« Il y a des choses innommables. » Le spectateur qui, casque d’écoute en main, s’installe d’un côté ou de l’autre du cube reproduisant la station de Radio-télévision libre des mille collines (RTLM), comprend les enjeux de la reconstitution du metteur en scène suisse Milo Rau. Pourtant, rien ne le prépare exactement au direct en plein visage qu’assène Hate Radio.
D’entrée de jeu, il est confronté à des témoignages bouleversants de survivants (incarnés par des acteurs, projetés sur les murs extérieurs du studio, pas encore dévoilé). Des mots simples, massue, qui évoquent l’horreur la plus pure, l’abjection dans ce qu’elle a de plus vil, de plus universel. « C’était des mots; c’était irréel. »
Sur un extrait de la Septième Symphonie de Bruckner, qui avait troublé Hitler profondément, quintessence même selon lui du germanisme, on apprend la mort du président rwandais Juvénal Habyarimana (avec aussi à son bord celui du Burundi Cyprien Ntaryamira), dont l’avion est abattu par un missile le 6 avril. Le durcissement des positions est inévitable et les animateurs de RTLM deviendront les porte-étendards d’une radicalisation idéologique, les Hutus s’arrogeant le droit de se débarrasser de ces «cafards» de Tutsis.
Sur scène, quatre comédiens endossent les rôles de trois animateurs vedettes – Habimana Kantano, Valérie Bemeriki et Georges Ruggiu, Belge d’origine italienne – et du DJ qui, derrière sa console surmontée d’une improbable vierge clignotante, fait jouer les disques et prend les appels des auditeurs. Une radio-poubelle interactive d’une troublante actualité, dans laquelle le message haineux est transmis avec le sourire – sinon sur fond de franche rigolade –, entre un air de souk, I like to move it de Reel 2 Real (chanson emblématique de l’année 1994) ou Rape Me de Nirvana qui, en moins de trois minutes, résume le propos de la pièce.
Représentations ce soir et demain soir, complètes, mais en vous présentant sur place, vous pourriez trouver une place.
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