ici aucune
importance –, établir une atmosphère en quelques lignes. Certains seront
peut-être rebutés parce que le narrateur évoque ouvertement sa vie sexuelle.
Ils se priveront d’un indéniable plaisir de lecture.
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