Quelques secondes ont suffi pour que je me rappelle combien la hautboïste Josée Marchand était une musicienne exceptionnelle, mais aussi que je cède unilatéralement à la lecture de Daniel Myssyk. Plutôt que d'être noyée dans une masse orchestrale imposante, chaque ligne du Tombeau de Couperin ressortait avec une clarté décuplée, les textures devenant aériennes, les articulations limpides et les couleurs translucides. La moindre respiration avait été étudiée, comme en ont par exemple témoigné les fins de phrase adroitement calibrées du Menuet. Le tempo très assis de la Forlane permettait au Rigaudon final de se déployer, frais et éclatant. Une impression de découvrir la pièce pour la première fois, d'enfin comprendre l'hommage que Ravel avait voulu rendre aussi bien aux clavecinistes de jadis qu'aux amis disparus au front.
L'introduction orchestrale du Concerto de Mozart a confirmé que Myssyk entretient une conception opératique, jamais mièvre, des pages du compositeur. Les phrases respirent, l'atmosphère est établie en quelques gestes tout au plus. L'entrée du piano se fera malheureusement avec moins de douceur et de subtilité, chaque note se trouvant étrangement isolée de la précédente, comme si David Jalbert avait voulu sculpter chacune d'entre elles, peut-être afin de s'assurer qu'elles seraient adéquatement projetées dans la salle. Ce découpage accru aurait sans doute été nécessaire dans une grande salle, à l'acoustique imprécise (comme la Salle Wilfrid-Pelletier), mais donnait l'impression ici de forte surjoués. Pourtant, les passages piano et même mezzo-piano ne manquaient aucunement de subtilité et coulaient de façon naturelle. Avait-on ici affaire à deux visions différentes d'une même oeuvre, non complémentaires?
L'après-entracte était consacré à la Deuxième Symphonie de Beethoven. Les chefs ont souvent la tentation de la traiter comme le prolongement d'une certaine esthétique mozartienne, même si elle est contemporaine du Testament d'Heiligenstadt. Daniel Myssyk la conçoit plutôt comme préfigurant l'énergie ravageuse de l'« Héroïque », tous les éléments qui feront la marque de commerce de Beethoven étant déjà présents: scherzo à part entière, travail sur les oppositions de nuances, implacabilité de la rythmique... On note aussi un remarquable travail sur les nuances, les sforzandos se révélant aussi bien éléments de surprise que soutien - ou détournement - agogique. Le son demeure toujours rond, jamais forcé, les crescendos parfaitement dosés (quelle belle montée que celle vers l'apex du deuxième mouvement, juste avant le retour du thème principal!), chaque thème se voit octroyer une personnalité distincte.
On sort du concert en se disant que même les œuvres qu'on croyait ne plus pouvoir entendre n'ont pas fini de révéler leurs secrets. Il suffit parfois d'un guide qui sache en enlever les scories...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire